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Battement-aile-aviaire

De nombreux insectes ont des oreilles, mais, pour certains, on ne sait pas à quoi elles leur servent. Une nouvelle étude montre que les oreilles de certains insectes, notamment les papillons de jour et de nuit, pourrait être des “détecteurs d’oiseau" permettant de percevoir le battement d’ailes des prédateurs aviaires. Les grillons et les sauterelles utilisent leurs oreilles pour communiquer, tandis que les papillons les utilisent  pour détecter les appels à ultrasons des chauves-souris.

La plus petite oreille de mammifère appartient à des sauterelles.

Mais à quelle fin les oreilles des autres insectes étaient utilisées, y compris celles des papillons, est resté un mystère.

Pour Jayne Yack, biologiste à l’Université Carleton en Ontario, Canada :

Bon nombre des taxa de papillons ont vraiment bien développé des oreilles à la base de leurs ailes. Mais nous ne savons pas vraiment quelle est la fonction de leur écoute.

Yack et ses collègues ont étudié les oreilles des papillons pendant des années et ils ont déjà découvert que les insectes ont une ouïe très sensible, particulièrement aux basses fréquences. Ils savent aussi que très peu d’espèces de papillons peuvent produire des sons pour communiquer et que la plupart des papillons sont diurnes (actifs pendant la journée), de sorte qu’ils n’ont pas à se soucier de chauves-souris affamées, contrairement à leurs cousines nocturnes (qui ont une meilleure audition que les chauves-souris et qui ont véritablement entrepris une course à l’armement contre celle-ci).

Pourtant, le fait d’avoir des oreilles sensibles pour la détection des prédateurs avait plus de sens pour Yack. Le biologiste a estimé que les papillons et d’autres insectes pouvaient être en mesure d’entendre les sons produits lors de la recherche de nourriture des oiseaux, en particulier, le battement de leurs ailes.

Pour tester cela, Yack et son équipe ont enregistré les sons de Moucherolle phébi (Sayornis) et de Mésange à tête noire alors qu’ils effectuaient un vol stationnaire devant des papillons diurnes et nocturnes captifs, dont voici un extrait de l’expérience en vidéo tirée de l’étude :
 

Ils ont découvert que les sons englobaient plusieurs fréquences et pulsaient avec les battements d’ailes des oiseaux. Pour Yak, ces sons sont des indices passifs précédents le mouvement et ils ne diffèrent probablement pas entre les oiseaux.

Ensuite, les chercheurs ont décidé de déterminer si les noctuidés (Trichoplusia ni) et les papillons nymphalidés (Morpho peleides, en photo ci-dessous) qui représentent les insectes avec une audition aux hautes et basses fréquences, respectivement, peuvent entendre les oiseaux en vol stationnaire.

En 2012, il a été découvert que le papillon morpho bleu disposait, comme d’autres papillons, d’oreilles sur leurs ailes.

En regardant le spectre d’audition des insectes, ils ont découvert que la plage de fréquence correspondait à celle des enregistrements des vols d’oiseaux.

L’équipe a ensuite accroché des électrodes aux cellules du nerf auditif des insectes pour observer comment les nerfs réagissaient aux enregistrements d’oiseaux. Ils ont constaté que les nerfs auditifs des papillons nocturnes et diurnes s’activaient dans un modèle qui correspond aux impulsions des battements d’ailes des oiseaux. Après avoir analysé les données, ils ont estimé que les insectes pouvaient entendre les oiseaux qui s’approchent à moins de 2,5 mètres.

Il semble clair, selon l’étude, que les insectes peuvent entendre les oiseaux qui volent, mais les scientifiques n’ont pas encore prouvé expérimentalement qu’ils utilisaient cette capacité pour éviter d’être mangés. Malgré tout, l’équipe estime que certaines oreilles d’insectes fonctionnent comme des détecteurs d’oiseaux et ceux-ci pour plusieurs raisons :

Tout d’abord, la fréquence des battements d’ailes se chevauche avec l’audition de nombreux insectes, y compris les cigales, les papillons nocturnes et diurnes, les sauterelles et les mantes, qui sont tous la proie des oiseaux.
Deuxièmement, de nombreux insectes présentent un “phénomène de discordance”, où leurs oreilles sont plus sensibles aux fréquences qui ne sont pas utilisées dans la communication. Par exemple, les grillons Cyphoderris communiquent à 12 kHz, mais ils entendent mieux à 2 kHz, ce qui suggère qu’ils utilisent davantage leurs oreilles pour l’écoute de leurs prédateurs qui sont pour la plupart des oiseaux.
Enfin, une précédente étude a montré que les papillons entendent et s’échappent d’oiseaux qui fouillent dans les buissons, Yack et ses collègues suggèrent que les indices sonores de vol pourraient "jouer un rôle dans la médiation de cette réaction de fuite”.

Les chercheurs se sont également intéressés au comportement des oiseaux, à savoir si ceux-ci avaient développé des contres mesures pour parer à l’écoute de leurs proies. Par exemple, lors de leurs expériences l’équipe a remarqué qu’une paire d’oiseaux, des moucherolles sauvages, planait d’abord pendant un certain temps devant des papillons diurnes et nocturnes qu’ils n’avaient jamais rencontrés auparavant. Mais, alors qu’ils se sont familiarisés avec les insectes, ils ont considérablement réduit leur temps de survol pour rapidement fondre sur leur proie, leur donnant peu d’avertissements.

Les martinets et les hirondelles, grands spécialistes des insectes, auraient aussi pu mettre au point une stratégie d’approche pour ne pas se faire entendre selon Yack. Ces oiseaux sont très gracieux et ils planent à l’approche de l’insecte produisant ainsi très peu de bruit que les insectes pourraient entendre.

L’étude publiée sur Biology Letters : If a bird flies in the forest, does an insect hear it ?

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