Sur le site radioactif de Fukushima, des sangliers qui se sont depuis accouplés avec des cochons domestiques, prospèrent
À la suite de la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima en 2011, les autorités japonaises ont mis en place une zone d’exclusion qui s’est agrandie au fur et à mesure que des radiations s’échappaient de la centrale, obligeant plus de 150 000 personnes à évacuer la région. Dix ans plus tard, cette zone est toujours en place et de nombreux habitants ne sont pas revenus, des villes entières ayant été complètement désertées, sans compter les autres animaux.
Image d’entête : des sangliers à la fourrure tachetée sont le signe d’une hybridation avec des porcs domestiques. (Hiroko Ishiniwa)
Carte ci-contre, clic pour agrandir : la zone d’exclusion mise en place après l’accident nucléaire de Fukushima. (IOP)
Après la fuite des humains de la préfecture de Fukushima, les animaux sauvages ont pris la relève. Selon des chercheurs japonais qui ont analysé des échantillons d’ADN prélevés sur le site, des sangliers se sont accouplés avec des cochons domestiques laissés sur place lors de l’évacuation précipitée. En conséquence, des hybrides sanglier-porc errent désormais dans la zone d’exclusion radioactive. Toutefois, les chercheurs ajoutent que les hybrides n’ont subi aucune mutation à la suite de l’exposition aux radiations. En fait, ils semblent prospérer.
Les chercheurs se sont lancés dans l’examen de l’ADN des sangliers et du bétail domestique de Fukushima pour voir comment les animaux étaient affectés par la vie dans la zone contaminée par les radiations. À leur grande surprise, ils ont trouvé des preuves d’hybridation, ou de croisement.
Des centaines de sangliers errent aujourd’hui à Fukushima, où l’on enregistre des niveaux de césium 137 environ 300 fois supérieurs au seuil de sécurité. N’ayant pratiquement aucun prédateur, les sangliers, originaires des montagnes voisines, ont entamé une « invasion biologique ».
Un sanglier sans crainte d’être photographié en pleine journée, autour du site nucléaire de Fukushima.(Hajime Ohira)
Sur les 338 sangliers dont les gènes ont été séquencés, au moins 18 individus présentaient des gènes de porc domestique. Cependant, davantage de gènes de porc domestique ont été découverts chez les sangliers depuis la fin de l’étude, ce qui souligne la nécessité d’une surveillance génétique accrue à Fukushima.
Selon les chercheurs dans leur étude (lien plus bas) :
Les fréquences de cet haplotype sont restées stables depuis la première détection en 2015. Ce résultat infère une pollution génétique continue dans les populations de sangliers sauvages à partir des porcs domestiques relâchés.
Ces changements se produisent à une faible fréquence, et comme les hybrides se reproduiront avec des sangliers, les gènes du porc domestique seront “dilués” avec le temps. Les chercheurs pensent qu’il n’y aura pas de changement dans le comportement des sangliers. Actuellement, les comportements anormaux observés sont imputés à l’absence de personnes plutôt qu’à une quelconque composante génétique.
Depuis 2018, les gens ont commencé à revenir lentement dans les zones précédemment abandonnées près de Fukushima. Il semble que ce ne soit qu’une question de temps avant que les sangliers ne doivent retourner dans les montagnes. En attendant, ils semblent en profiter.
Peut-être que certaines zones de Fukushima resteront désertées par les humains pendant des décennies, partageant le sort de Tchernobyl. Aujourd’hui, la zone d’exclusion de Pripyat, en Ukraine, est un havre de paix pour la faune sauvage : bisons européens, lynx boréaux, élans, ours bruns et loups prospèrent dans la ville radioactive.
L’étude publiée dans The Proceedings of the Royal Society B. : Introgression dynamics from invasive pigs into wild boar following the March 2011 natural and anthropogenic disasters at Fukushima.