Un mystérieux signal radio interstellaire se répétant toutes les 22 minutes depuis plus de 30 ans donne lieu à la découverte d’un nouveau genre d’objet astral
Une équipe internationale dirigée par des radioastronomes a découvert un nouvel objet stellaire, le deuxième de ce type, qui pourrait bouleverser notre idée des étoiles à neutrons, des objets parmi les plus denses et les plus extrêmes de l’univers.
Image d’entête : représentation artistique d’un magnétar à très longue période, un type d’étoile rare doté de champs magnétiques extrêmement puissants et capable de produire de puissantes rafales d’énergie. (ICRAR)
L’objet découvert est un type d’étoile à neutrons connu sous le nom de magnétar. Ce qui rend ce vestige stellaire si extraordinaire, c’est que, alors que ses frères et sœurs émettent de l’énergie à des intervalles allant de quelques secondes à quelques minutes, cette étoile à neutrons a un emploi du temps plus tranquille, émettant des ondes radio à des intervalles de 22 minutes.
Représentation d’un magnétar, des étoiles à neutrons dotées de champs magnétiques extrêmement puissants. (NASA)
Les résultats obtenus par des astronomes de l’université Curtin d’Australie occidentale, nœud du Centre international de recherche en radioastronomie (ICRAR) et publiés cette semaine (lien plus bas) expliquent en détail comment GPM J1839-10, un objet stellaire situé à 15 000 années-lumière dans la constellation de l’Écu, enfreint les règles connues concernant les corps astronomiques.
Cette image montre une vue de la Voie lactée à partir du Murchison Widefield Array, avec les fréquences les plus basses en rouge, les fréquences moyennes en vert et les fréquences les plus élevées en bleu. L’icône de l’étoile indique la position de GPM J1839-10. (Dr Natasha Hurley-Walker (ICRAR/Curtin) et l’équipe GLEAM)
Le magnétar a d’abord été détecté par le radiotélescope Murchison Widefield Array (MWA/ Australie) en 2022, et d’autres installations dans le monde entier se sont jointes à lui pour confirmer la découverte et étudier l’objet, comme le MeerKAT, le Gran Telescopio Canarias, le Giant Metrewave Radio Telescope, l’Australian Square Kilometre Array Pathfinder, l’Australia Telescope Compact Array, l’Observatoire de Parkes, le Very Large Array et le XMM-Newton.
(International Centre for Radio Astronomy Research)
Comme les magnétars, GPM J1839-10 émet des champs magnétiques extrêmement puissants qui produisent de puissantes bouffées d’énergie pouvant être détectées sur Terre sous forme d’ondes radio. Mais, contrairement aux magnétars connus, qui sont eux-mêmes rares, cette étoile ne produit pas de sursauts toutes les quelques secondes ou minutes, mais à 22 minutes d’intervalle.
Comme toutes les étoiles à neutrons, les magnétars comme GPM J1839-10 sont créés lorsque des étoiles massives atteignent la fin de leur vie. Lorsqu’elles épuisent le combustible nécessaire à la fusion nucléaire, les étoiles ne peuvent plus s’équilibrer contre la force intérieure de leur propre gravité. Leur cœur s’effondre alors et les couches externes de ces étoiles se détachent lors d’explosions massives en supernova. L’effondrement provoque l’écrasement du noyau stellaire d’une masse proche de celle du soleil, dont la largeur ne dépasse pas un diamètre d’environ 19 kilomètres, soit à peu près la taille d’une ville sur Terre.
Il en résulte un vestige stellaire dont la matière est si dense que, si l’on en ramenait une cuillère à soupe sur Terre, elle pèserait un milliard de tonnes. La réduction rapide du diamètre entraîne une augmentation de la vitesse de rotation de l’étoile à neutrons qui vient de naître, la faisant tourner jusqu’à 700 fois par seconde. Tout cela est enveloppé dans des champs magnétiques les plus puissants de l’univers, 10 000 milliards de fois plus puissants que la magnétosphère de la Terre. Il n’est donc pas étonnant que les étoiles à neutrons et les magnétars soient considérés comme une curiosité astronomique.
Les étoiles à neutrons tournent généralement rapidement sur elles-mêmes et elles émettent de fortes ondes radio en raison de leurs puissants champs magnétiques. Toutefois, en vieillissant, ces champs magnétiques s’affaiblissent et les étoiles ralentissent, atteignant un seuil appelé « death line« , au-delà duquel elles ne devraient plus produire d’émissions à haute énergie.
GPM J1839-10 semble être un magnétar plus ancien, tournant lentement et censé se situer en dessous de la death line, ce qui suggère qu’il ne devrait pas émettre d’ondes radio. Cependant, les chercheurs ont observé que l’objet émettait toutes les 22 minutes une impulsion d’énergie de longueur d’onde radio de 5 minutes, un phénomène qui dure depuis au moins 33 ans. Cette découverte défie les connaissances actuelles sur les magnétars et soulève la possibilité que GPM J1839-10 représente une classe entièrement nouvelle de restes stellaires.
La découverte de GPM J1839-10 n’est pas un cas isolé, puisqu’un autre magnétar lent avait déjà été repéré par un étudiant en recherche de l’université Curtin. Intrigués par ces découvertes inattendues, les scientifiques ont mené d’autres observations à l’aide de plusieurs radiotélescopes, confirmant l’existence de GPM J1839-10 et trouvant des données historiques remontant à 1988 provenant d’autres télescopes.
L’équipe poursuivra ses recherches sur cet objet énigmatique afin de percer ses secrets et espère trouver d’autres exemples de magnétars lents afin de faire la lumière sur ces mystérieux corps célestes sortant de l’ordinaire. L’existence de tels objets remet en question les théories actuelles et ouvre de nouvelles voies pour comprendre les complexités des étoiles à neutrons et de leurs champs magnétiques.
L’étude publiée dans Nature : A long-period radio transient active for three decades et présentée sur le site de l’International Centre for Radio Astronomy Research (ICRAR) de l’Université Curtin : Hiding in plain sight, astronomers find new type of stellar object.