Les espèces envahissantes constituent aujourd’hui une sérieuse menace pour la faune, les exploitations agricoles et l’humain
La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) affirme que le coût annuel des espèces exotiques envahissantes : plantes, animaux et champignons introduits et qui ont un effet néfaste sur les écosystèmes indigènes, dépasse les 423 milliards de dollars par an (360,75 milliards d’euros).
Image d’entête : le frelon géant asiatique (Vespa mandarinia), espèce étrangère envahissante qui, notamment, un impact sur les espèces d’insectes indigènes, comme les abeilles, par prédation directe et par compétition sur les ressources (nectar, miellat). (Wikimedia)
Les espèces envahissantes sont l’un des cinq principaux responsables de la perte de biodiversité, avec les changements dans l’utilisation des terres et des mers, l’exploitation des espèces, le changement climatique et la pollution. Les estimations de l’IPBES ont révélé que le coût des espèces exotiques envahissantes avait quadruplé à chaque décennie depuis 1970.
On estime qu’environ 37 000 espèces exotiques ont été introduites dans les écosystèmes par les activités humaines, environ 1 sur 10 représente une menace sérieuse pour la nature, et 80 % des effets de toutes les espèces envahissantes sur l’humain s’avèrent négatifs.
Ce vaste rapport publié cette semaine en Allemagne (lien plus bas) s’appuie sur des recherches scientifiques, des études gouvernementales et des connaissances locales et autochtones pour quantifier l’impact des espèces envahissantes et formuler des suggestions pour les contrôler.
Entre autres conclusions, les espèces exotiques envahissantes… :
- sont les seules responsables d’environ 16 % des extinctions de plantes et d’animaux dans le monde
- contribuent à environ 60 % des autres extinctions (elles contribuent seules ou en partie aux trois quarts des extinctions)
- sont en grande partie à l’origine de l’impact sur l’approvisionnement en nourriture. La diminution de l’approvisionnement alimentaire compte pour 2 sur 3 de tous les effets signalés liés aux espèces envahissantes.
- ne sont pas bien gérées à l’échelle mondiale. 45 % des pays n’investissent pas dans la gestion des espèces exotiques envahissantes.
- Elles sont en augmentation. Sans intervention, la planète devrait compter 33 % d’espèces envahissantes en plus en 2050, par rapport à 2005.
Globalement, les espèces exogènes se déplacent sur la planète grâce à l’activité économique humaine. Le transport (aérien, maritime ou terrestre) dans les échanges commerciaux est considéré comme un facteur « massif » d’introduction d’espèces envahissantes, plus que tout autre facteur.
La perche du Nil (Lates niloticus), responsable de la disparition de plus de 200 espèces de Cichlidés du genre Haplochromis endémiques du Lac Victoria, par prédation et compétition pour la nourriture et qui représente une menace importante pour de nombreuses autres espèces. (Wikimedia)
Des modifications dans l’utilisation des terres ou des mers et le changement climatique sont des facteurs modérés à majeurs dans la propagation des invasions. Les envahisseurs peuvent également en aider d’autres : les mammifères à sabots et à pâturage introduits, comme les chevaux ou les porcs, peuvent piétiner ou détruire les plantes indigènes tout en créant des perturbations dans le sol qui favorisent la croissance de la flore envahissante.
L’IPBES souligne que si certains facteurs peuvent avoir plus d’impact que d’autres, aucun ne fonctionne isolément. Bien que certaines introductions d’espèces aient été faites dans l’intention d’améliorer la vie des humains, la majorité des espèces exotiques envahissantes sont préjudiciables aux humains. En particulier, l’impact le plus fréquemment signalé des espèces exotiques envahissantes est celui sur les systèmes alimentaires humains.
Sur les 423 milliards de dollars US (360,75 milliards d’euros) de coûts annuels mondiaux, 92 % proviennent des effets négatifs des espèces envahissantes et les 8 % restants d’initiatives de gestion.
Le crabe enragé européen (Carcinus maenas) en est un exemple. Cette espèce particulièrement agressive, originaire des océans d’Europe occidentale, s’est répandue sur la plupart des continents et elle est considérée comme nuisible dans le sud-est de l’Australie, au Canada et aux États-Unis. En 2021, l’État de Washington a constaté une augmentation vertigineuse de 5 500 % de l’espèce dans les eaux autour de Seattle et sur la côte pacifique de l’État. Dans le Maine, il a été accusé d’être à l’origine de l’effondrement des pêcheries de palourdes sauvages.
Le crabe enragé européen (Carcinus maenas). (Wikimedia)
Toutes les estimations du coût économique des espèces envahissantes sont considérées comme des minimums prudents. Le contrôle de l’introduction d’espèces envahissantes est la principale mesure de protection contre les coûts économiques et écologiques, mais il existe également des solutions pour lutter contre les espèces nuisibles une fois qu’elles sont installées.
L’Australie est considérée comme ayant l’un des régimes de biosécurité les plus efficaces au monde en termes de gestion des voies d’entrée, où les introductions à risque sont empêchées à la frontière. L’IPBES recommande aux gouvernements de faire de la gestion efficace des risques liés aux espèces exotiques envahissantes une priorité avant, pendant et après les postes de contrôle frontaliers. La gestion spécifique des espèces est également essentielle, que ce soit par la surveillance et la détection ou par des mesures d’éradication et de contrôle.
Les outils génétiques sont de plus en plus précieux dans la lutte contre les espèces envahissantes. L’analyse de l’ADN environnemental (ADNe) est suggérée pour identifier la présence d’espèces envahissantes, en particulier dans les milieux aquatiques. D’autres technologies génétiques, telles que le forçage génétique conçus pour éliminer certains animaux sauvages comme les souris, pourraient également offrir une voie aux gouvernements qui cherchent à contrôler les menaces établies.
Les experts appellent également à une plus grande collaboration et à une meilleure intégration entre les groupes de recherche. Le professeur Philip Hulme, de l’université de Lincoln (Nouvelle-Zélande), qui a également coordonné le rapport, fait remarquer que la mise en commun des connaissances entre les différents secteurs de recherche pourrait favoriser la création d’une « masse critique » à plus long terme d’outils permettant de gérer les menaces invasives.
Le rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) publiée sur Zenodo : IPBES Invasive Alien Species Assessment: Summary for Policymakers, présenté sur le site de l’IPBS : IPBES Invasive Alien Species Assessment et le communiquer de presse en français (PDF).