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Tête-moustique

C’est une percée dans la lutte contre les moustiques porteurs de maladies. Des chercheurs ont trouvé une substance chimique qui désactive la partie du cerveau de l’insecte qui “sent l’homme”. De futurs répulsifs basés sur les composés pourraient protéger très efficacement les humains de ces minuscules sangsues ailées.

Image d’entête : tête de moustique (Microscopie électronique à balayage, Brandon Broll)

Il existe trois principaux moyens pour les moustiques de nous cibler. Le plus attractif, pour ceux-ci, est le dioxyde de carbone (CO2), que les insectes peuvent détecter de 20 à 30 mètres de distance. Comme chaque vertébré vivant produit des panaches de CO2, les moustiques et d’autres insectes se nourrissant de sang ont évolué pour les repérer.

Précédemment : regardez de l’intérieur la piquante tête chercheuse du moustique en quête de sang

En se rapprochant de leur prochain repas, les moustiques peuvent également détecter différentes odeurs qui émanent de la peau : celle de la peau humaine est, le plus souvent, le sous-produit de microbes qui décomposent la sueur pour produire des composés volatils malodorants. Enfin, les moustiques peuvent détecter la chaleur du corps. Certaines recherches ont également suggéré qu’ils sont attirés par certains types de sang, qui peuvent être révélés par différentes molécules odorantes, mais cela reste encore à confirmer avec davantage d’expériences /preuves.

Compte tenu de la remarquable capacité des moustiques à détecter le CO2 à grande distance, les scientifiques ont voulu découvrir la manière avec laquelle les insectes peuvent sentir le gaz, dans l’espoir de bloquer un jour cette capacité. Ils ont trouvé qu’elle se résumait à une classe de neurones sensoriels olfactifs appelés cpA, qui sont logés dans les palpes maxillaires des moustiques, un type d’organe sensoriel entre leurs antennes.

zoom-palpes-moustique

En 2011, Ray Anandasankar, entomologiste à l’Université de Californie, et ses collègues ont découvert qu’ils pouvaient utiliser certaines odeurs de produits chimiques afin “d’hyperstimuler les neurones cpA” et ainsi perturber les moustiques dans la détection du CO2.

Même s’ils ne détectaient plus le dioxyde à partir du souffle d’une personne, ils pouvaient encore sentir l’odeur de la peau, ce qui leur permet de trouver leur proie. Ainsi, l’équipe et d’autres groupes de recherche ont décidé d’identifier les récepteurs qui captent l’odeur de la peau.

Des expériences ont démontré que l’odeur de la peau seule peut attire les moustiques et les scientifiques ont constaté que certaines odeurs activent certains récepteurs dans les antennes des moustiques. Mais, étrangement, ils ne pouvaient relier l’activation de ces récepteurs au comportement d’attraction des moustiques. Dans tous les cas, les récepteurs de CO2 des insectes devaient également être activés avec du dioxyde de carbone pour obtenir le comportement d’attraction. Cela a laissé les chercheurs perplexes, essayant de comprendre pourquoi l’activation seule des récepteurs sur les antennes ne fonctionnait pas.

Il s’avère que la réponse au problème résidait dans les neurones sensibles au CO2. Un étudiant diplômé, qui a participé à l’étude, s’est rendu compte que les seuls neurones olfactifs, qui sont impliqués dans des comportements de recherche d’hôtes (proies), étaient les neurones cpA dans les palpes. Afin de savoir si elles détectaient non seulement le CO2, mais aussi les odeurs de la peau, Ray et ses collègues ont recueilli un mélange d’odeur de peau pour le placer sur les palpes de moustiques. Ils ont alors enregistré l’activité des neurones cpA (en l’absence de CO2). Elles se sont beaucoup activées, ce qui démontre que les neurones cpA peuvent détecter l’odeur de la peau. Ensuite, les scientifiques ont cherché à identifier les composants spécifiques à partir du mélange qui a activé les neurones. Ils ont été en mesure d’identifier plus d’une douzaine d’odeurs de peau qui activent les neurones récepteurs du CO2.

Bien qu’elles aient été activées par les odeurs de la peau, les chercheurs devaient encore démontrer que le récepteur est important dans le comportement d’attraction. Pour ce faire, ils ont conçu une nouvelle “stratégie génétique chimique”. L’équipe a exposé des moustiques à un produit chimique appelé butyryle, qui a désactivé les neurones récepteurs de CO2 des insectes. Ils ont imprégné de petites pastilles avec l’odeur de pied humain en les mettant dans des chaussettes sales, puis ils les ont placés, ainsi que les moustiques, dans un tunnel de vent expérimental représenté ci-dessous (tirée de l’étude).

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Environ 85 % des moustiques traités ont été incapables de trouver et d’atterrir sur les pastilles puantes. Par comparaison, seulement 35 % des moustiques non traités ont échoué. Ce qui, pour Ray, établit le fait que le récepteur de CO2 est le détecteur principal  pour les êtres humains. Il capte non seulement le CO2 dans notre souffle, mais aussi l’odeur de notre peau.

Enfin, les chercheurs ont voulu voir s’ils pouvaient identifier les odeurs chimiques spécifiques qui inhibent ou activent les neurones cpA, des produits chimiques qui pourraient être utilisés dans des répulsifs ou des pièges. Bien qu’ils en aient déjà trouvé dans leur précédente étude, les composés n’étaient pas vraiment adaptés pour une utilisation par les humains en raison de leur odeur âcre et certaines préoccupations sanitaires. L’équipe voulait aussi trouver des produits chimiques qui seraient relativement économiques, de sorte que les pays les plus pauvres, victimes des maladies liées aux moustiques, puissent les utiliser.

Ils ont conçu un algorithme informatique pour trier automatiquement environ un demi-million de composés dont les caractéristiques structurelles seraient similaires aux activateurs et aux inhibiteurs qu’ils ont trouvés auparavant. L’algorithme a prédit une liste de milliers de produits chimiques, que les chercheurs ont réduits sur la base de l’odeur, du cout et de la dangerosité. Ils en ont testé certains expérimentalement et ont montré qu’ils fonctionnent comme prévu, en bloquant la détection du CO2 ou les odeurs ou en attirant les moustiques dans un piège, y compris un inhibiteur qui sentait le rhum et les raisins secs.

Schéma tiré de l’étude : le neurone récepteur du CO2 du moustique joue un rôle crucial dans la recherche d’un hôte en détectant à la fois le CO2 expiré et l’odeur de la peau. Les stratégies par l’intervention d’odeur comprennent l’utilisation d’inhibiteurs pour bloquer l’attraction du CO2 et l’odeur de la peau (MASK) et d’activateurs comme leurres pour des pièges (PULL).

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L’équipe s’intéresse maintenant à essayer de comprendre ce qui rend certaines personnes plus attrayantes pour les moustiques que d’autres, et de peut-être comprendre ce que le type sanguin joue vraiment en la matière. Ils veulent également déterminer s’il existe d’autres voies neurales impliquées dans les capacités de détection des insectes.

L’étude publiée sur Cell : Targeting a Dual Detector of Skin and CO2 to Modify Mosquito Host Seeking.

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