Des colonies de manchots empereurs ont perdu tous leurs poussins avec la disparition de la glace dans l’Antarctique
Le premier cas d’échec total de la reproduction dans plusieurs colonies de manchots empereurs a été signalé et les perspectives sont tout aussi mauvaises pour l’été à venir.
Image d’entête : les manchots empereurs (Aptenodytes forsteri) se reproduisent sur la glace de mer pendant l’hiver antarctique. (Doug Allan, British Antarctic Survey)
Selon le British Antarctic Survey (Royaume-Uni), la réduction de la glace de mer autour de l’Antarctique occidental l’année dernière serait à l’origine de l’échec de la reproduction dans quatre des cinq colonies de manchots empereurs (Aptenodytes forsteri) étudiées.
Les images des satellites européens Sentinel-2 ont montré que la pointe Pfrogner, la côte Bryant, l’île Smyley et l’anse Verdi ne présentaient aucun signe de présence d’une colonie, mais que celle de l’île Rothschild avait réussi à persister, peut-être en raison de la géométrie unique et de la présence d’icebergs dans la baie voisine de l’île. Il est probable que les poussins des quatre autres sites n’aient pas survécu.
A partir de l’étude : Les emplacements des cinq colonies de manchots empereurs dans le centre et l’est de la mer de Bellingshausen superposés à l’anomalie régionale de concentration de glace de mer pour le mois de novembre 2022 sont indiqués en rouge. (P. T. Fretwell et col./ Communications Earth & Environment)
Les comparaisons montrent une colonie sur la glace de mer à l’île Smyley entre le 10 octobre 2022 et le 10 décembre 2022. L’imagerie satellitaire provient de Copernicus SENTINEL-2 de la Commission européenne. (British Antarctic Survey)
Le manchot empereur est la plus grande des 18 espèces de manchots du monde. En 2019, on estimait à 256 500 le nombre de couples reproducteurs vivant en Antarctique. Ils sont considérés comme « quasi menacés » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Se reproduisant en hiver, ils dépendent de la stabilité de la mer et de la « banquise côtière » qui se forme pendant les mois d’hiver pour établir des crèches prospères pour leurs poussins, qui peuvent nager une fois qu’ils ont acquis des plumes imperméables à l’état d’oisillon.
Les colonies qui bordent la côte de la mer de Bellingshausen ont été largement abandonnées au début de la période de nidification, en décembre, en raison de la fonte de la glace de mer, qui a atteint un niveau record en 2020.
A partir de l’étude : Anomalie de la glace de mer en Antarctique pour novembre 2022. Les zones bleues de la carte indiquent une anomalie positive de la glace de mer, les zones rouges une anomalie négative. Bien que l’étendue de la glace de mer ait été négative sur la majeure partie du continent, la zone de la mer de Bellingshausen a été particulièrement touchée, avec une perte de glace allant jusqu’à 100 % dans la région. (P. T. Fretwell et col./ Communications Earth & Environment)
Dans l’ensemble, la mer de Bellingshausen, qui borde la côte antarctique la plus proche du Chili et de l’Argentine, a perdu au moins la moitié de sa glace de mer antérieure par rapport à la moyenne des 30 dernières années (1991-2020), et l’a complètement perdue dans certaines régions. L’étude a été réalisée en 2022, au cours de la pire année pour la formation de glace de mer dans l’Antarctique depuis le début des relevés en 1979.
Le record ne tiendra pas longtemps, puisque la glace de mer de 2023 accuse déjà un retard de 147 millions d’hectares par rapport à l’année dernière. Selon les chercheurs, dans la mer de Bellingshausen, la glace de mer n’a commencé à se former qu’à la fin du mois de juin, alors que les oiseaux auraient déjà dû pondre, et il est donc très probable que cette année soit aussi mauvaise, voire pire que 2022.
Étendue de la glace de mer en Antarctique pour chaque année de 1979 à 2023 (ère satellitaire ; NSIDC, DMSP SSM/I-SSMIS). L’année 2023 est représentée par une ligne rouge. (Zachary Labe/ British Antarctic Survey)
Bien que des effondrements de colonies aient déjà été observés depuis que les satellites ont commencé à être utilisés pour les observations il y a 15 ans, des abandons simultanés sur plusieurs sites n’avaient pas été observés avant 2022, et seul un site d’étude avait connu un échec total de la reproduction auparavant.
Bien que Fretwell et ses collègues sachent que les manchots empereurs adultes sont adaptables et peuvent se déplacer vers des endroits plus sûrs pour la reproduction les années suivantes, parfois sur des dizaines de kilomètres, la perte rapide de la glace de mer due au réchauffement des températures pourrait mettre à l’épreuve leur résilience. Dans leur étude, ils notent « qu’une telle stratégie ne sera pas possible si l’habitat de reproduction devient inadapté à l’échelle régionale ».
Le British Antarctic Survey continuera de surveiller les colonies de la mer de Bellingshausen pendant le printemps et l’été antarctiques.
Selon Fretwell :
Nous attendons le lever du soleil pour commencer à voir comment se portent les colonies. Nous poursuivrons notre surveillance et essaierons de développer de nouvelles techniques afin d’améliorer notre connaissance des conséquences et des trajectoires des manchots empereurs.
Les quatre plus faibles étendues annuelles de glace de mer de l’Antarctique ont été relevées depuis 2016.
Présentation de la recherche par le British Antarctic Survey :
L’étude publiée dans Communications Earth & Environment : Record low 2022 Antarctic sea ice led to catastrophic breeding failure of emperor penguins et présentée sur le site du British Antarctic Survey : Loss of sea ice causes catastrophic breeding failure for emperor penguins.