Confirmation qu’Uranus sent l’œuf pourri
Des astronomes ont finalement déterminé de quoi se composent les nuages d’Uranus et au final, ils sentent mauvais. Pour la première fois, il y a eu une détection claire de sulfure d’hydrogène, le gaz qui donne aux œufs pourris et à vos flatulences (le Guru ne produit pas de gaz…) leur arôme distinctif.
Malgré des décennies d’observations, la composition des nuages d’Uranus a été assez difficile à cerner. Nous savons qu’il y a du méthane dans son atmosphère, parce que c’est ce qui rend la planète si bleue (le méthane est inodore). Nous savons aussi qu’il y a de l’hydrogène et de l’hélium grâce aux observations réalisées par la sonde Voyager 2 lorsqu’elle l’a croisé.
Cette image d’un croissant d’Uranus, obtenue par la sonde Voyager 2, le 24 janvier 1986, révèle l’atmosphère bleue et glacée de la planète. (NASA/ JPL-Caltech)
Mais la concentration d’autres composés, comme l’eau, l’ammoniac et le sulfure d’hydrogène, a été un peu plus difficile à déterminer, car la planète est si lointaine et si pâle à travers nos télescopes.
Le gaz formant la couverture nuageuse est souvent caché sous la région que les chercheurs peuvent voir, seulement une infime quantité s’attarde au-dessus des nuages ce qui les rend extrêmement difficiles à détecter. Mais l’équipement et les techniques s’améliorent sans cesse et une équipe internationale d’astronomes a trouvé une nouvelle façon d’utiliser l’un des puissants télescopes de l’observatoire Gemini pour observer Uranus.
Dirigée par le physicien planétaire Patrick Irwin de l’université d’Oxford au Royaume-Uni, l’équipe de recherche a utilisé le Near-Infrared Integral Field Spectrometer (NIFS – Spectrographe pour des observations intégrales de champ en proche infrarouge) du télescope de 8 mètres pour effectuer l’analyse spectroscopique la plus détaillée des nuages à ce jour.
Ils ont échantillonné la lumière solaire réfléchie d’une région située juste au-dessus de la couche nuageuse visible et, bien sûr, il y avait du sulfure d’hydrogène.
Selon Irwin :
Alors que les raies spectrales que nous essayions de détecter étaient à peine là, nous avons pu les détecter sans ambiguïté grâce à la sensibilité du NIFS sur le Gemini, combinée aux conditions parfaites sur Maunakea.
Bien que nous savions que ces raies seraient à la limite de la détection, j’ai décidé de les chercher dans les données Gemini que nous avions acquises.
Cette analyse règle un vieux débat en astronomie, à savoir si le sulfure d’hydrogène ou l’ammoniac dominent la couverture nuageuse d’Uranus. Elle distingue également Uranus des planètes gazeuses internes de notre système solaire, Jupiter et Saturne, qui contiennent beaucoup d’ammoniac dans leur atmosphère, mais pas de sulfure d’hydrogène au-dessus des nuages. De plus, ces résultats pourraient fournir des indices sur Neptune, dont la composition est similaire à celle d’Uranus, tout en étant plus lointaine.
En retour, cela nous renseignerait sur la façon dont notre système solaire s’est formé et selon le scientifique planétaire Leigh Fletcher de l’université de Leicester (Angleterre) :
Pendant la formation de notre système solaire, l’équilibre entre l’azote et le soufre (et donc l’ammoniac et le sulfure d’hydrogène récemment détecté sur Uranus) a été déterminé par la température et l’emplacement de la formation de la planète.
Cela signifie que les géantes gazeuses, Saturne et Jupiter, se sont probablement formées indépendamment des planètes glacées, Uranus et Neptune; et toutes celles-ci se seraient formées indépendamment des planètes rocheuses internes Mercure, Vénus, Terre et Mars.
La prochaine génération de télescopes terrestres et spatiaux, comme le télescope géant Magellan et le télescope spatial James Webb, pourrait être en mesure d’obtenir un peu plus de détails.
Cependant, pour une analyse vraiment détaillée, il faudrait envoyer une sonde spatiale pour étudier Uranus. La NASA a mené une étude sur ce type de sonde, bien qu’elle ne serait pas lancée avant au moins quelques années si la mission est finalement acceptée.
Pour ce qui est d’y envoyer des humains, nous essayons toujours de déterminer les moyens logistiques pour nous rendre sur Mars, et Uranus est presque 5 fois plus éloignée. Mais si c’était le cas, l’odeur de l’ammoniac et du sulfure d’hydrogène serait la moindre de nos préoccupations, comme le précise Irwin :
L’asphyxie et l’exposition dans l’atmosphère négative de 200 degrés Celsius, faite principalement d’hydrogène, d’hélium et de méthane, auraient des conséquences bien avant l’odeur.
L’étude publiée dans Nature Astronomy : Detection of hydrogen sulfide above the clouds in Uranus’s atmosphere et présentée sur le site de l’université d’Oxford : What do Uranus’s cloud tops have in common with rotten eggs?