Des sangliers allemands radioactifs affectés par une source de contamination inattendue
Les sangliers en liberté dans les forêts d’Autriche et d’Allemagne présentent des niveaux de radioactivité qui rendent leur viande impropre à la consommation. Alors que l’on pensait qu’il s’agissait d’une conséquence de l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl, de nouvelles recherches mettent en évidence une autre source de contamination, plus sombre.
Image d’entête : résumé graphique de l’étude. (F. Stäger et col./ Environmental Science & Technology)
Pour l’Association nucléaire mondiale, l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl, survenu en 1986, a représenté « le plus grand rejet radioactif incontrôlé dans l’environnement jamais enregistré pour une opération civile ». Des matières radioactives ont été rejetées dans l’air pendant 10 jours et se sont retrouvées dans l’écosystème et la chaîne alimentaire. Deux des principaux contaminants de l’accident sont les radionucléides césium 135 et césium 137.
Même si la faune de la zone d’exclusion humaine de 4 200 km2 a fini par se reconstituer, la contamination radioactive des animaux par le césium se poursuit, bien qu’elle ait diminué chez de nombreux animaux.
En 2021 :
Ce n’est pas le cas des cochons sauvages d’Allemagne et d’Autriche. Dans ce que l’on appelle désormais le « paradoxe du sanglier », leurs niveaux de radioactivité restent suffisamment élevés pour dépasser les limites réglementaires applicables à la consommation humaine. Pour comprendre pourquoi, des chercheurs de l’université Leibniz en Allemagne et de l’université technologique de Vienne ont collaboré avec des chasseurs du sud de l’Allemagne pour collecter de la viande de sanglier.
En l’examinant à l’aide d’un détecteur de rayons gamma et de la spectrométrie de masse, ils ont pu déterminer les ratios spécifiques des deux formes de césium. Ces rapports ont révélé que, si une partie de la contamination provenait bien de Tchernobyl, une autre source importante de radioactivité était constituée par les essais d’armes nucléaires menés à l’échelle mondiale dans les années 1960. Le césium libéré par ces essais s’est retrouvé dans les sources de nourriture des sangliers, notamment les truffes souterraines, ce qui explique que leur niveau global de radioactivité ne soit toujours pas revenu à des niveaux sûrs.
A partir de l’étude : schéma du mécanisme conceptuel des différentes sources de 137Cs mélangées et ingérées par le sanglier. Les limites rouge, orange et bleue des éléments correspondent respectivement aux sources contenant du 137Cs provenant d’armes, du 137Cs provenant de Tchernobyl et du 137Cs ne provenant pas d’armes. (F. Stäger et col./ Environmental Science & Technology)
L’étude a révélé que 88 % des échantillons testés étaient encore trop radioactifs pour être consommés et que, dans certains cas, la contamination due aux essais d’armes suffisait à elle seule à rendre la viande dangereuse. Dans l’ensemble, les chercheurs ont constaté qu’entre 10 et 68 % de la contamination provenait des essais d’armes et non de Tchernobyl. Ils en ont conclu que les essais d’armes nucléaires menés pendant des décennies ont été une source sous-estimée de contamination des porcs par le césium et que le mélange de matières radioactives provenant de sources multiples est plus persistant et plus dangereux que celui provenant d’une seule source.
Selon les chercheurs dans leur étude (lien plus bas) :
Une fois libéré, le radiocésium restera dans l’environnement pendant des générations et aura un impact immédiat sur la sécurité alimentaire et, comme le montre notre étude, pendant des décennies.
Ils concluent :
Tout rejet supplémentaire entraînera une nouvelle accumulation et un mélange avec des sources plus anciennes, d’où la nécessité de comprendre les mécanismes sous-jacents du cycle biogéochimique du radiocésium. Par exemple, l’impact des propriétés du sol sur le mélange de différentes sources de radiocésium n’a pas encore été suffisamment compris. Par conséquent, des efforts supplémentaires sont encore nécessaires pour mieux comprendre les sources, les inventaires, le devenir dans l’environnement et les risques écologiques du radiocésium.
L’étude publiée dans la revue Environmental Science & Technology : Disproportionately High Contributions of 60 Year Old Weapons-137Cs Explain the Persistence of Radioactive Contamination in Bavarian Wild Boars et présentée sur le site d l’American Chemical Society : Nuclear weapons tests are unappreciated source of radioactivity in German wild boars.