Parce que les sourcils servent aussi à se faire des amis pour survivre
Et pourquoi avec du botox, vous vous en ferez beaucoup moins…
Les sourcils et l’arcade sourcilière, évitent de nous retrouver avec de la sueur, de l’eau, des cheveux, des poils… ou tout ce qui peut tomber du ciel pour se retrouver dans nos yeux. Mais ils ont une deuxième fonction importante. Ils sont très mobiles et peuvent être utilisés pour exprimer un large éventail d’émotions subtiles qui aurait joué un rôle crucial dans la survie humaine, selon une nouvelle recherche de l’université de York (Royaume-Uni).
Image d’entête : à partir d’une vidéo retraçant l’évolution du visage humain, à découvrir sur le site de l’université de Yale.
Comme les bois sur un cerf, une arête frontale prononcée était un signal de domination et d’agressivité chez nos premiers ancêtres, que les humains modernes ont échangé contre un front lisse avec des sourcils plus visibles et plus poilus capables d’une plus grande amplitude de mouvement.
Les sourcils mobiles nous ont donné des compétences de communication pour établir de grands réseaux sociaux, en particulier pour exprimer des émotions plus nuancées comme la reconnaissance et la sympathie, permettant une meilleure compréhension et coopération entre les populations.
L’étude alimente un long débat scientifique sur les raisons pour lesquelles d’autres hominidés, y compris nos ancêtres immédiats, avaient de très grandes arcades sourcilières alors que les humains anatomiquement modernes ont évolué vers des fronts plus plats.
Selon Paul O’Higgins, professeur d’anatomie à l’université de York, auteur principal de l’étude :
Le fait de regarder d’autres animaux peut offrir des indices intéressants quant à la fonction d’une crête sourcilière proéminente. Chez les mandrills, les mâles dominants ont des renflements de couleur vive de chaque côté de leur museau pour afficher leur statut. La croissance de ces bosses est déclenchée par des facteurs hormonaux et les os sous-jacents sont criblés de cratères microscopiques, une caractéristique que l’on peut également voir dans les arcades sourcilières des hominidés archaïques.
Mandril (Mandrillus sphinx). (Wikimedia)
Les signes sociaux et l’affichage sexuellement dimorphes sont une explication convaincante pour les sourcils en saillie de nos ancêtres. Leur conversion vers un front plus vertical chez les humains modernes a permis de présenter des émotions plus amicales qui ont aidé à former des liens sociaux entre les individus.
À l’aide d’un logiciel d’ingénierie 3D, les chercheurs ont examiné la crête frontale iconique d’un crâne fossilisé, connu sous le nom de Kabwe 1. Il appartenait à une espèce d’hominidé, l’Homo heidelbergensis, qui vivait il y a entre 600 000 et 200 000 ans.
Modèle d’un crâne humain moderne à côté de Kabwe 1. (Paul O’Higgins/ Université de York)
Les chercheurs ont écarté deux théories généralement avancées pour expliquer ces arcades sourcilières saillantes : qu’elles étaient nécessaires pour remplir l’espace où se rencontraient les cavités cérébrales plates et les orbites des hominidés archaïques, et que l’arcade agissait pour stabiliser leur crâne de la force de mastication.
Selon le professeur O’Higgins :
Nous avons utilisé un logiciel de modélisation pour faire reculer l’énorme crête sourcilière de Kabwe et nous avons constaté que le front lourd n’offrait aucun avantage spatial puisqu’il pouvait être considérablement réduit sans causer de problème. Ensuite, nous avons simulé les forces de morsures sur différentes dents et nous avons constaté qu’il y avait très peu de tension sur la crête des sourcils. Lorsque nous avons enlevé la crête, il n’y a pas eu d’effet sur le reste du visage lors de la morsure.
Puisque la forme de l’arcade sourcilière n’est pas dictée uniquement par des exigences spatiales et mécaniques, et que d’autres explications pour les arcades sourcilières, comme le fait de garder la sueur ou les poils hors des yeux ont déjà été écartées, nous suggérons qu’une explication plausible peut être trouvée dans la communication sociale.
Selon les chercheurs, nos fronts communicatifs ont fait leur apparition comme un effet secondaire de la diminution progressive de nos visages au cours des 100 000 dernières années. Ce processus est devenu particulièrement rapide au cours des 20 000 dernières années et plus récemment, lorsque nous sommes passés du statut de chasseurs-cueilleurs à celui de cultivateurs, un mode de vie qui signifiait moins de variété dans l’alimentation et d’effort physique.
Selon Penny Spikins du département d’archéologie de l’université de York, coauteur de l’étude :
Les humains modernes sont les derniers hominidés survivants. Pendant que notre espèce sœur, les Néandertaliens, s’éteignait, nous colonisions rapidement le globe et survivions dans des environnements extrêmes. Cela avait beaucoup à voir avec notre capacité à créer de grands réseaux sociaux. Nous savons, par exemple, que les humains préhistoriques modernes ont évité la consanguinité et sont restés avec leurs proches dans des endroits éloignés pendant les périodes difficiles.
Les mouvements des sourcils nous permettent d’exprimer des émotions complexes et de percevoir les émotions des autres. Une rapide élévation des sourcils est un signe interculturel de reconnaissance et d’ouverture à l’interaction sociale et le fait de tirer nos sourcils vers le haut est une expression de sympathie. Les petits mouvements des sourcils sont également un élément clé pour identifier la fiabilité et la tromperie. De l’autre côté, il a été démontré que les personnes qui ont reçu du botox, qui limite le mouvement des sourcils, sont moins capables “d’ampathiser” et de s’identifier aux émotions des autres.
Les sourcils sont la partie manquante du puzzle sur la façon dont les humains modernes ont réussi à s’entendre beaucoup mieux entre eux qu’avec d’autres hominidés aujourd’hui disparus.
L’étude publiée dans Nature Ecology and Evolution : Supraorbital morphology and social dynamics in human evolution.