Des particules d’un des anneaux de Saturne décrivent l’océan qui se cache sous la surface glacée d’Encelade
La lune de Saturne, Encelade, fait partie de la courte liste des endroits les plus intéressants du système solaire. Après la découverte de panaches de glace d’eau jaillissant de la surface d’Encelade par la mission Cassini, d’autres études ont confirmé qu’une mer salée se cache probablement en dessous de sa surface. Cela a soulevé des questions évidentes. Qui y a-t-il dans cet océan ? La vie ?
Image d’entête : Cette vue en coupe de la lune de Saturne Encelade est une représentation artistique qui dépeint la possible activité hydrothermale qui pourrait avoir lieu sur et sous le plancher océanique de l’océan de la lune, sur la base de résultats publiés récemment. Ci-dessous : Encelade et ses geysers (NASA-JPL-Caltech-Space Science Institute)
Lors de son approche de Saturne, la sonde spatiale Cassini a récupéré par inadvertance des indices. La sonde a heurté de minuscules particules qui fuient à grande vitesse la gravité de la géante gazeuse. Ce n’était pas tout à fait surprenant, mais une question restait : d’où provenaient-elles ? Certaines modélisations ont conduit les chercheurs à conclure qu’elles provenaient probablement de l’anneau E de Saturne, la partie de son système d’anneaux que nous estimons maintenant être alimentée par les geysers de glace d’Encelade. Cela signifie que les particules, que Cassini a rencontré lors de son approche, seraient originaires de ces geysers.
Ses anneaux font tomber l’eau sur Saturne
La plupart des particules dans l’anneau E sont des gouttelettes de glace, mais ces particules ne le sont pas. Elles sont minuscules, moins de 20 nanomètres de diamètre. Bien qu’elles puissent autrefois avoir été hébergées à l’intérieur des gouttelettes de glace, elles ont été libérées par la lente érosion de la glace par des collisions avec des particules chargées.
Outre la détermination de leur taille, Cassini a également pu faire des mesures des éléments présents dans les nanoparticules. Le silicium est un constituant majeur, avec la possible présence d’oxygène à ses côtés. Du sodium et / ou du magnésium étaient les seuls autres éléments potentiellement présent. Compte tenu des possibilités, les chercheurs pensent que les nanoparticules étaient composées de dioxyde de silicium.
Les nanoparticules de silice, de 4 à 16 nanomètres, sont inhabituelles. Il n’y a pas beaucoup de moyens de les produire. En fait, une équipe de chercheurs dirigée par Sean Hsu de l’université du Colorado à Boulder, de l’université de Frank Postberg de Heidelberg et l’université de Yasuhito Sekine de Tokyo pense qu’il y a une seule explication plausible : ces particules ont tendance à se former près de certaines cheminées hydrothermales des fonds marins. Ce qui les amène à conclure qu’il existe une activité hydrothermale au fond de la mer d’Encelade.
Pour confirmer les conditions requises, les chercheurs ont réalisé quelques expériences en laboratoire, simulant les réactions hydrothermales. De l’eau à haute température contenant de l’ammoniac et du bicarbonate de sodium a été ajoutée à de l’olivine et des minéraux de pyroxènes (qui devrait être trouvés dans le noyau rocheux d’Encelade) et maintenue à haute pression pendant plusieurs mois. Ensuite, les échantillons ont été refroidis, comme cela se produirait lorsque des fluides sortent des cheminées hydrothermales. Lorsque l’eau est refroidie, elle peut contenir de la silice dissoute et elle commence à se précipiter en de minuscules particules.
A travers les expériences, les chercheurs ont pu calculer que les températures des fluides hydrothermaux d’au moins 90 °C sont nécessaires, avec un pH entre 8,5 et 10,5. Tant que cela est vrai, le fluide devient plus saturé en silice et précipite des nanoparticules lors du refroidissement, identiques en taille à celles que Cassini a récupérée par hasard au-delà des anneaux de Saturne.
L’image qu’elles dépeignent ressemble à ceci: sous le plancher océanique d’Encelade, un chaud liquide alcalin contient de la silice dissoute à partir du noyau rocheux et remonte dans l’océan. Les nanoparticules ainsi formées montent à la base de la coquille de glace de la lune en quelques années; plus sa dure, plus elles seraient capables de croitre dans de plus grandes tailles. De là, elles seraient éjectées dans l’orbite de Saturne par le biais des geysers d’Encelade. Les gouttelettes de glace lancées par ces jets laissent des indices sur l’océan juste en dessous de la glace.
Dans un article accompagnant l’étude, Gabriel Tobie de l’université de Nantes en France note que les températures des liquides, à l’intérieur d’Encelade, sont étonnamment élevées et que des travaux de modélisation seraient nécessaires pour évaluer leur probabilité.
Pourtant, ces températures sont plus basses que la plupart des sources hydrothermales de la Terre, bien que les nôtres soient acides. Cependant, la zone de cheminées hydrothermales de « Lost City » dans l’océan Atlantique correspond à la description : de basses températures, un pH plus élevé et, comme l’indique Gabriel Tobie, Lost City a été désigné comme pouvant être “analogue aux systèmes hydrothermaux sur les lunes glacées actifs », rajoutant que :
Les résultats actuels confirment. Qui plus est, que les cheminées hydrothermales alcalines pourraient avoir été le berceau des premiers organismes vivants sur la Terre primitive et ainsi, la découverte d’environnements similaires sur Encelade ouvre de nouvelles perspectives sur la recherche de la vie ailleurs dans le système solaire.
L’étude publiée sur Nature : Ongoing hydrothermal activities within Enceladus et annoncée sur le site de la NASA : Spacecraft Data Suggest Saturn Moon’s Ocean May Harbor Hydrothermal Activity.