Même dans les périodes difficiles, les mères chimpanzés continuent à jouer avec leurs petits
Dix années d’observation d’une communauté de chimpanzés sauvages montrent que la plupart des adultes cessent de jouer lorsque la nourriture vient à manquer, mais pas les mères et leurs petits.
Image d’entête : Ginger (âgée d’environ 3 mois), chimpanzé du parc national de Kibale, en Ouganda, jouant avec sa mère. (Kris Sabbi/ Université Tufts)
Le jeu est vital pour le développement physique et psychologique des jeunes chimpanzés. Il se pourrait donc que les mères investissent de l’énergie dans ce comportement pour élever leur petit, même lorsque les temps sont durs.
Les grands singes tels que les gorilles, les bonobos et les chimpanzés ont tous un penchant pour le jeu, qui consiste à se chatouiller, à se titiller et à se poursuivre les uns les autres et selon Zarin Machanda, de l’université Tufts (États-Unis) :
Le jeu contribue au développement des capacités motrices et sociales. C’est quelque chose dont les bébés ont vraiment besoin pour se développer correctement.
Depuis plus de dix ans, Zarin Machanda et ses collègues observent une communauté d’environ 60 chimpanzés orientaux (Pan troglodytes schweinfurthii) vivant dans le parc national de Kibale, en Ouganda. Au total, l’équipe a consigné 3891 sessions de jeu entre 2010 et 2019.
Ginger (âgée d’environ 3 mois), chimpanzé de Kanywara, grimpe aux pieds de sa mère Gola. Cette image a été prise lors d’une brève pause entre Ginger qui mordait les orteils de sa mère et Gola qui la chatouillait. (Kris Sabbi/ Université Tufts)
Selon Machanda :
En 2016 ou 2017, nous avons eu un été incroyable où il y avait de la nourriture partout sur notre site. Et l’une des choses que nous avons remarquées, c’est qu’il y avait beaucoup de chimpanzés adultes qui jouaient les uns avec les autres.
Lorsque la nourriture était abondante, l’équipe a observé au moins une séance de jeu pendant 97 % des jours d’observation, mais ce chiffre est tombé à 38 % lorsque la nourriture était rare. Les mères chimpanzés ont cependant continué à jouer avec leurs petits à des taux encore plus élevés pendant ces périodes de faible disponibilité de nourriture.
Selon Kris Sabbi, membre de l’équipe à l’université Harvard (États-Unis) :
C’était vraiment surprenant, car la nourriture est généralement plus importante pour les femelles chimpanzés en raison du coût énergétique élevé de la reproduction.
Pendant les périodes de stress alimentaire, les chimpanzés ont tendance à passer plus de temps seuls pour éviter la compétition pour les ressources, ce qui signifie que les mères deviennent souvent le seul partenaire social de leurs bébés. Par conséquent, les mères passent encore plus de temps à jouer avec leurs petits pour compenser le manque de socialisation avec leurs pairs et d’autres adultes.
Toujours selon Machanda :
Le fait que les mères continuent à jouer avec leurs petits à leurs propres dépens montre à quel point c’est important pour leur développement. C’est un peu comme le coût caché de la maternité.
L’étude publiée dans Current Biology : Ecological variation in adult social play reveals a hidden cost of motherhood for wild chimpanzees et présentée sur le site de l’Université Tufts : The Importance of Play for Young Chimpanzees and Their Mothers.