La lune de Saturne, Encelade, a vraiment tous les ingrédients nécessaire à la vie
La vie telle que nous la connaissons ne peut exister sans eau. Mais nous savons déjà qu’il y a de l’eau sous la surface d’Encelade, c’est pourquoi les astronomes cherchent à en savoir plus. Aujourd’hui, grâce aux données recueillies par la mission Cassini, des astronomes confirment une précédente étude sur l’existence de phosphore (un élément chimique essentiel à la vie) dans les grains de glace riches en sel éjectés dans l’espace par Encelade.
Image d’entête : Encelade photographiée par la sonde Cassini. (NASA/JPL-Caltech/SSI)
Toute forme de vie sur Terre contient six éléments essentiels : le carbone, l’hydrogène, l’azote, l’oxygène, le phosphore et le soufre. Encelade semble contenir tous ces éléments, ce qui est très surprenant. C’est la sixième plus grande lune de Saturne et, au départ, les astronomes n’y ont pas prêté beaucoup d’attention. Pourquoi l’auraient-ils fait ? Après tout, ce n’est qu’une lune gelée, loin de la chaleur du Soleil. Mais cette lune gelée est bien plus qu’il n’y paraît.
Près de son pôle sud, Encelade possède d’impressionnants volcans. Mais contrairement aux volcans terrestres, ceux d’Encelade ne crachent pas de la lave, mais de l’eau. Ils sont appelés « cryovolcans » ou volcans gelés, car leur surface est faite de glace. Cela laisse supposer qu’Encelade contient de l’eau liquide sous sa surface gelée.
Un portrait d’Encelade et ses geysers (partie haute), par la sonde Cassini. (NASA)
Récemment, des astronomes ont également trouvé des signes clairs de molécules essentielles apparaissant en même temps que l’eau. Les panaches de vapeur d’eau qui jaillissent du pôle sud d’Encelade laissent entrevoir un environnement susceptible d’abriter la vie telle que nous la connaissons. Ces panaches contiennent des molécules organiques complexes, les « éléments constitutifs » de la vie, ce qui renforce l’importance astrobiologique de cette lune lointaine.
Ce graphique illustre comment les scientifiques de la mission Cassini pensent que l’eau interagit avec la roche au fond de l’océan de la lune glacée de Saturne, Encelade, produisant de l’hydrogène gazeux. (NASA / JPL-Caltech / Southwest Research Institute)
Cette semaine, des chercheurs de la NASA ont confirmé l’existence de phosphore sur Encelade, ce qui n’est pas rien.
Lorsque vous étiez enfant, on vous a peut-être dit que le phosphore était bon pour les os. Le phosphore est présent dans les os de tous les mammifères, mais ce n’est pas tout. Il est également un élément constitutif de l’ADN et joue un rôle clé dans les membranes cellulaires. Sans phosphore, la vie telle que nous la connaissons ne peut exister.
Au cours de sa mission, de 2004 à 2017, la sonde Cassini a traversé à de nombreuses reprises des panaches provenant d’Encelade. C’est à cette occasion que les chercheurs ont découvert qu’ils contenaient les ingrédients nécessaires à la fabrication d’acides aminés, voire à l’apparition de la vie. Mais jusqu’à présent, le phosphore n’avait pas été découvert.
Selon Frank Postberg, planétologue à l’université libre de Berlin (Allemagne), qui a dirigé la nouvelle étude :
Nous avions déjà constaté que l’océan d’Encelade était riche en divers composés organiques. Mais aujourd’hui, ce nouveau résultat révèle la signature chimique claire de quantités substantielles de sels de phosphore à l’intérieur de particules glacées éjectées dans l’espace par le panache de la petite lune. C’est la première fois que cet élément essentiel est découvert dans un océan au-delà de la Terre.
La situation est encore plus séduisante. Les précédentes analyses ont montré que la glace d’Encelade contient du sodium, du potassium, du chlore et du carbonate. Si l’eau souterraine contient également ces éléments (et du phosphore), cela laisse présager un environnement chimique propice à la vie.
Selon le co-chercheur Christopher Glein, planétologue et géochimiste au Southwest Research Institute à San Antonio, au Texas :
Les fortes concentrations de phosphate résultent des interactions entre l’eau liquide riche en carbonate et les minéraux rocheux au fond de l’océan d’Encelade et peuvent également se produire sur un certain nombre d’autres mondes océaniques. Cet ingrédient clé pourrait être suffisamment abondant pour permettre la vie dans l’océan d’Encelade. Il s’agit d’une découverte stupéfiante pour l’astrobiologie.
Cependant, si tout cela laisse entrevoir l’habitabilité potentielle d’Encelade, rien ne permet de dire si la vie y existe vraiment. Ou même si elle peut exister.
Glein précise :
Les ingrédients sont nécessaires, mais ils peuvent ne pas être suffisants pour qu’un environnement extraterrestre puisse accueillir la vie. La question de savoir si la vie a pu naître dans l’océan d’Encelade reste ouverte.
Quoi qu’il en soit, il s’agit là d’une nouvelle passionnante, non seulement pour Encelade, mais aussi pour d’autres lunes gelées de notre système solaire. De plus en plus, les astronomes et les astrobiologistes s’intéressent à des endroits tels qu’Europe ou Ganymède, qu’ils considèrent comme des foyers potentiels de vie. Ces lunes sont éloignées du Soleil et leur surface est gelée, mais elles contiennent de l’eau liquide sous la glace. Cette eau est maintenue à l’état liquide par la pression exercée par leur planète hôte, qui génère des frottements et de la chaleur.
Grâce à l’eau et à des éléments chimiques déterminants, les corps célestes longtemps considérés comme hostiles et stériles révèlent progressivement leurs potentiels. Encelade, Europe, Ganymède et peut-être bien d’autres pourraient fournir des indices sur les origines de la vie au-delà de notre monde. La découverte du phosphore n’est qu’une étape supplémentaire dans ce voyage de découverte. Il ne s’agit pas simplement de l’existence d’un ingrédient, mais de la reconnaissance d’un environnement dans lequel les éléments fondamentaux de la vie interagissent.
Selon Linda Spilker, responsable du projet Cassini au Jet Propulsion Laboratory de la NASA, qui n’a pas participé à l’étude :
Cette dernière découverte de phosphore dans l’océan souterrain d’Encelade a ouvert la voie à l’étude du potentiel d’habitabilité des autres mondes océaniques glacés du système solaire. Maintenant que nous savons que de nombreux ingrédients nécessaires à la vie existent, la question se pose : Y a-t-il de la vie au-delà de la Terre, peut-être dans notre propre système solaire ? Je pense que l’héritage durable de Cassini inspirera les futures missions qui pourraient, à terme, répondre à cette question.
L’étude publiée dans Nature : Detection of phosphates originating from Enceladus’s ocean et présentée sur le site de l’université libre de Berlin ; New Study Proves Existence of Key Element for Life in the Outer Solar System et de l’université de Washington : Phosphate, a key building block of life, found on Saturn’s moon Enceladus.