Nouvelles preuves que la malaria change l’odeur de ses victimes pour attirer davantage de moustiques
Le paludisme (malaria) peut changer les odeurs, en attirant plus de moustiques, selon une nouvelle étude. Les résultats pourraient expliquer comment la maladie peut se propager aussi efficacement.
Le paludisme, une maladie causée par un parasite du genre Plasmodium et propagée par les moustiques, pourrait vous rendre plus attirant pour les insectes. Ses résultats viennent étoffer de précédentes recherches qui ont révélé que les parasites modifient l’odeur des animaux qu’ils infectent. Ils présentent également l’un des mécanismes les plus insidieux du Plasmodium, par lequel il attire les moustiques vers les individus infectés, en accélérant sa propagation.
La recherche, dirigée par Ailie Robinson de la Faculté des maladies infectieuses et tropicales de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, a testé des participants à l’extérieur du laboratoire, en étudiant leurs odeurs corporelles pour voir quels éléments de leur composition chimique sont responsables de la présence des moustiques.
Les recherches odorantes de l’équipe les ont mis en contact avec les chaussettes et les pieds de 45 écoliers kenyans, certains infectés par le paludisme, d’autres non. Pour voir si les moustiques manifestaient une préférence pour l’odeur des personnes infectées par le Plasmodium, l’équipe a placé des chaussettes dans un dispositif expérimental, formé de deux boîtes reliées par un tube. Puis, ils ont lâché des moustiques dans le tube et ils ont suivi la chaussette vers laquelle ils volaient.
Un sac en plastique pour récupérer les odeurs des pieds dans cette expérience. (Jetske De Boer)
Les insectes ont montré une préférence pour les chaussettes portées par les enfants infectés. Lorsqu’on leur a présenté un choix entre ces chaussettes et celles portées par le même enfant trois semaines après le traitement médicamenteux de l’infection, 60 % des moustiques ont choisi la chaussette » infectée « . Lorsqu’on leur présente deux paires de chaussettes recueillies à des moments différents auprès d’enfants qui n’ont jamais été infectés, les moustiques n’ont montré aucune préférence.
Maintenant qu’ils savaient que quelque chose dans l’odeur des personnes infectées par le paludisme les rendait plus attrayants pour les moustiques, l’équipe voulait savoir exactement ce qu’était ce » quelque chose « . Ils ont analysé des échantillons d’odeurs de pieds obtenus de 56 enfants, pour former ainsi la liste complète des produits chimiques qui constituaient les odeurs. Ensuite, ils ont soufflé chaque produit chimique à la fois sur des antennes de moustiques reliées à des électrodes.
Ces essais ont porté sur les aldéhydes, une classe de produits chimiques comprenant des molécules organiques heptanales, octanales et nonanales, constituées de chaînes de 7, 8 et 9 atomes de carbone respectivement, qui donnent du parfum aux épices, aux fruits et à certains cosmétiques, entre autres. Ces composés ont été trouvés à des niveaux plus élevés dans les échantillons d’enfants infectés et ont suscité une forte réponse électrique de la part des antennes.
Il est possible que le paludisme favorise sa propagation en rendant l’odeur des personnes infectées plus séduisante pour les moustiques.
Selon James Logan, coauteur de l’étude et entomologiste à la London School of Hygiene & Tropical Medicine :
Plus les insectes que le plasmodium peut pousser à mordre ces individus, plus l’infection a de chances de se propager à d’autres personnes.
Cependant, l’équipe n’est pas certaine de ce qui se cache derrière cette différence d’odeur. Il se peut, selon les chercheurs, que les aldéhydes soient sécrétés par le parasite lui-même, ou qu’ils soient produits lorsque les cellules graisseuses de l’hôte se décomposent pendant l’infection. Ils avertissent cependant que, bien que l’effet de l’un ou l’autre soit unique au paludisme, il est possible que le changement d’odeur soit également commun à d’autres maladies.
Selon Logan :
Le parasite du paludisme manipule en quelque sorte le système à la fois chez l’hôte du moustique et chez l’hôte humain. C’est très intelligent.
C’est probablement spécifique au paludisme, mais il se pourrait que d’autres infections causent le même effet.
Comprendre l’effet de l’odeur dans la propagation du paludisme pourrait nous aider à détecter l’infection plus tôt et à étouffer sa transmission dans l’œuf. Alternativement, cela pourrait mener à la création de meilleurs pièges à moustiques. Cependant, obtenir la bonne odeur se révèle néanmoins assez délicat. L’équipe note que même de petits ajustements dans les mélanges d’odeurs qu’ils ont produits en laboratoire auront une influence sur le fait que les moustiques sont attirés ou non. Dans un cas apparemment paradoxal, les insectes ont été attirés par une odeur agrémentée d’une petite dose d’heptanal, mais résolument peu impressionné lorsque la quantité du produit chimique a été légèrement augmentée.
Le fait que le parasite de la malaria améliore l’odeur de son hôte pour mieux attirer le moustique avait déjà été détecté par des tests réalisés sur des souris, en 2014, par l’université d’État de Pennsylvanie :
L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : Plasmodium-associated changes in human odor attract mosquitoes et présentée sur le site de la London School of Hygiene and Tropical Medicine : Children naturally infected with malaria parasites found to produce characteristic odour more attractive to mosquitoes.