Pour la première fois, des scientifiques font pousser des plantes dans du sol lunaire
Le domaine de l’agriculture lunaire a fait un grand pas en avant, des scientifiques ayant rapporté les premières plantes cultivées dans le sol lunaire. Bien que le résultat soit loin d’être un repas comestible, le succès de l’équipe marque une étape importante dans l’effort visant à maintenir une base lunaire et à effectuer des missions dans les profondeurs de l’espace, et il offre des informations utiles sur la composition et la viabilité du sol extraterrestre.
Il n’est pas surprenant que le sol lunaire soit rare sur Terre, et que la réalisation de ce type d’expériences ne soit pas une mince affaire. Des scientifiques ont réussi à faire germer des cultures dans des sols lunaires simulés provenant du désert de l’Arizona, et certains groupes de recherche ont mis au point des modules semblables à des serres qui pourraient être transplantés sur la Lune. En 2019, la sonde chinoise Chang’e 4 a fait germer les toutes premières graines sur la surface lunaire à l’intérieur d’une biosphère miniature qu’elle avait emportée avec elle, mais elles sont mortes quelque temps plus tard.
La dernière percée en date dans ce domaine a été réalisée par Anna-Lisa Paul et Rob Ferl de l’université de Floride, qui se sont en fait portés candidats à trois reprises en 11 ans pour mener des expériences sur le sol lunaire, ou régolithe. Celle-ci a été recueillie lors des missions Apollo 11, 12 et 17 et revêt donc une grande importance historique, mais les scientifiques ont pu se procurer 12 g du précieux matériau prêté par la NASA pour cultiver eux-mêmes un minuscule jardin.
Utilisant des pots de la taille d’un dé à coudre, les scientifiques ont chargé un gramme de sol lunaire dans chacun d’eux, l’ont humidifié avec une solution nutritive et ont semé des graines de la plante Arabidopsis. En parallèle, l’équipe a planté les mêmes graines dans un sol lunaire simulé, un sol martien simulé et des sols provenant d’environnements extrêmes sur Terre, à titre d’expériences de contrôle. Malgré leur scepticisme, les scientifiques ont été agréablement surpris de constater que presque tous les sols lunaires produisaient des plantes en germination.
Plantes d’Arabidopsis 6 jours après la plantation des graines. Les quatre godets de gauche contiennent des plantes poussant dans le simulant de sol lunaire JSC-1A. Les trois pots de droite contiennent des plantes poussant dans des sols lunaires recueillis lors des missions Apollo 11, 12 et 17. (UF/IFAS/ Tyler Jones)
Selon Paul :
Nous avons été stupéfaits. Nous n’avions pas prévu cela. Cela nous a dit que les sols lunaires n’avaient pas interrompu les hormones et les signaux impliqués dans la germination des plantes.
Mais cela n’a pas été aussi facile très longtemps. Les plantes cultivées dans le sol lunaire étaient plus lentes à se développer et nombre d’entre elles présentaient des signes de stress, montrant le type d’expressions génétiques que les scientifiques s’attendaient à voir chez des plantes soumises au sel, aux métaux et aux espèces réactives de l’oxygène.
Toujours selon Paul :
Au niveau génétique, les plantes ont utilisé les outils généralement employés pour faire face aux facteurs de stress, tels que le sel, les métaux ou le stress oxydatif, et nous pouvons donc en déduire que les plantes perçoivent l’environnement du sol lunaire comme stressant. En fin de compte, nous aimerions utiliser les données d’expression génétique pour nous aider à déterminer comment améliorer les réponses au stress jusqu’à ce que les plantes, en particulier les cultures, soient capables de pousser dans le sol lunaire avec un très faible impact sur leur santé.
Il est intéressant de noter que les plantes cultivées dans un sol lunaire plus mature, c’est-à-dire exposé à davantage de vent cosmique, présentaient davantage de signes de stress, tandis qu’un sol moins mature permettait aux plantes de se développer plus facilement. Dans le cadre de leurs études de suivi, les scientifiques vont maintenant poursuivre leurs recherches sur la relation entre le bien-être des plantes et la composition du sol, ainsi que sur les effets que les plantes pourraient avoir sur le sol lui-même.
Pour Stephen Elardo, auteur de l’étude :
La Lune est un endroit très, très sec. Comment les minéraux du sol lunaire réagiront-ils à la culture d’une plante, avec l’ajout d’eau et de nutriments ? L’ajout d’eau rendra-t-il la minéralogie plus accueillante pour les plantes ?
La vidéo ci-dessous donne un aperçu de cette expérience :
L’étude publiée dans Communications Biology : Plants grown in Apollo lunar regolith present stress-associated transcriptomes that inform prospects for lunar exploration et présentée sur le site de l’Université de Floride : A first: Scientists grow plants in soil from the moon.