Quatre études sondent les mystères qui se cachent sous les nuages de Jupiter
La sonde spatiale Juno de la NASA fait le tour de Jupiter depuis 20 mois maintenant et transmet des données scientifiques à la Terre à un rythme effréné. Cette semaine, des astronomes ont publié 4 nouvelles études fondées sur les mesures de Juno, qui explorent l’atmosphère turbulente de la géante gazeuse et les éléments qui se trouvent sous sa surface nuageuse. Comme le montrent leurs résultats, la plus grande planète de notre système solaire est encore plus étrange que nous ne l’avions imaginé.
Image d’entête : Le pôle sud de Jupiter vu à une longueur d’onde de 5 μm, montrant la chaleur émanant de la planète à travers les nuages (plus la couleur est sombre, plus les nuages sont épais). (NASA/ SWRI/ JPL/ ASI/ INAF/ IAPS)
Les nouvelles données recueillies à partir de la sonde aident les astrophysiciens à comprendre l’origine de ses bandes colorées distinctives et le comportement des énormes systèmes de cyclones qui font rage près des pôles de la planète.
Pour obtenir ces données, Juno tourne donc autour de Jupiter à raison d’une fois tous les 53 jours. Et pour chaque tour de la planète, la sonde plonge jusqu’à 3 400 kilomètres au-dessus des sommets nuageux de Jupiter, en traversant les deux pôles en seulement quelques heures. Au cours de ces brefs survols, Juno enregistre plus de 6 mégaoctets de données et d’images, transmettant lentement ses découvertes à la Terre par ondes radio.
Représentation artistique de la sonde Juno autour de Jupiter. (NASA)
Selon Yohai Kaspi, astrophysicien à l’Institut Weizmann des sciences de Rehovot, en Israël :
Nous savions ce qui se passait au niveau des nuages (ce que nous pouvons voir), mais très peu sur ce qui se passe en dessous.
Cette série de 4 études jette un coup d’œil sous la surface de la planète pour la première fois, décrivant les énormes grappes de cyclones de Jupiter, son champ gravitationnel bancal et ses vents puissants qui donnent à la planète son aspect si particulier.
Au cours de 5 survols au-dessus des pôles de Jupiter, Juno a capturé des images infrarouges et visibles de la zone autour des pôles, ce qui nous donne une image beaucoup plus détaillée des énormes groupes de cyclones que nous connaissons déjà.
Certaines des tempêtes de Jupiter sont assez grandes pour contenir la Terre ou au moins une bonne partie de celle-ci. (NASA/ JPL-Caltech/ SwRI/ MSSS/Gerald Eichstädt/ Seán Doran)
Au pôle Nord, un cyclone central est entouré de 8 autres cyclones, chacun d’eux ayant un diamètre de 4 000 kilomètres, ce qui les rend individuellement aussi larges que l’Australie. Au pôle Sud, un autre cyclone est entouré de 5 autres cyclones, chacun d’un diamètre comprit entre 5 600 et 7 000 kilomètres (image d’entête).
Selon Alberto Adriani de l’Institut national italien d’astrophysique à Rome, l’auteur principal du document décrivant les cyclones :
Nous n’avons jamais vu de structures similaires sur d’autres planètes de notre système solaire.
Mais d’où viennent ces cyclones et depuis combien de temps font-ils rage au-dessus de la surface de la planète, cela reste toujours un mystère, même si Adriani pense qu’ils sont là depuis longtemps.
Chaque grande structure sur Jupiter semble subsister longtemps et dans certains cas très longtemps, comme la Grande Tache rouge et, jusqu’à présent, les structures polaires que nous avons observées semblent être très stables.
Au cours des 7 mois qu’Adriani et son équipe ont suivi les cyclones autour du pôle Nord, ils ont constaté que les tempêtes ont dérivé très lentement vers l’est et qu’elles n’ont pas du tout changé de forme.
La surface visible de Jupiter est striée de bandes brillantes et sombres distinctives, engendrées par le gaz bousculé par des vents pouvant atteindre 300 kilomètres par heure. Mais jusqu’à ces derniers résultats, nous ne savions pas à quel point ces vents atteignaient la zone la plus élevée de l’atmosphère de la planète.
En étudiant les données sur le champ gravitationnel de Jupiter, Kaspi et ses collègues ont découvert que ces courants-jets externes s’étendent à 3 000 kilomètres au-dessous du niveau des nuages. Puisque Jupiter n’a pas de surface solide, il est difficile de trouver une définition précise de son atmosphère, mais ces résultats suggèrent qu’elle est beaucoup plus profonde qu’on ne le pensait auparavant.
Selon Kaspi :
Ce fut certainement une surprise. Nous n’avons jamais vu une atmosphère aussi massive, mais il est possible que Saturne ait aussi des jets profonds et une atmosphère profonde.
En utilisant le même ensemble de données, Kaspi a également pu estimer que l’atmosphère de Jupiter ne représente que 1 % de la masse totale de la planète. Au point où ces jets profonds commencent à se désintégrer, la pression est environ 100 000 fois supérieure à celle de l’atmosphère à la surface de la Terre. Maintenant qu’ils ont calculé l’étendue de ces jets, Kaspi et son équipe prévoient d’utiliser une approche similaire pour comprendre la profondeur et la structure de la Grande Tache Rouge de Jupiter, une tache persistante dans l’atmosphère de la planète qui fait plus de deux fois la taille de la Terre.
Précédemment :
Ces jets profonds révèlent également des indices utiles sur le champ gravitationnel de Jupiter. Nous savions déjà qu’il n’était pas parfaitement symétrique, car une grande partie de la masse de la planète est inégalement répartie dans les courants-jets qui soufflent dans son atmosphère. Maintenant nous savons que ces jets sont très profonds, nous savons aussi que la variation de la gravité est beaucoup plus grande que ce qui avait été estimé auparavant.
Pour mesurer la gravité de Jupiter, Luciano Iess et ses collègues de l’université de Rome en Italie ont étudié les très légères variations des signaux radio envoyés et reçus par la sonde Juno. En mesurant la différence de fréquences entre les signaux transmis et reçus, Iess a pu déduire des changements minimes dans la vitesse de la sonde, causés par la variation du champ gravitationnel de Jupiter. Grâce à la liaison radio entre Juno et la Terre, l’équipe a pu mesurer la vitesse de la sonde jusqu’à des changements de 1 centième de millimètre. Cela confirme que la mesure du champ gravitationnel d’une planète peut être utilisée pour examiner les dynamiques planétaires qui ne peuvent être observées par d’autres instruments. Des études similaires sur les données recueillies à partir de la sonde Cassini pourraient bientôt nous indiquer si les mêmes dynamiques planétaires sous-jacentes sont en jeu en ce qui concerne Saturne.
Les 4 étude publiées dans Nature :