Une ancienne espèce de Gibbon inconnue et trouvée dans une tombe d’une noble chinoise fut aussi la victime de l’humain
Une nouvelle étude révèle la découverte fortuite d’ossements d’une espèce de gibbon éteinte et jusqu’alors inconnue dans ce qui pourrait être la tombe de la grand-mère du premier empereur de Chine. Ces résultats suggèrent que le niveau de diversité des grands singes après la dernière période glaciaire était plus élevé qu’on ne le pensait auparavant, et que le nombre d’extinctions de primates dues à l’humain a probablement été sous-estimé.
Image d’entête : crâne du Junzi imperialis, un gibbon récemment disparu de Chine. (Samuel Turvey/ ZSL)
En 2004, des chercheurs ont fouillé une tombe dans la ville de Xi’an en Chine, autrefois la capitale Chang’an, où les légendaires soldats chinois en terre cuite ont été déterrés. Le tombeau avait environ 2 200 ans, datant de la période d’États belligérants, lorsque les royaumes ont fait la guerre pour unifier la Chine en un seul empire.
Les archéologues ont suggéré que la tombe appartenait à Lady Xia, grand-mère du premier empereur chinois Qin Shihuang, dont les actes notables comprenaient la construction de ce qui est devenu la Grande Muraille de Chine. Comme certains sites de personnage de l’élite de la même époque, cette tombe était accompagnée d’une « ménagerie funéraire », une douzaine de fosses remplies d’os d’animaux, comprenant des squelettes de léopards, d’ours, de lynx, de grues et, étonnamment, d’un gibbon.
Selon Alejandra Ortiz, coauteure de l’étude et paléoanthropologue à l’université de New York :
Aucun gibbon n’a été décrit auparavant dans une tombe chinoise.
Les Gibbons étaient admirés dans la Chine antique, avec des hommages rendus à la fois dans les peintures et les poèmes. Le fait qu’ils vivaient profondément dans les forêts leur donnait un air grand et mystérieux, et les primates étaient largement considérés comme un symbole de gentillesse ou de junzi (fils d’un seigneur) dans la Chine antique. Les Gibbons ont également été gardés comme prestigieux animaux de compagnie pendant la dynastie Zhou, selon les chercheurs.
Xi’an est situé dans la province de Shaanxi, dans le nord-ouest de la Chine et selon l’auteur principal de l’étude, Samuel Turvey, zoologiste à la Zoological Society of London :
Elle est située à une très grande distance des populations de gibbons survivants de la Chine, ce qui suggère immédiatement que ce spécimen pourrait être quelque chose d’extrêmement intéressant.
Constitués principalement d’os partiels de la face et de la mâchoire, les restes du mystérieux gibbon ont été comparés à des hylobatidés vivants et éteints, le groupe de primates qui comprend les gibbons et les siamangs. Les scientifiques ont découvert que ce gibbon était un nouveau genre et une nouvelle espèce, qu’ils ont nommé Junzi imperialis, “un genre et une espèce de singe disparu qui vivait parmi nous il y a à peine 2 200 ans” selon M. Ortiz.
Gibbon à mains blanches (Hylobates lar). (Ladislav Král)
À en juger par ses dents, le gibbon de Lady Xia « Junzi », comme l’appellent les chercheurs, était un jeune adulte et mangeait des fruits. Il était probablement un peu plus grand que la plupart des gibbons, mais plus petit que les siamangs.
Les restes de Gibbon sont rares dans les archives archéologiques et fossiles. Junzi révèle maintenant qu’il y avait un niveau de diversité inconnu des singes après la dernière période glaciaire.
Cependant, cette découverte pour M. Ortiz est « douce-amère ». Bien que toutes les espèces vivantes de grands singes soient aujourd’hui menacées d’extinction en raison de l’activité humaine, il est probable que la découverte de Junzi représente le premier cas d’extinction d’un singe causé par l’humain dans un passé récent.
Cependant, les chercheurs ne vont pas jusqu’à suggérer que l’intérêt des anciens membres de la famille royale chinoise pour garder les gibbons comme animaux de compagnie était la principale raison de l’extinction de Junzi. Au lieu de cela, ils notent que Chang’an était densément peuplé à l’époque où vivait Junzi, ce qui a probablement fragmenté l’habitat dans lequel vivait le gibbon.
Toujours selon M. Ortiz :
Le fait que les gibbons sont presque entièrement limités à la canopée forestière et qu’ils ont des capacités très limitées de franchissement de brèches dans la forêt les rend extrêmement vulnérables à la fragmentation de l’habitat. Les populations de gibbons peuvent donc être rapidement fragmentées et isolées, ce qui réduit leur patrimoine génétique et mène rapidement à l’extinction. En outre, la chasse pour la nourriture, la médecine traditionnelle, le commerce des animaux de compagnie ont probablement joué un rôle dans l’extinction de Junzi.
La découverte de Junzi, ainsi que les récits historiques, suggèrent que la perte de diversité des primates causée par l’Homme dans les écosystèmes continentaux au cours de l’histoire a probablement été sous-estimée. Cela nous aide à mieux comprendre la vulnérabilité des espèces de grands singes aux pressions humaines et leurs besoins et priorités en matière de conservation. En fin de compte, tout cela est important pour sensibiliser le public à l’extinction rapide des espèces et à la nécessité d’intensifier les efforts de conservation à l’échelle mondiale et locale avant qu’il ne soit trop tard.
Les gibbons et les siamangs, ainsi que les grands singes, chimpanzés, bonobos, gorilles et orangs-outans, sont nos parents vivants les plus proches. Il est triste de voir comment plusieurs espèces disparaissent de notre planète et que nous, en tant qu’humains, avons été les coupables les plus probables de leur extinction au cours de l’histoire.
L’étude publiée dans Science : New genus of extinct Holocene gibbon associated with humans in Imperial China et présentée sur le site de l’UCL : New gibbon genus discovered in ancient Chinese tomb.