Les ancêtres de l’humain et de l’homme de Néandertal s’étaient déjà adaptés à une alimentation plus riche en féculents bien avant l’invention de l’agriculture
Des scientifiques ont analysé la plaque dentaire fossilisée de Néandertaliens afin de séquencer le microbiome oral, comprenant le plus ancien jamais découvert, vieux de 100 000 ans. En les comparant aux humains et à d’autres primates, l’étude révèle de nouvelles perspectives sur la façon dont cette relation symbiotique entre l’homme et les microbes a évolué, et pourrait même avoir contribué à la croissance de nos cerveaux.
Image d’entête : une série de crânes de gorilles dans un laboratoire du musée royal de l’Afrique centrale en Belgique. Les taches sombres sur leurs dents sont de la plaque dentaire, sur laquelle portait l’étude. (Katerina Guschanski)
Des communautés comprenant des milliards de microbes vivent sur et dans notre corps. Mais avant de sortir le désinfectant pour les mains et le bain de bouche, n’oubliez pas que ces microbiomes sont essentiels à notre santé. Ils jouent un rôle dans des processus comme la digestion et peuvent influencer notre probabilité de développer diverses maladies.
Mais bien que notre microbiome soit un acteur essentiel de notre santé globale, on ne sait pas grand-chose sur la façon dont il a évolué à nos côtés. Pour cette nouvelle étude, une équipe internationale de scientifiques a donc entrepris de reconstituer cette histoire.
Selon Christina Warinner, professeur à Harvard et auteur de l’étude :
Depuis longtemps, les gens essaient de comprendre ce qu’est un microbiome sain normal. Si nous n’avons aujourd’hui que des personnes que nous analysons et qui proviennent de contextes complètement industrialisés et qui présentent déjà une charge de morbidité élevée, est-ce sain et normal ? Nous avons commencé à nous demander : quels sont les membres essentiels du microbiome ? Quels sont les espèces et les groupes de bactéries qui ont évolué avec nous le plus longtemps ?
Une précédente étude (en lien ci-dessous) a tenté de répondre à cette question en examinant des excréments de Néandertaliens vieux de 50 000 ans, mais pour les nouveaux travaux, les chercheurs ont regardé à l’autre bout…
L’équipe a étudié les microbiomes oraux de 124 individus, y compris les restes fossiles de Néandertaliens et d’humains datant d’il y a 100 000 ans, ainsi que des humains, des chimpanzés, des gorilles et des singes hurleurs actuels.
Les chercheurs ont identifié 10 souches de bactéries communes à toutes les espèces testées, quel que soit leur âge, ce qui implique qu’elles font partie intégrante du microbiome oral partagé des hominidés depuis avant notre dernier ancêtre commun, il y a environ 40 millions d’années.
L’équipe a également constaté que les microbiomes oraux des Néandertaliens et des humains actuels sont étonnamment similaires. Parmi les quelques différences, certaines bactéries semblent avoir disparu du microbiome humain il y a environ 14 000 ans.
Mais la découverte la plus importante est peut-être celle des souches de Streptococcus partagées par les Néandertaliens et les humains (actuels et anciens), mais pas par les autres primates. Ces bactéries sont connues pour se nourrir d’amidon, détournant les enzymes de notre propre salive pour le décomposer.
Les implications de cette découverte pourraient être énormes. Pour que ces bactéries soient présentes, il faut que les Néandertaliens et les anciens humains aient mangé des aliments riches en amidon, ce qui suggère qu’ils sont devenus importants avant même l’avènement de l’agriculture. La teneur élevée en glucose pourrait même avoir contribué à alimenter la croissance rapide de nos cerveaux.
Toujours selon Warinner :
Nous pensons que nous voyons la preuve d’un très ancien comportement qui pourrait avoir fait partie de l’encéphalisation, ou de la croissance du cerveau humain. C’est la preuve d’une nouvelle source de nourriture que les premiers humains ont pu exploiter sous la forme de racines, de légumes féculents et de graines.
Cette étude exhaustive permet de replacer nos microbiomes dans de nouveaux contextes, et les chercheurs affirment qu’elle donne de nouveaux indices sur notre évolution et celle de nos compagnons microbiens.
L’étude publiée dans PNAS : The evolution and changing ecology of the African hominid oral microbiome et présentée sur le site de l’Université Harvard : Turns out developing a taste for carbs wasn’t a bad thing.