Le poisson-archer reconnaitra votre visage
Nous avons tendance à sous-estimer l’intelligence des poissons et une nouvelle expérience révèle qu’au moins une espèce de poissons tropicaux est capable de faire la distinction entre des visages humains. C’est du jamais vu chez les poissons et cela devrait changer l’idée que nous nous faisons de ces créatures et de la façon dont le cerveau fonctionne.
Une nouvelle étude montre que les poissons-archers sont capables d’apprendre et de reconnaitre des visages humains avec une très grande précision. Cet exploit révèle que cette tâche complexe ne nécessite pas nécessairement un gros cerveau avec un néocortex sophistiqué, une zone hautement évoluée du cerveau responsable de la vue et de l’ouïe chez les mammifères.
Il apparait désormais que ces poissons sont plus intelligents et plus “conscients” de leur environnement que nous l’avions supposé. L’idée qu’ils ne ressentent pas la douleur, par exemple, à tendance à progressivement changer. Et récemment, on a découvert que les raies Manta sont capables de passer le test du miroir, qui est considéré comme une mesure importante de la conscience de soi.
Cela pourrait sembler ne pas être une grande prouesse, mais la capacité à distinguer les visages humains est plus compliquée qu’il n’y parait. La plupart des visages ont tendance à partager certaines caractéristiques de base, comme une paire d’yeux, un nez et une bouche, placés de manière prévisible. Par conséquent, pour faire la différence entre les visages, nous devons chercher des traits distinctifs.
Selon le chercheur principal Cait Newport de l’université d’Oxford :
Il a été émis l’hypothèse que cette tâche est si difficile qu’elle ne peut être accompli que par les primates, qui ont un grand et complexe cerveau. Le fait que le cerveau humain a une région spécialisée utilisée pour reconnaitre des visages humains suggère qu’il peut y avoir quelque chose de spécial concernant les visages eux-mêmes.
Pour tester cette idée, Newport et son équipe ont cherché à déterminer si un autre animal avec un plus petit et plus simple cerveau et sans besoin évolutif de reconnaitre des visages humains pourrait accomplir cette tâche. Leur étude montre que ces poissons, malgré l’absence du cortex visuel sophistiqué des primates, sont capables de distinguer un visage à partir d’un échantillon de 44 nouveaux visages. En un mot, c’est incroyable.
Les chercheurs ont donc utilisé des poissons-archers dans leur expérience, un poisson tropical qui crache des jets d’eau pour toucher des proies au-dessus d’eux, à la surface, ce qui est déjà un exploit en soi.
Un visage déjà connu ou une série de nouveaux visages ont été présentés aux poissons. En utilisant des récompenses alimentaires, les poissons-archers ont été formés pour choisir entre deux visages, ce qu’ils ont fait en tirant des jets d’eau sur le visage qui leur semblait familier.
Exemples de visages présentés et schéma de l’expérience (Max-Planck Institute for Biological Cybernetics/ Nature)
A la surprise des chercheurs, les poissons-archers ont toujours choisi le visage familier pour recevoir leur récompense, même lorsque les caractéristiques les plus évidentes, telles que la forme de la tête et la couleur, ont été retirées des images. Les poissons ont correctement reconnu 81 % des visages à partir des 44 présentés et c’est monté à 86 % lorsque la luminosité et la couleur ont été normalisées.
Selon Newport :
Les poissons ont un cerveau plus simple que les humains et ils n’ont pas la section que les humains utilisent pour la reconnaissance des visages. Malgré cela, de nombreux poissons montrent d’impressionnants comportements visuels et sont les sujets parfaits pour tester si des cerveaux simples peuvent accomplir des tâches complexes.
En effet, cette expérience montre que les poissons, ou au moins les poissons-archers qui profitent de leurs puissantes capacités visuelles pour les aider à chasser sont capables de faire de très fines distinctions visuelles dans leur environnement. Ils n’ont pas évolué pour reconnaitre des visages humains, mais il semble maintenant que leurs aptitudes visuelles peuvent être mises à profit dans ce but. De plus, cette étude démontre qu’un gros cerveau et un néocortex ne sont pas nécessairement requis pour la reconnaissance faciale.
L’étude publiée dans Scientific Reports :Discrimination of human faces by archerfish (Toxotes chatareus).