Le prix Nobel de Médecine décerné aux scientifiques qui ont ouvert la voie aux vaccins COVID à ARNm
Le prix Nobel de médecine a été décerné à deux scientifiques dont les recherches ont conduit à la mise au point d’une technologie vaccinale largement utilisée dans la lutte contre le virus de la COVID-19.
Image d’entête : Katalin Karikó (à gauche) et Drew Weissman (à droite) ont uni leurs forces à la fin des années 1990 pour comprendre comment l’ARNm interagit avec le système immunitaire. (Peggy Peterson/ Penn Medicine)
La biochimiste hongroise Katalin Karikó et l’immunologiste américain Drew Weissman ont été récompensés par l’Assemblée Nobel pour leurs travaux qui ont permis la mise au point de vaccins à ARN messager (ARNm) utilisés lors de la récente pandémie de COVID-19. Ces vaccins sont révolutionnaires en termes de simplicité relative et de rapidité de développement et de déploiement.
Dans une déclaration, l’Assemblée Nobel a qualifié les recherches des nouveaux lauréats de :
…cruciales pour la mise au point de vaccins à ARNm efficaces contre la pandémie de COVID-19. Grâce à leurs découvertes révolutionnaires, qui ont fondamentalement changé notre compréhension de la façon dont l’ARNm interagit avec notre système immunitaire, les lauréats ont contribué au rythme sans précédent du développement de vaccins pendant l’une des plus grandes menaces pour la santé humaine de l’époque moderne.
Karikó et Weissman sont collègues à l’université américaine de Pennsylvanie depuis les années 1990, lorsque leur collaboration sur la technologie de l’ARNm synthétique et les réponses immunitaires humaines a débuté. Leur percée a permis de déterminer que les ARNm produits en laboratoire étaient traités comme des entités étrangères par le système immunitaire. D’autres expériences ont montré que les modifications chimiques naturelles apportées à l’ARNm du corps évitaient les réactions inflammatoires, ce qui expliquait pourquoi les versions non modifiées du code ARNm produites en laboratoire entraînaient des réactions immunitaires.
Les travaux publiés par les deux chercheurs et leurs collaborateurs en 2005, 2008 et 2010 ont « éliminé des obstacles critiques » aux applications cliniques de la technologie de l’ARNm, selon l’Assemblée Nobel.
Les vaccins déclenchent une réponse immunitaire contre un agent pathogène, et les préparations traditionnelles le font généralement en exposant le corps humain à un virus vivant ou tué. Les virus vivants sont délivrés dans des états affaiblis ou « atténués » et ils ont été largement utilisés pour immuniser contre de nombreuses maladies. Cette technologie a conduit à l’attribution du prix de médecine de 1951 à Max Theiler pour son travail de développement d’un vaccin atténué contre la fièvre jaune.
Méthodes de production de vaccins avant la pandémie de COVID-19. (Comité Nobel de physiologie ou de médecine/ Illustration Mattias Karlén)
Au cours des dernières décennies, le développement de vaccins s’est orienté vers le déclenchement de réponses immunitaires contre des parties spécifiques du virus, telles que ses protéines de surface ou via des vecteurs viraux inoffensifs. La technologie traditionnelle des vaccins et les tests en vue d’une utilisation chez les humains étaient généralement des processus longs, mais l’émergence de la technologie de l’ARNm au cours des trois dernières décennies a permis d’accélérer la mise au point des vaccins.
L’ARNm est un outil de transcription essentiel au fonctionnement du corps humain. Alors que l’ADN abrite le code génétique d’organismes comme l’humain, l’ARNm joue le rôle de « lecteur » du code. Cet ARNm contient un modèle de transcription de gènes spécifiques en protéines vitales qui permettent aux organismes de croître et de fonctionner. Le principe s’applique aux vaccins ARNm, qui possèdent un segment d’ARNm fabriqué en laboratoire qui correspond généralement au code génétique des protéines de surface de l’agent pathogène.
L’ARNm contient quatre bases différentes, abrégées en A, U, G et C. Les lauréats du prix Nobel ont découvert que l’ARNm modifié par une base peut être utilisé pour bloquer l’activation des réactions inflammatoires (sécrétion de molécules de signalisation) et augmenter la production de protéines lorsque l’ARNm est délivré aux cellules. (Comité Nobel de physiologie ou de médecine/ Illustration par Mattias Karlén)
Une fois le vaccin reçu, l’organisme du receveur identifie le morceau d’ARNm et crée une protéine identique au récepteur de surface du vrai virus : dans le cas des vaccins COVID-19, la protéine de surface en pointes ou “spike » ne porte pas le code pathogène du virus entier, c’est simplement la cible que le système immunitaire apprend à attaquer. En effet, le corps est capable de s’entraîner contre une cible « vierge », produisant une réponse immunitaire et des globules blancs lymphocytaires spécialisés capables d’identifier le vrai virus si une personne est infectée.
Schéma descriptif du SARS-CoV-2 avec les protéines en pointes en orange. (à partir du guide visuel du coronavirus du Scientific American)
Si un Vaccin à vecteur adénovirus produit par Oxford et AstraZeneca fut le premier à être utilisé chez l’humain au début de la pandémie, de nombreuses personnes dans le monde se sont vu offrir des vaccins ARNm développés par des sociétés telles que Pfizer et Moderna comme première injection.
Dans sa déclaration, l’Assemblée Nobel a qualifié de « transformatrice » l’utilisation de vaccins à ARNm pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Alors que des vaccins à ARNm avaient été mis au point contre d’autres maladies telles que le virus Zika et le MERS-CoV, semblable au COVID, la récente pandémie a permis aux vaccins de Pfizer et de Moderna d’être mis au point et déployés à grande échelle.
Selon l’Assemblée Nobel :
La flexibilité et la rapidité impressionnantes avec laquelles les vaccins ARNm peuvent être développés ouvrent la voie à l’utilisation de la nouvelle plateforme pour des vaccins contre d’autres maladies infectieuses. À l’avenir, la technologie pourrait également être utilisée pour délivrer des protéines thérapeutiques et traiter certains types de cancer.
Annoncée sur le site de l’Assemblée Nobel : The Nobel Prize in Physiology or Medicine 2023.