La NASA annonce une mission pour explorer la lune de Saturne Titan en 2026, l’une des meilleures candidates pour tenter d’y trouver une vie extraterrestre
Pour sa toute dernière mission scientifique planétaire, la NASA vise à faire atterrir un robot volant à la surface de la lune de Saturne, Titan, une cible de choix dans la recherche de la vie extraterrestre.
Image d’entête : au centre, Titan telle qu’elle apparait à la lumière visible, cachée par un voile opaque, et autour les images obtenues par le spectromètre infrarouge de la sonde spatiale Cassini. (NASA/ JPL-Caltech/ Université de Nantes/ Université d’Arizona)
Dragonfly sera la première tentative du genre. Le quadcoptère de la NASA, équipé d’instruments capables d’identifier de grosses molécules organiques, devrait être lancé en 2026, arriver à destination en 2034, puis survoler plusieurs endroits espacés de centaines de kilomètres de distance. Votre Guru vous a déjà présenté l’engin dans deux précédents articles, par ordre d’apparition :
Pour Thomas Zurbuchen, administrateur associé de la NASA pour la science :
La science est convaincante… et la mission est audacieuse. Je suis convaincu que c’est le bon moment pour le faire.
Pourquoi Titan ? Elle est plus grande que la planète Mercure et aussi géographiquement diversifiée que la Terre. Cette grande lune froide présente une atmosphère épaisse et riche en méthane, des montagnes de glace et les seules mers de surface du système solaire avec celles de la Terre.
Les lacs de méthane sont clairement visibles sur cette image radar de la surface de Titan. (Cassini / NASA)
Mais sur Titan, les rivières et les lacs sont pleins d’hydrocarbures liquides bouillonnants. Si la lune abrite de l’eau, les scientifiques pensent qu’elle existe dans un océan qui se cache sous sa croûte gelée.
Selon Lori Glaze, directrice de la division scientifique planétaire de la NASA :
C’est un monde tout à fait différent du nôtre, et pourtant nous savons qu’il contient tous les ingrédients nécessaires pour aider la formation de la vie.
Les chaînes complexes de carbone de Titan sont essentielles à de nombreux processus biologiques de base et peuvent ressembler aux éléments constitutifs à partir desquels la vie sur Terre a évolué.
Toujours selon M. Glaze :
Dragonfly donnera l’occasion de découvrir les processus qui étaient présents sur la Terre primitive et peut-être même les conditions qui pourraient abriter la vie aujourd’hui.
Il s’agit de la quatrième mission financée dans le cadre du programme New Frontiers de la NASA, qui appuie des projets scientifiques planétaires de moyennes envergures dont le coût est inférieur à 1 milliard de $.
Elle suit les traces de la sonde New Horizons, qui a survolé Pluton et l’objet MU69 de la ceinture de Kuiper, l’explorateur d’astéroïdes OSIRIS-REx et la sonde Juno actuellement en orbite autour de Jupiter.
Il s’agit de l’une des deux propositions de programme qui sont à l’étude depuis décembre 2017. L’autre finaliste était la mission CAESAR, pour Comet Astrobiology Exploration Sample Return, qui aurait fait le tour de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. Cette sonde aurait rejoint l’immense roche spatiale, aspiré un échantillon de sa surface et l’aurait ramené sur Terre en novembre 2038.
Dragonfly atterrira près de l’équateur de Titan, parmi les dunes composées de flocons d’hydrocarbures solides. Il sera alimenté par la chaleur du plutonium radioactif, un peu comme les intrépides astromobiles martiennes de la NASA.
Représentation artistique du Dragonfly (APL/ Mike Carroll)
Mais avec ses 8 rotors, il sera capable de couvrir beaucoup plus de distance que n’importe quel robot à roues, jusqu’à 15 km par saut.
Selon Elizabeth Turtle, chercheur principal de la mission et chercheur au laboratoire de physique appliquée de l’université Johns Hopkins 5etats-Unis) :
Il est en fait plus facile de voler sur Titan.
