De l’insuline en pilule sera testée chez l’humain en 2025 et pourrait être disponible dans 2 à 3 ans
Des chercheurs qui ont mis au point une insuline orale qui s’est avérée efficace pour réduire la glycémie et éviter l’hypoglycémie chez les souris, les rats et les babouins sont prêts à faire passer leur médicament à des essais cliniques chez l’humain dès 2025. Ils espèrent qu’il sera accessible à tous dans quelques années.
Image d’entête : ces capsules, qui contiennent des “nano-porteurs” d’insuline, sont prêtes à être testées sur l’humain en 2025. (Nicholas Hunt/ Université arctique de Norvège)
Il est compréhensible que les scientifiques et les chercheurs s’investissent dans la mise au point d’une insuline comestible, étant donné qu’en 2021, 537 millions d’adultes dans le monde vivaient avec le diabète, soit un sur dix, et que ce chiffre devrait atteindre 643 millions d’ici 2030. Mais malgré tous leurs efforts, aucune insuline orale n’est disponible sur le marché.
Aujourd’hui, des chercheurs de l’université arctique de Norvège (ou université de Tromsø/ UiT), ont collaboré avec des chercheurs de l’université de Sydney, en Australie, pour mettre au point une insuline orale qui s’est déjà révélée efficace sur des modèles animaux et qui devrait faire l’objet d’essais cliniques chez l’humain dès 2025.
Selon Peter McCourt de l’université de Sydney, l’un des coauteurs de l’étude :
Cette façon de prendre de l’insuline est plus précise parce qu’elle délivre l’insuline rapidement dans les zones du corps qui en ont le plus besoin. Lorsque l’on prend de l’insuline avec une seringue, elle se répand dans tout le corps et peut provoquer des effets secondaires indésirables.
Les diabétiques qui utilisent de l’insuline injectable ou des perfusions continues d’insuline par pompe le font pour maintenir un contrôle strict de la glycémie, réduisant ainsi la probabilité de complications à long terme telles que les maladies cardiovasculaires ou les maladies rénales, neurologiques et oculaires. Mais ils doivent également surveiller les effets indésirables tels que l’hyperglycémie (taux élevé) et l’hypoglycémie (taux faible de glucose dans le sang), qui comportent tous deux des risques importants pour la santé.
Les chercheurs avaient déjà constaté qu’il était possible d’administrer des médicaments au foie en utilisant des “nano-carriers” (nano-porteurs). Chez les personnes en bonne santé, c’est dans le foie qu’agit la majeure partie de l’insuline sécrétée par le pancréas. Mais leur système d’administration devait pouvoir survivre aux rigueurs de l’acidité élevée de l’estomac et à l’action des enzymes digestives, qui peuvent rendre les médicaments inefficaces.
Selon McCourt :
Nous avons créé un revêtement qui protège l’insuline de la dégradation par l’acide gastrique et les enzymes digestives lors de son passage dans le système digestif, la gardant ainsi en sécurité jusqu’à ce qu’elle atteigne sa destination, à savoir le foie.
Le revêtement sensible au pH et aux enzymes des chercheurs, un copolymère de chitosane et de glucose, est appliqué à l’insuline liée à des points quantiques de sulfure d’argent (Ag2S). Le revêtement est décomposé dans le foie par des enzymes qui ne sont activées que lorsque la glycémie est élevée, libérant l’insuline pour induire le glucose dans le foie, les muscles et les graisses afin qu’il puisse être utilisé comme source d’énergie, en l’éliminant du sang.
Selon Nicholas Hunt de l’université de Sydney et auteur principal et coauteur de l’étude :
Cela signifie que lorsque la glycémie est élevée, il y a une libération rapide d’insuline et, plus important encore, lorsque la glycémie est basse, il n’y a pas de libération d’insuline.
Les chercheurs ont testé leur nouvelle insuline orale sur des nématodes (C. elegans), des souris et des rats avant de passer aux babouins, qui préféraient prendre leur insuline avec du chocolat.
Selon Hunt :
Afin de rendre l’insuline orale appétissante, nous l’avons incorporée dans du chocolat sans sucre ; cette approche fut bien accueillie.
L’administration de 5 unités internationales (UI)/kg et de 10 UI/kg d’insuline orale a entraîné une réduction de 10 % et 13 % de la glycémie, respectivement, avec des effets observables entre 15 et 30 minutes. Aucun babouin n’a souffert d’hypoglycémie. Bien que ces derniers ne soient pas diabétiques, les chercheurs ont constaté que les rats et les souris, qui l’étaient, n’ont pas non plus souffert d’hypoglycémie après l’administration du médicament.
Avec le fait d’être plus pratiques et plus adaptées aux patients (pas d’injections, plus discret, ne nécessitant pas de réfrigération) les chercheurs affirment que la méthode d’action de leur médicament reproduit plus fidèlement le fonctionnement de l’insuline chez les personnes en bonne santé.
Toujours selon Hunt :
Cela peut également entraîner une hypoglycémie, potentiellement dangereuse pour les personnes atteintes de diabète. Il ne reste plus aux chercheurs qu’à tester leur insuline orale sur l’homme.
Les essais sur l’humain commenceront en 2025, sous la direction de l’entreprise dérivée Endo Axiom Pty Ltd.
Les essais cliniques se déroulent en trois phases ; au cours de la phase I, nous étudierons l’innocuité de l’insuline orale et l’incidence de l’hypoglycémie chez des patients sains et des patients atteints de diabète de type 1. Notre équipe est très enthousiaste à l’idée de pouvoir reproduire chez l’homme les résultats d’absence d’hypoglycémie observés chez les babouins, ce qui constituerait un grand pas en avant. Les expériences sont soumises à des exigences de qualité strictes et doivent être menées en collaboration avec des médecins afin de garantir leur innocuité pour les sujets testés. Après cette phase I, nous saurons que l’insuline est sans danger pour l’homme et nous étudierons comment elle peut remplacer les injections pour les patients diabétiques dans le cadre d’essais de phase 2.
Les chercheurs espèrent que leur insuline orale sera disponible d’ici 2 à 3 ans.
L’étude publiée dans Nature Nanotechnology : Oral nanotherapeutic formulation of insulin with reduced episodes of hypoglycaemia et présentée sur le site de de l’Université arctique de Norvège : New medicine can create a new life for diabetes patients – without needles!