Première naissance vivante d’un primate chimérique en Chine
Des chercheurs chinois ont réussi la première naissance vivante d’un primate chimérique, un singe dont les cellules proviennent de deux embryons génétiquement distincts de la même espèce. L’étude (lien plus bas) pourrait avoir des implications pour le génie génétique, la conservation et d’autres recherches biomédicales.
Image d’entête : le visage et les doigts d’un bébé singe chimérique présentent une teinte verte, signe d’un tissu dérivé de cellules souches embryonnaires injectées dans un embryon receveur. (Cao et col./ Cell)
Les chimères sont des organismes uniques composés des cellules de plusieurs individus génétiquement distincts. Elles sont associées à la mythologie grecque avec, parmi les exemples les plus connus de la mythologie, les griffons (mi-lion, mi-aigle) et le monstre à trois têtes Chimère lui-même (mi-lion, mi-serpent, mi-chèvre). Mais le chimérisme n’est pas qu’un mythe. Il existe dans la nature et grâce à l’intervention de l’humain.
Les éponges et les fourmis sont des exemples d’organismes qui font preuve de chimérisme dans la nature. La greffe de plantes est un exemple de chimérisme induit par l’humain. Les ouistitis (petits singes d’Amérique du Sud) présentent un chimérisme germinal ou chimériques entre fratries : un individu peut porter les cellules reproductrices (ovules ou spermatozoïdes) de ses frères et sœurs jumeaux grâce à la fusion des embryons au cours du développement.
Le chimérisme a même été observé naturellement chez l’humain. Un fœtus peut absorber son jumeau. Cela peut se produire dans le cas de faux jumeaux, si l’un des embryons meurt très tôt au cours de la grossesse et que certaines de ses cellules sont « absorbées » par l’autre jumeau. Le fœtus restant aura deux ensembles de cellules, son propre ensemble d’origine et celui de son jumeau.
Auparavant, le chimérisme avait été induit chez des embryons de rats et de souris qui étaient nés avec une forte proportion de cellules dérivées d’individus génétiquement distincts grâce à la manipulation génétique de cellules souches. Cette nouvelle étude est la première à démontrer ce chimérisme chez des primates.
Selon l’auteur principal, Zhen Liu, de l’Académie chinoise des sciences (CAS) :
Il s’agit d’un objectif recherché depuis longtemps dans ce domaine. Cette recherche a non seulement des implications pour la compréhension de la pluripotence naïve [la capacité de certains types de cellules à se différencier en d’autres types de cellules] chez d’autres primates, y compris l’homme, mais elle a également des implications pratiques pertinentes pour le génie génétique et la conservation des espèces. Plus précisément, ces travaux pourraient nous aider à générer des modèles de singe plus précis pour l’étude des maladies neurologiques ainsi que pour d’autres études biomédicales.
Les singes cynomolgus (également appelés macaques crabiers ou macaque à longue queue) ont été utilisés dans cette étude. Ces primates sont originaires d’Asie du Sud-Est. Neuf lignées de cellules souches utilisant des cellules prélevées sur des embryons de 7 jours ont été marquées avec une protéine fluorescente verte et injectées dans des embryons de 4 à 5 jours. Ces embryons ont ensuite été implantés dans des macaques femelles, ce qui a donné lieu à 12 grossesses et 6 naissances vivantes.
A partir de l’étude : images de phase des deux embryons chimériques au stade blastocyste avant la transplantation, échelle, 50 μm. (Cao et col./ Cell)
La protéine verte a brillé, prouvant le chimérisme, chez un singe qui est né vivant et chez un autre qui a fait une fausse couche.
Le séquençage des gènes a montré que les cellules dérivées des cellules souches étaient présentes dans le cerveau, le cœur, les reins, le foie et le système digestif des singes. Les cellules dérivées de cellules souches chez le singe vivant variaient de 21 % à 92 %, avec une moyenne de 67 % pour les 26 différents types de tissus testés. Les chiffres étaient plus faibles chez le fœtus de singe mort-né.
Résumé graphique de l’étude. (Cao et col./ Cell)
Selon Miguel Esteban de la CAS, coauteur de l’étude :
Dans cette étude, nous avons fourni des preuves solides que les cellules souches pluripotentes naïves de singe possèdent la capacité de se différencier in vivo dans tous les différents tissus composant le corps d’un singe. Cette étude nous permet d’approfondir notre compréhension du potentiel de développement des cellules souches pluripotentes chez les espèces de primates.
L’étude publiée dans Cell : Live birth of chimeric monkey with high contribution from embryonic stem cells.