L’atmosphère de ce monde est plus épaisse que celle de la Terre et sa gravité est faible.
L’embarcation doit cependant être capable de manœuvrer seule. Les signaux radio de la Terre prennent 43 minutes pour atteindre Titan, rendant le contrôle du Dragonfly beaucoup plus complexe qu’un drone standard. Les scientifiques ont dû mettre au point un système de navigation qui permettra à l’engin spatial d’identifier les dangers et de voler et atterrir de façon autonome.
En vol, il échantillonnera l’atmosphère brumeuse de Titan et fournira des images aériennes du paysage. Mais l’embarcation passera la majeure partie de son temps au sol, à tester des matériaux biologiquement pertinents.
Représentation artistique du Dragonfly (APL/ Mike Carroll)
Sa destination finale est le cratère Selk, le site d’un ancien impact de météorite où les scientifiques ont trouvé des traces d’eau liquide, de molécules organiques et de l’énergie qui pourrait alimenter des réactions chimiques.
Selon Mme Turtle :
Bien qu’il s’agisse d’une nouvelle façon d’explorer une autre planète, il s’agit en fait d’une technologie qui est très bien maîtrisée sur Terre. Ce qu’on fait avec Dragonfly, c’est de l’innovation, pas de l’invention.
La NASA n’a pas vu la surface de Titan depuis 2005, année où la sonde Huygens est tombée à travers ses nuages orange pour révéler un panorama étrange.
Chaque élément semblable à la Terre sur cette étrange lune avait un aspect chimiquement extraterrestre. Au lieu d’eau liquide, Titan a du méthane liquide. Au lieu de roches siliceuses, Titan a de la glace d’eau gelée et à la place de la poussière, Titan a des particules d’hydrocarbures qui se déposent dans l’atmosphère.
À près d’un milliard de kilomètres du soleil, ce monde est très froid, les températures moyennes sont de -180 ° C. S’il y avait davantage d’oxygène, ces hydrocarbures abondants (le principal composant de l’essence) prendraient rapidement feu.
La présence de tout ce méthane, une molécule qui est habituellement détruite par la lumière du soleil en quelques millions d’années, est ce qui est le plus intrigant pour les scientifiques. Sa persistance suggère un processus qui renouvelle continuellement l’approvisionnement de Titan.
Ils estiment maintenant que Titan jouit d’un climat semblable à celui de la Terre, sauf que ses nuages sont constitués d’hydrocarbures gazeux et que ses précipitations tombent sous forme de composés organiques (pluie et neige).
Titan ressemble à bien des égards à la Terre infantile, avant que la vie n’évolue et ne change irrémédiablement la planète.
Toujours selon Turtle :
Titan est un laboratoire chimique parfait pour comprendre la chimie qui s’est produite avant que la chimie ne passe à la biologie.
Sarah Hörst, scientifique planétaire à l’université Johns Hopkins, membre de l’équipe scientifique et technique du Dragonfly, a comparé Titan à une cuisine cosmique dans laquelle les scientifiques ont trouvé tous les ingrédients de la vie. Tous ces ingrédients peuvent ne rien donner. Ou bien ils pourraient être des signes “d’une la vie telle que nous ne la connaissons pas « , une forme de biologie basée sur les hydrocarbures, plutôt que sur l’eau.
Au cours des années qui ont suivi l’atterrissage Huygens, les scientifiques ont détecté encore plus de richesses moléculaires : des molécules chargées négativement associées à des réactions chimiques complexes, des cycles d’hydrogène, de carbone et d’azote à partir desquels des acides aminés peuvent être formés, et des molécules qui peuvent se regrouper pour former une enveloppe sphérique tout comme les membranes entourant les cellules.
Pour Hörst :
Nous sommes persuadés que tout ce qui est nécessaire à la vie sur Titan, dans ces grandes lignes, existe sur Titan. À un moment donné, ça se résume à, et bien, ne devrions-nous pas aller vérifier ?
Il y a déjà un site dédié à la mission DragonFly hébergé par l’université Jhon Hopkins qui présenté la mission ici : Destination: Titan.