Des araignées femelles encore vierges se sacrifient en se laissant manger par les petits d’autres femelles
Difficile d’imaginer des araignées se sacrifier pour le bien commun de leur colonie. Mais, selon une nouvelle étude, les femelles vierges de l’araignée sociale Stegodyphus dumicola s’occupent des jeunes araignées comme leur véritable mère, entretenant le sac d’œufs au point de se faire dévorer par les petits.
Cette araignée n’est qu’une des 20 espèces connues d’araignées sociales dans le monde. Elles vivent dans des régions sèches et chaudes de l’Afrique australe, créant de grands et denses nids sur les arbres et les arbustes. Contrairement aux toiles d’araignée habituelles, cette espèce construit des toiles dépourvues de gouttelettes de colle, en utilisant une toile très fine qui est tout aussi efficace pour capturer des proies, selon Anja Junghanns, biologiste de l’évolution à l’université Ernst Moritz Arndt de Greifswald en Allemagne, qui a dirigé la nouvelle étude. Cela signifie que leur toile n’a pas besoin d’être renouvelée et qu’elle peut être très grande par rapport à la taille d’une seule araignée.
Nid de Stegodyphus dumicola. (Wikimédia Common)
Selon Junghanns :
Les araignées coopéreront non seulement à la construction de la toile, mais aussi à la capture de la proie, qui peut être aussi grande que 10 fois la taille d’une seule araignée.
Lorsque les jeunes araignées éclosent, leur mère leur fournit des liquides nutritifs. Lorsque cela s’arrête, maman est l’élément suivant au menu. Après avoir mangé leur mère, les jeunes araignées restent sur leur toile et vivent socialement. Au fil du temps et après plusieurs générations, la colonie grandit, formant parfois des groupes composés de plus d’un millier d’individus, étroitement liés, comme une énorme famille.
Dans de si grandes colonies d’animaux sociaux et hautement apparentés, la coopération s’effectue à un autre niveau, comprenant le développement d’adultes “soigneurs” qui s’occupent de la progéniture d’autres araignées. Alors que ce type de comportement a déjà été rapporté chez les araignées sociales, il n’était pas clair si seules les femelles, qui avaient déjà leur propre progéniture, pouvaient devenir des soigneuses.
Pour vérifier cela, Junghann et ses collègues ont mis en place près de 200 expériences individuelles où trois femelles vierges et deux femelles accouplées furent marquées et observées sur une période de 10 semaines. Leurs observations ont révélé que dans plus de 97% de leurs expériences, les femelles vierges et accouplées s’occupaient des œufs et des jeunes.
Selon Nick Keizer, de l’université Rice (Texas), spécialisé dans l’écologie comportementale :
La découverte la plus intéressante ici, n’est peut-être pas qu’il y ait un certain degré de différenciation des tâches, mais plutôt un tel degré de chevauchement des tâches entre les vierges et les mères.
L’extrême soin maternel de ces araignées offre aux jeunes les meilleures conditions possible pour augmenter leurs chances de survie.
Selon Junghanns :
Pour permettre aux vierges de fournir cette forme de soins géniteurs, une adaptation évolutive devait avoir lieu et notre prochain objectif est d’étudier la nature de cette adaptation.
Maintenant, Junghanns a l’intention d’aborder la question de savoir comment les vierges sont en mesure de fournir ce soin extrême, “comparable à une femme humaine qui commence à allaiter sans donner naissance”, dit-elle. La réponse à cette question pourrait donner une idée plus approfondie sur la façon dont la socialité a évolué chez les araignées, ajoute la biologiste.
L’étude publiée dans Animal Behavior : Extreme allomaternal care and unequal task participation by unmated females in a cooperatively breeding spider.