Le télescope spatial Hubble capture les violentes tempêtes de Jupiter et sa lune volcanique Io
Ces deux nouveaux portraits des faces opposées de Jupiter révèlent ses tempêtes tourbillonnantes et ses bandes de nuages tumultueuses poussées par des vents soufflant à des centaines de kilomètres à l’heure.
Ces images ont été prises par le télescope spatial Hubble les 5 et 6 janvier 2024. Hubble surveille Jupiter et les autres planètes du système solaire externe chaque année dans le cadre du programme Outer Planet Atmospheres Legacy (OPAL). Jupiter tournant une fois toutes les 10 heures, Hubble a pu prendre une image d’un hémisphère avec la fameuse Grande Tache Rouge visible, et attendre que l’autre hémisphère soit visible avant de la photographier.
Les dernières images montrent que Jupiter est actuellement en effervescence et selon Amy Simon, responsable du projet OPAL au Goddard Space Flight Center de la NASA :
Les nombreuses grosses tempêtes et les petits nuages blancs sont la marque d’une grande activité dans l’atmosphère de Jupiter en ce moment.
Jupiter a franchi le périhélie, le point le plus proche de son orbite autour du soleil, le 21 janvier 2023, et il semble qu’un an plus tard, la chaleur solaire supplémentaire de l’été jovien continue d’agiter son atmosphère.
La caractéristique la plus distinctive de la géante gazeuse est sa bande sombre et claire, visible même dans un télescope de jardin. Avec la vision de Hubble, nous voyons chaque détail de ces bandes. Les bandes claires sont appelées « zones » et correspondent à des régions où l’atmosphère s’élève. Les bandes plus sombres sont appelées « ceintures » et correspondent aux zones où l’atmosphère s’enfonce. L’atmosphère entière ondule en tournant autour de Jupiter, mais elle ne s’élève ni ne s’enfonce beaucoup. Les nuages ne font qu’une trentaine de kilomètres de profondeur, ce qui constitue une couche peu profonde par rapport au reste de l’atmosphère qui s’étend sur des dizaines de milliers de kilomètres de profondeur.
Dans un hémisphère, on peut voir la fameuse Grande Tache rouge, qui sévit depuis au moins près de 200 ans, et très probablement depuis bien plus longtemps. Cependant, la longévité de la Grande Tache rouge est remise en question, car elle rétrécit à une vitesse alarmante. À la fin du XIXe siècle, on a mesuré que la Grande Tache rouge mesurait environ 41 000 km de diamètre, soit une surface suffisante pour contenir trois Terres. Cependant, lorsque les engins spatiaux Voyager 1 et Voyager 2 ont survolé Jupiter en 1979, ils ont mesuré que la Grande Tache rouge avait un diamètre de 23 300 km. En 1995, lorsque Hubble a observé Jupiter, son diamètre avait diminué pour atteindre 20 950 km.
En 2014, son diamètre était de 16 500 km, en 2021 de 14 750 km et en novembre 2023, l’astrophotographe amateur Damian Peach l’a mesuré à 12 500 km. La Grande Tache Rouge est passée d’un énorme ovale, assez grand pour contenir trois Terres, à une forme circulaire qui n’est même pas assez grande pour contenir une seule Terre (qui a un diamètre de 12 756 km). La cause de ce rétrécissement reste un mystère. La Grande Tache rouge va-t-elle s’éteindre d’elle-même ou trouvera-t-elle un second souffle à l’avenir ? L’un des objectifs d’OPAL est de suivre la Grande Tache rouge et de surveiller son évolution pour tenter de comprendre ce qui lui arrive.
Cette série de 12 images du télescope spatial Hubble, prises les 5 et 6 janvier 2024, présente des instantanés d’une rotation complète de la planète géante Jupiter. La Grande tache rouge permet de mesurer la vitesse de rotation réelle de la planète, qui est de près de 10 heures. Le satellite galiléen le plus proche, Io, est visible sur plusieurs images, ainsi que son ombre traversant le sommet des nuages de Jupiter. (Amy Simon/ NASA-GSFC)
Néanmoins, sa taille reste impressionnante : une énorme tempête de la taille de notre planète, dont la base se trouve à 500 km de profondeur dans l’atmosphère jovienne et dont les vents soufflent à une vitesse comprise entre 430 et 680 kilomètres par heure. Elle n’est cependant pas la seule tache rouge sur Jupiter. À la fin des années 1990, trois « ovales blancs », des tempêtes plus petites observées tout au long du XXe siècle, ont fusionné pour former une nouvelle tempête appelée Oval BA. En 2006, l’ovale BA est devenu rouge, ce qui lui a valu le surnom de « Red Spot Junior« . Elle aussi a quelque peu rétréci au fil du temps, et on peut la voir en dessous et à droite de la Grande Tache Rouge sur l’image d’Hubble.
La raison pour laquelle les tempêtes deviennent rouges est un autre mystère qui reste sans réponse. De toute évidence, il s’agit d’une question de chimie, qui pourrait impliquer l’extraction de phosphore ou de soufre, ou de molécules organiques qui réagissent à la lumière solaire ultraviolette lorsqu’elles s’élèvent dans la couche nuageuse.
À première vue, l’autre hémisphère semble un peu plus fade, sans les deux grandes taches rouges principales, mais en y regardant de plus près, il y a beaucoup de choses qui s’y passent. Dans la ceinture équatoriale nord de la planète (la première bande rouge au nord de l’équateur), on peut voir deux petites tempêtes, l’une rouge foncé, l’autre rouge plus pâle, qui se côtoient. La tempête rouge foncé est un cyclone, c’est-à-dire qu’elle tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère nord de Jupiter, tandis que son compagnon plus pâle est un anticyclone, qui tourne dans le sens des aiguilles d’une montre. Comme ils tourbillonnent dans des directions opposées, ils ne fusionneront pas, mais rebondiront l’un sur l’autre.
En prime, sur le côté gauche de l’image, près du bord de la ceinture équatoriale sud, nous pouvons voir la lune la plus intérieure de Jupiter, la volcanique et ardente Io.
Présentée sur le HubbleSIte : Jupiter et sur le site du Space Telescope Science Institute : OPAL 2024 Jupiter Rotation.