Ultima Thulé : des scientifiques publient leurs dernières découvertes sur l’objet le plus éloigné de la Terre visité par l’humain
Plus tôt cette année, le monde entier a été témoin d’une rencontre historique entre la sonde spatiale New Horizons de la NASA et un objet appelé 2014 MU69, alias Ultima Thulé, le plus lointain objet nommé dans le système solaire.
Image d’entête : composite de 2014 MU69 (surnommé Ultima Thulé), compilée à partir de données obtenues par la sonde New Horizons lors de son survol de l’objet le 1er janvier 2019. L’image combine des données de couleur améliorées (proches de ce que l’œil humain verrait) avec des images panchromatiques détaillées à haute résolution. (NASA/ Université Johns Hopkins Laboratoire de physique appliquée/ Southwest Research Institute/Roman Tkachenko)
On sait à quoi il ressemble. On sait qu’il un peu bizarre. Mais maintenant, des scientifiques ont rassemblé les chiffres, analysé les données et détaillé les premières observations faites dans le cadre de nouvelles recherches scientifiques.
MU69 est en moyenne à 6,7 milliards de kilomètres du Soleil, avec une période orbitale de 293 ans. New Horizons a été lancée en janvier 2006, ce qui signifie qu’il lui a fallu 13 ans pour arriver jusqu’à MU69 dans la ceinture de Kuiper. Cette position a son importance et MU69 n’est pas seulement un objet solitaire qui rôde dans le froid et l’obscurité de l’espace.
La position de la sonde New Horizons lors de son survol d’Ultima Thulé. Le segment vert de la ligne indique la trajectoire de la sonde depuis son lancement, le rouge indique sa trajectoire future. (NASA/ Université Johns Hopkins Laboratoire de physique appliquée/ Southwest Research Institute)
À cette distance du Soleil, on pense que les objets avec une orbite stable, comme celle de MU69, sont restés pratiquement intacts depuis la formation du système solaire. Il n’y a pas beaucoup de rayonnement solaire qui pénètre dans ces endroits éloignés, de sorte que les objets sont moins affectés par la chaleur.
MU69 est ainsi comme une capsule temporelle qui peut nous renseigner sur les conditions du système solaire à l’époque où la Terre se formait encore. Ce sont en fait deux objets collés ensemble un peu comme un bonhomme de neige, mais aussi un peu aplatis.
Pour Alan Stern, chercheur principal de New Horizons, du Southwest Research Institute, plus tôt cette année :
Nous n’avons jamais rien vu de tel nulle part dans le système solaire.
Les données transmises par New Horizons dans les semaines qui ont suivi le survol révèlent que l’objet est conforme à nos théories sur la formation planétaire.
On pense que lorsqu’un disque protoplanétaire de poussière et de gaz orbite autour d’une nouvelle étoile, des morceaux de matière commencent à s’agglutiner (coalescence), retenus ensemble par des forces électrostatiques. Au fur et à mesure qu’ils deviennent de plus en plus grands, leur gravité se renforce également, ce qui attire davantage de fragments/ poussières.
MU69 se trouve dans la ceinture de Kuiper, un anneau d’objets en forme de tore dans le système solaire extérieur, un vestige de son disque protoplanétaire. Les chercheurs pensent qu’il s’agissait autrefois de deux morceaux de roche en orbite l’un autour de l’autre jusqu’à ce qu’ils soient rassemblés lors d’une légère collision.
La meilleure image de l’objet le plus éloigné de la Terre visitée par la sonde New horizons. (NASA/ Université Johns Hopkins Laboratoire de physique appliquée/ Southwest Research Institute)
Selon William McKinnon, chercheur pour la mission New Horizons à l’université de Washington à Saint-Louis :
Cela correspond aux idées générales du début de notre système solaire.
Une grande partie de l’élan orbital du binaire Ultima Thulé a dû être dissipée pour qu’ils se rassemblent ainsi. Mais nous ne savons pas encore quels processus ont été les plus importants pour y parvenir.
Ce qu’ils ont constaté, c’est que la rotation et l’orbite de MU69 sont probablement restées inchangées depuis cette fusion. Les cratères d’impact à la surface de l’objet sont minimes et, bien que des caractéristiques géologiques aient été identifiées, leur couleur et leur composition sont généralement uniformes.
Il n’a pas non plus de lunes, d’anneaux, d’atmosphère transitoire, d’émissions de gaz ou de poussières, rien qui indique une perturbation relativement récente. C’est un objet très “paisible”. Cela signifie qu’il est probablement entré en contact avec très peu d’autres objets depuis sa fusion.
Il est aussi très rouge, plus brillant dans le proche infrarouge que le spectre visible. On ne sait toujours pas ce qui lui donne cette couleur rouge, il pourrait s’agir de macromolécules organiques produites par la décomposition de macromolécules plus simples par irradiation, ou de silicates altérés par l’espace, bien qu’il n’y ait aucune trace directe ces composés sur MU69.
Même si il est presque uniformément rouge, il y a des variations très subtiles que l’équipe n’a pas encore comprises.
Mais il y a encore beaucoup de données à venir. New Horizons est à plus de 6 heures-lumière de la terre (6 x (108 x 109 km)), avec un faible débit de transmission de données, de seulement 2 000 bits par seconde après le survol de Pluton par la sonde en 2015.
Cette étude n’est fondé que sur les premiers 10 % des données recueillies dans le cadre de de ce second volet de la mission New Horizons, et l’on s’attend à ce qu’il termine de transmettre d’ici 2020.
L’étude publiée dans Science : Initial results from the New Horizons exploration of 2014 MU69, a small Kuiper Belt object et présentée sur le site dédié à Ultima Thule de l’université Jhon Hopkins : NASA’s New Horizons Team Publishes First Kuiper Belt Flyby Science Results.