Le télescope spatial James Webb confirme l’exactitude du taux d’expansion de l’univers mesuré par Hubble
Le télescope spatial James Webb (JWST ou Webb) a mesuré le taux d’expansion de l’Univers, et les résultats ne vont pas arranger la plus grande crise de la cosmologie. Ces résultats concordent avec les mesures effectuées par le télescope spatial Hubble. Cela signifie qu’il n’y a pas d’erreur dans les données de ce dernier, et que nous sommes toujours dans une impasse.
Un désaccord entre différentes méthodes de mesure, connu sous le nom de « tension de Hubble« , demeure intact. Nous devrons donc compter sur d’autres moyens pour déterminer la vitesse d’expansion de notre Univers.
Image d’entête : composite de Hubble et du JWST de la galaxie NGC 5584, située à 72 millions d’années-lumière. (NASA, ESA, CSA, et A. Riess/ STScI)
L’Univers qui nous entoure peut sembler immuable, mais tout ce que nous voyons s’éloigne en fait à une vitesse phénoménale connue sous le nom de constante de Hubble, ou H0. La vitesse exacte de H0 reste incertaine, car les différentes manières de la mesurer donnent des résultats différents. L’une d’entre elles consiste à examiner les reliques de l’Univers primitif, telles que les restes de lumière dans le fond diffus cosmologique ou les ondes acoustiques figées dans le temps. Une autre méthode consiste à mesurer les distances par rapport à des objets dont la luminosité intrinsèque est connue, comme les supernovae de type Ia ou les étoiles variables céphéides, dont la lumière fluctue avec une régularité liée à leur luminosité intrinsèque.
La première méthode tend à donner un taux d’expansion d’environ 67 kilomètres par seconde par mégaparsec. La deuxième méthode donne un taux d’expansion d’environ 73 kilomètres par seconde par mégaparsec. L’écart entre les deux est donc connu sous le nom de tension de Hubble.
Cette illustration présente les trois étapes que les astronomes utilisent pour mesurer le taux de l’expansion de l’univers avec la plus grande précision actuelle. (NASA, ESA, A. Feild (STScI), et A. Riess (STScI / JHU))
Ces mesures ont été effectuées à plusieurs reprises, ce qui réduit considérablement les risques d’erreur pour chacune des estimations. Il n’en reste pas moins possible que certaines données soient trompeuses, d’autant plus que les meilleures données dont nous disposons sur les variables céphéides proviennent d’une seule et même source, le télescope spatial Hubble.
Selon l’astrophysicien Adam Riess du Space Telescope Science Institute (STScI) et de l’université Johns Hopkins (États-Unis) :
Les variables céphéides sont l’outil de référence pour mesurer la distance des galaxies à cent millions d’années-lumière ou plus, une étape cruciale pour déterminer la constante de Hubble. Malheureusement, les étoiles des galaxies sont regroupées dans un espace limité depuis notre lointain point d’observation et la résolution nécessaire manque pour les séparer de leurs voisines en ligne de mire.
L’une des principales raisons de la construction du télescope spatial Hubble était de résoudre ce problème… Hubble a une meilleure résolution en longueur d’onde visible que n’importe quel télescope terrestre, car il se trouve au-dessus des effets de flou de l’atmosphère terrestre. Il peut ainsi identifier des variables céphéides individuelles dans des galaxies situées à plus de cent millions d’années-lumière et mesurer l’intervalle de temps au cours duquel elles changent de luminosité.
Afin d’éliminer les poussières qui obscurcissent la lumière plus proche de l’optique, ces observations doivent être effectuées dans l’infrarouge proche, une partie du spectre électromagnétique dans laquelle Hubble n’est pas particulièrement performant. Cela signifie qu’il subsiste une certaine incertitude quant aux données obtenues. Le JWST, en revanche, est un puissant télescope infrarouge, et les données qu’il recueille ne sont pas soumises aux mêmes limitations.
Riess et son équipe ont d’abord tourné le JWST vers une galaxie dont la distance est connue, afin de calibrer le télescope pour la luminosité des variables céphéides. Ils ont ensuite observé des céphéides dans d’autres galaxies. Au total, le JWST a recueilli des observations de 320 céphéides, ce qui a permis de réduire considérablement le bruit présent dans les observations de Hubble. Bien que les données de Hubble soient assez parasitées, celles permettant de déterminer les distances étaient toujours en accord avec les observations du JWST. Cela signifie qu’on ne peut pas exclure les calculs de H0 basés sur les données de Hubble.
Schéma illustrant la différence entre les observations de Hubble et du JWST, et la manière dont leur association permet d’obtenir des résultats plus fiables. (NASA, ESA, J. Kang/STScI ; Science : A. Riess/STScI)
Nous ne savons toujours pas ce qui est à l’origine de la tension de Hubble. L’un des principaux suspects est l’énergie noire, une mystérieuse force non identifiée mais apparemment fondamentale qui semble exercer une pression négative accélérant l’expansion de l’Univers. Grâce aux nouvelles mesures du JWST, nous sommes peut-être un peu plus près d’une réponse.
Selon Riess :
Webb confirmant les mesures de Hubble, celles-ci fournissent la preuve la plus solide à ce jour que les erreurs systématiques dans la photométrie des céphéides de Hubble ne jouent pas un rôle significatif dans la tension actuelle de Hubble. Par conséquent, les possibilités les plus intéressantes restent en suspens et le mystère de la tension s’épaissit.
L’étude disponible en prépublication dans arXiv : Crowded No More: The Accuracy of the Hubble Constant Tested with High Resolution Observations of Cepheids by JWST et présentée sur le site du Webb Telescope : Webb Confirms Accuracy of Universe’s Expansion Rate Measured by Hubble, Deepens Mystery of Hubble Constant Tension.