Sur ce qu’engendrent les intenses tempêtes de méthane de la lune de Saturne, Titan
La plus grande lune de Saturne, Titan, est mystérieuse… et plus nous en apprenons sur elle, plus elle nous surprend. En plus d’être le seul corps au-delà de la Terre à disposer d’une atmosphère dense et riche en azote, elle possède également des lacs et des nuages de méthane. Ce cycle hydrologique, où le méthane est converti d’un liquide en gaz et inversement, est très similaire au cycle de l’eau sur Terre.
Grâce à la mission Cassini-Huygens de la NASA/ ESA, qui s’est terminée le 15 septembre lorsque la sonde s’est écrasée dans l’atmosphère de Saturne, nous en avons beaucoup appris sur cette lune ces dernières années. La dernière découverte, réalisée par une équipe de scientifiques planétaires de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA) et de géologues, concerne les tempêtes de pluie de méthane de Titan. En dépit d’être un événement rare, ces tempêtes peuvent apparemment devenir plutôt extrêmes.
Comme pour l’image d’entête, Titan dans une photo prise par la sonde Cassini. (NASA/ JPL-Caltech/ Space Science Institute)
L’étude dirigée par Saun P. Faulk, du Département des Sciences de la Terre, des Planètes et de l’Espace de l’UCLA, comporte des simulations des précipitations de Titan afin de déterminer comment des phénomènes météorologiques extrêmes ont façonné la surface de la lune.
Ils ont ainsi pu déterminer que de puissantes tempêtes de pluie de méthane pourraient marquer la surface glacée de la lune de la même manière que les grosses tempêtes de pluie façonnent la surface rocheuse de la Terre et qui joue un rôle important dans son évolution géologique. Lorsque les précipitations sont suffisamment abondantes, elles peuvent engendrer d’importants débits d’eau qui transportent des sédiments dans les basses terres, où elles forment des structures en forme de cônes, appelés cônes de déjection.
Cône de déjection à hauteur de Randa en Suisse. Le torrent issu du glacier charrie des alluvions qui déplacent le cours de la rivière sur l’autre versant de la vallée. (Woudloper/ Wikimedia)
Pendant sa mission, la sonde Cassini a trouvé des caractéristiques similaires sur Titan en utilisant son radar, suggérant que la surface de cette lune pourrait être affectée par d’intenses pluies. Alors que ces cônes de déjection représentent une nouvelle découverte, les scientifiques étudient la surface de Titan depuis que Cassini a atteint le système de Saturne en 2006. A l’époque, ils ont repéré plusieurs caractéristiques intéressantes comme de vastes dunes de sable qui dominent les basses latitudes de Titan et des lacs et des mers de méthane qui recouvrent ses latitudes plus élevées, notamment autour de la région polaire nord. Les mers Kraken Mare, Ligeia Mare et Punga Mare mesurent des centaines de kilomètres de diamètre avec une profondeur de plusieurs centaines de mètres.
Cette carte a été obtenue par les instruments radars de la sonde Cassini de 2004 à 2013. La vue, avec le pôle nord de Titan au centre, s’étend sur 50 degrés de latitude nord. (NASA/ JPL-Caltech/ ASI/ USGS)
Elles sont alimentées par des chenaux ramifiés qui ressemblent à des rivières. Il y a aussi de nombreux lacs plus petits et moins profonds qui ont des bords arrondis et des parois abruptes, et qui se trouvent généralement dans des zones plates. Dans ce cas, les scientifiques de l’UCLA ont constaté que les cônes de déjection sont principalement situés entre 50 et 80 degrés de latitude. Cela les rapproche du centre des hémisphères nord et sud, bien que légèrement plus proche des pôles que de l’équateur. Pour voir comment les tempêtes de Titan pourraient créer ces caractéristiques, les chercheurs se sont appuyés sur des simulations informatiques du cycle hydrologique de la lune.
Ils ont trouvé que, pendant que la pluie s’accumule surtout près des pôles (où se trouvent les principaux lacs et mers) les pluies les plus intenses se produisent près des 60 ° de latitude. Cela correspond à la région où les cônes de déjection sont les plus concentrés et cela indique que lorsque Titan connaît des précipitations, elles sont assez extrêmes, comme une averse de mousson saisonnière.
Comme l’a indiqué Jonathan Mitchell, principal auteur de l’étude, ce phénomène n’est pas sans rappeler certains événements météorologiques extrêmes survenus récemment sur Terre :
Les tempêtes de méthane les plus intenses dans notre modèle climatique déversent au moins un 300 m de pluie par jour, ce qui se rapproche de ce que nous avons vu à Houston après l’ouragan Harvey cet été.
L’équipe a également constaté que sur Titan, les pluies de méthane sont plutôt rares, se produisant moins d’une fois par année de Titan, ce qui équivaut à 29 années et demie de la Terre. Mais selon Mitchell, qui a aussi travaillé sur la modélisation du climat de Titan à l’UCLA, c’est plus souvent que ce à quoi ils s’attendaient.
Les précédents modèles climatiques de Titan ont suggéré que le méthane liquide se concentre généralement plus près des pôles. Mais aucune étude n’a cherché à savoir comment les précipitations pourraient induire le déplacement et l’érosion des sédiments, ou montré comment cela pourrait expliquer les diverses caractéristiques observées à sa surface. Par conséquent, cette étude suggère également que : “les variations régionales des caractéristiques de surface pourraient être causées par les variations régionales des précipitations”.
L’étude publiée dans Nature : Regional patterns of extreme precipitation on Titan consistent with observed alluvial fan distribution et présentée sur le site de l’université Intense storms batter Saturn’s largest moon, UCLA scientists report.