La forêt amazonienne se rapproche plus vite que prévu de son point de non-retour
Selon une nouvelle étude internationale, la forêt amazonienne pourrait se rapprocher rapidement d’un point de basculement. L’étude, qui s’est penchée sur des données de végétation télédétectées au cours des 30 dernières années, a révélé des signes de perte de résilience sur plus de 75 % de la superficie de cette immense forêt depuis le début des années 2000.
Souvent qualifiée de « poumon du monde », l’Amazonie ne fournit pas réellement les 20 % d’oxygène de la planète que l’on prétend, mais elle n’en reste pas moins l’un des systèmes biologiques les mieux adaptés au monde et pourrait basculer dans le chaos écologique, ce qui aurait de vastes répercussions sur la région et la planète.
Ses vastes réserves d’humidité atmosphérique, ces “rivières aériennes” qui s’échappent de la forêt à travers l’Amérique latine, protègent la région des effets ravageurs de la sécheresse. Elle régule également le climat en stockant de grandes quantités de CO2 dans sa végétation et son sol riche en carbone. L’année dernière, une étude a toutefois révélé qu’elle émettait désormais plus de CO2 qu’elle n’en stockait, principalement en raison des incendies intentionnels allumés pour défricher les terres en vue de la production de soja et de viande bovine.
Les chercheurs ont utilisé diverses sources de données, notamment des données satellitaires sur la profondeur optique de la végétation (VOD pour vegetation optical depth), une mesure de la biomasse totale des arbres et des plantes dans une zone donnée. À l’aide de ces dernières, ils ont pu dresser un tableau de l’évolution dans le temps de la résilience de la forêt, c’est-à-dire de sa capacité à se remettre d’une perturbation.
Les résultats sont frappants : depuis le début des années 2000, les trois quarts de l’Amazonie ont perdu de leur résilience. Cela ne signifie pas que ces zones ont perdu leur couverture végétale, mais que la capacité de leur végétation à résister aux perturbations diminue au fil du temps.
Selon Tim Lenton, directeur du Global Systems Institute (GSI) de l’université d’Exeter, au Royaume-Uni :
La forêt tropicale peut avoir plus ou moins la même apparence, mais elle peut perdre sa résilience, ce qui la rend plus lente à se remettre d’un événement majeur comme une sécheresse.
L’étude a également mis en évidence les signes avant-coureurs d’un point de basculement très proche, sous la forme d’un « ralentissement critique ». Le ralentissement critique est un comportement dans le domaine de la recherche sur les systèmes : il suggère qu’un système qui peut se trouver dans deux états différents se rapproche rapidement du passage d’un état à l’autre, dans le cas présent, un écosystème passant de la forêt tropicale humide à la savane herbeuse.
Selon Chris Boulton, coauteur de l’étude et également membre du Global Systems Institute de l’université d’Exeter :
La forêt amazonienne est un système extrêmement complexe, il est donc très difficile de prévoir si et quand un point de basculement pourrait être atteint.
Mais l’arme fatale de ces changements est facilement identifiable.
Pour Niklas Boers, coauteur de l’étude, de l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique (PIK) et de l’Université technique de Munich, en Allemagne :
La déforestation et le changement climatique sont probablement les principaux moteurs de ce déclin. La perte de résilience est plus rapide dans les parties de la forêt tropicale qui sont plus proches de l’activité humaine, ainsi que dans celles où les précipitations sont plus faibles.
De nombreux chercheurs ont théorisé qu’un point de basculement pourrait être atteint et notre étude fournit des preuves empiriques essentielles que nous nous approchons de ce seuil.
Nous ne saurons donc peut-être pas quand ce point de basculement sera atteint avant qu’il ne soit trop tard.
Résumé de la situation selon l’étude. (PICIR)
Toujours selon Boers :
Si l’on perd trop de résilience, le dépérissement peut devenir inévitable, mais cela ne deviendra évident qu’au moment de l’événement majeur qui fera basculer le système.
Cette recherche fait partie du projet Tipping Points in the Earth System (TiPES), financé par le programme Horizon 2020 de l’UE.
L’étude publiée dans Nature Climate Change : Pronounced loss of Amazon rainforest resilience since the early 2000s et présentée sur le site du Global Systems Institute de l’Université d’Exeter : Amazon rainforest losing resilience et sur le site de l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique : Amazon rainforest is losing resilience: new evidence from satellite data analysis.
Bon nombre d’études, publiées ces dernières années, arrivent au même constat alarmant… Pour ne citer que celles présentées par le Guru ces 2 dernières années :
En 2020 :
En 2021 :
Il faut vraiment qu’on sorte de ce système économique destructeur.
En plus de tous tes (très bons 😉 ) articles, je me permets d’en partager par bonpote, qui est un complément aussi fort intéressant : https://bonpote.com/lamazonie-a-t-elle-franchi-un-point-de-bascule/