La mystérieuse voie empruntée par les cascades de sang pour s’échapper de leur glacier en Antarctique
Lorsque des explorateurs en Antarctique ont découvert une falaise colorée avec de l’eau rouge-sang en 1911, ils ont d’abord supposé que des algues rouges étaient responsables de sa couleur. L’endroit est rapidement connu sous le nom de Blood Falls (cascades de sang), bien qu’il ne s’agisse ni de sang ni d’algues.
Image d’entête (clic pour agrandir) : les Blood falls avec une tente sur la droite pour l’échelle. (Peter Rejcek).
En fait, les Blood Falls sont le résultat d’un suintement lent de l’eau de mer riche en fer qui s’oxyde au contact de l’air, tout comme la rouille. L’eau est tellement salée qu’elle est plus précisément décrite comme étant de la saumure. Récemment, des géologues ont finalement découvert d’où elle vient.
Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’université de l’Alaska de Fairbanks décrit le chemin qu’empreinte la saumure rouge pour s’échapper à la pression d’un glacier d’au moins 1,5 million d’années.
Les Blood Falls sont situées à l’extrémité nord du glacier Taylor, qui s’étend sur 100 kilomètres à travers les montagnes transantarctiques. Lorsque ce glacier s’étendait sur le continent glacial, il y a un million d’années, il a piégé un petit lac d’eau salée sous d’innombrables couches de neige et de glace. L’eau salée s’est de plus en plus concentrée, jusqu’à ce que la saumure soit trop salée pour se figer à des températures régulières.
Ce lac de saumure sous-glaciaire a rongé le fer du substrat sous-jacent, ce qui lui confère une couleur rouille une fois qu’il atteint le monde extérieur. Pour comprendre d’où vient la saumure et comment elle s’infiltre vers l’extérieur du glacier, l’équipe a utilisé une méthode de détection radar appelée radio-écho sounding (RES ou Radioglaciologie) couramment utilisé pour enquêter sur les glaciers.
Selon la responsable de la recherche, Jessica Badgeley du Colorado College :
Les sels dans la saumure ont rendu cette découverte possible en amplifiant le contraste avec la glace des glaciers.
L’équipe a déplacé les antennes du radar RES à travers le glacier pour former une image de ce qui se trouvait sous la glace, comme quand les chauves-souris utilisent l’écholocation pour détecter leur environnement.
Il s’avère que le glacier Taylor cache un réseau de crevasses où la saumure, sous l’effet de l’immense pression, est injectée dans la glace. L’équipe a ensuite suivi le parcours de 300 mètres que la saumure effectue à travers ces canaux sous pression jusqu’à ce qu’elle atteigne le sommet des Blood Falls.
(Erin Pettit)
Leur découverte explique enfin comment l’eau liquide, même si elle est super salée, peut traverser un glacier extrêmement froid.
Selon l’un des membres de l’équipe, le glaciologue Erin Pettit :
Bien que cela semble contradictoire, l’eau libère de la chaleur pendant qu’elle gèle, et cette chaleur réchauffe la glace environnante.
La saumure a des températures de congélation inférieures et, avec la chaleur, elle aide le mouvement du liquide.
Le glacier Taylor est maintenant le glacier le plus froid connu pour avoir de l’eau qui coule constamment.
Cette découverte pourrait aider les chercheurs à en savoir plus sur l’écologie du lac de saumure sous-glaciaire qui, malgré les conditions, peut encore accueillir la vie.
De précédentes recherches ont révélé que la saumure salée abrite des bactéries extrêmement robustes/ extrêmophiles. Couper du monde extérieur depuis des milliers d’années, ces microbes n’ont rien eu à se mettre sous la dent, sauf du sulfate, que de nombreuses bactéries peuvent utiliser pour l’énergie.
Coincées sous le glacier sans lumière ni oxygène, les bactéries ont commencé à recycler leur approvisionnement en sulfate, en le réduisant en sulfite qui réagit avec la teneur élevée en fer de l’eau, produisant davantage de sulfates.
Les scientifiques pensent que cette surprenante adaptation pourrait ne pas se limiter au glacier Taylor et que cela ne serait qu’un exemple d’une vie prospérant sur le long terme tout en étant piégée sous des millénaires de glace.
Maintenant, les chercheurs pensent que la dernière découverte sur la façon dont la saumure se creuse un chemin vers la liberté pourrait également nous donner des indices sur l’évolution de ces microbes.
Cette étude peut nous rapprocher de la compréhension de l’évolution géochimique couplée et de l’environnement microbien hébergé par la saumure.
L’étude publiée dans The Journal of Glaciology : An englacial hydrologic system of brine within a cold glacier: Blood Falls, McMurdo Dry Valleys, Antarctica.