L’Arctique pourrait devenir "libre de glace" d’ici 10 ans
Une récente étude de l’université du Colorado à Boulder (Etats-Unis) indique que l’océan Arctique pourrait connaître des journées d’été avec un minimum de glace de mer dans les prochaines années. Cette recherche (lien plus bas) indique que le premier jour sans glace de mer dans l’Arctique pourrait survenir au moins 10 ans plus tôt que les précédentes estimations, qui prenaient principalement en compte des périodes prolongées d’absence de glace.
Image d’entête : un ours polaire mâle (Ursus maritimus) à la recherche de proies, sautant d’une banquise à l’autre dans la région des glaces dérivantes au nord du Svalbard. ( Andreas Weith/ Wikimedia)
L’étude révèle que l’Arctique pourrait connaître sa première journée sans glace à la fin du mois d’août ou au début du mois de septembre dans les années 2020 ou 2030. Cette projection se vérifie même dans les scénarios d’émissions les plus optimistes. Ces résultats remettent en question les modèles précédents, en mettant l’accent sur des périodes quotidiennes, plutôt que mensuelles, d’absence de glace. En outre, cela pourrait signifier que l’Arctique pourrait connaître son premier jour sans glace environ 10 ans plus tôt que ce qui avait été estimé précédemment.
Les projections pour le milieu du siècle prévoient un mois entier d’absence de glace dans l’Arctique en septembre, période où la couverture de glace de mer est la plus faible. Vers la fin du siècle, l’étude envisage la possibilité d’une saison de plusieurs mois, en fonction des scénarios d’émissions futurs. Selon Alexandra Jahn, chercheuse principale de l’étude, dans les scénarios à fortes émissions, l’Arctique pourrait être constamment dépourvu de glace, même en hiver, et passer d’un environnement à dominante blanche à un environnement à dominante bleue.
A partir de l’étude : a. Concentration arctique de la glace de mer en septembre avec une zone de glace de mer de 5,5 millions dekm2, typique des années 1980. b. Identique à la partie a, mais pour 3,3 millions dekm2, typique de 2015-2023. c. Identique à la partie a, mais pour une zone de glace de mer de <1 million dekm2, désignée comme un Arctique libre de glace. (Alexandra Jahn et col./ Nature Reviews Earth & Environment)
La recherche offre une perspective nuancée sur la définition d’un Arctique libre de glace, en soulignant que cela ne signifie pas une absence totale de glace. Il s’agit plutôt d’une situation où l’océan compte moins d’un million de kilomètres carrés de glace, ce qui représente moins de 20 % de la couverture glaciaire minimale saisonnière de la région dans les années 1980.
Les chercheurs mettent l’accent sur le seuil critique, la récente couverture minimale de glace de l’océan Arctique se situant autour de 3,3 millions de kilomètres carrés en septembre. Jahn insiste sur l’importance de prédire les premières périodes sans glace, et recommande de suivre de près les données satellitaires quotidiennes pour mieux comprendre l’évolution de la dynamique.
Selon Jahn, les émissions de gaz à effet de serre sont les principaux responsables de la disparition de la glace de mer dans l’Arctique. La diminution de la couverture de neige et de glace augmente l’absorption de la lumière solaire par l’océan, exacerbant à la fois la fonte des glaces et le réchauffement de l’Arctique. Ce phénomène a des répercussions importantes sur la faune arctique, en particulier les phoques et les ours polaires, dont la survie dépend de la glace de mer. L’afflux potentiel de poissons non indigènes dans l’océan Arctique qui se réchauffe pose des incertitudes supplémentaires pour les écosystèmes locaux.
A partir de l’étude : les processus hautement couplés et les rétroactions qui affectent la glace de mer arctique en réponse au réchauffement anthropique. (Alexandra Jahn et col./ Nature Reviews Earth & Environment)
En outre, les communautés côtières sont de plus en plus vulnérables, car le recul de la glace de mer élimine un tampon essentiel contre l’impact des vagues océaniques, ce qui accroît le risque d’érosion côtière.
Jahn souligne que si l’absence de glace dans l’Arctique est inévitable, la fréquence de ces conditions dépend des niveaux d’émissions futurs. Dans un scénario conforme aux tendances actuelles en matière d’émissions, l’Arctique pourrait connaître des périodes sans glace principalement à la fin de l’été et au début de l’automne. Toutefois, dans le scénario d’émissions le plus élevé, l’Arctique pourrait connaître jusqu’à 9 mois d’absence de glace d’ici la fin du siècle.
Malgré cette fatalité, Jahn souligne l’importance de réduire les émissions afin d’éviter des périodes prolongées d’absence de glace. Sur une note positive, elle souligne la résistance de la glace de mer arctique, affirmant qu’un rétablissement rapide est possible si les mesures futures parviennent à éliminer le CO2 de l’atmosphère et à contrer le réchauffement.
L’étude publiée dans Nature Reviews Earth & Environment : Projections of an ice-free Arctic Ocean et présentée sur le site de l’Université du Colorado à Boulder : The Arctic could become ‘ice-free’ within a decade.