Selon une surprenante étude, d’anciens cousins des humains, dotés de petits cerveaux, auraient enterré leurs morts
Des scientifiques ont découvert des preuves de ce qui pourrait être la plus ancienne sépulture humaine connue au monde. L’équipe affirme que plusieurs restes d’Homo naledi, datant d’environ 300 000 ans, présentent des signes d’enterrement voulu dans une chambre délibérément marquée de symboles, suggérant ainsi des pratiques funéraires complexes. Mais d’autres scientifiques n’en sont pas si sûrs.
Image d’entête : reconstruction de la tête d’un Homo naledi par l’artiste paléotique John Gurche, qui a passé environ 700 heures dessus. (Mark Thiessen / National Geographic)
Ci-dessous : une autre reconstruction faciale de l’Homo naledi, réalisée avec la technique de déformation anatomique cohérente. (Cicero Moraes (Arc-Team) et col./ Wikimedia)
En 2013, une équipe de scientifiques a découvert des fossiles dans un réseau de grottes en Afrique du Sud : les restes d’une quinzaine d’individus appartenant à une espèce humaine totalement inconnue. Baptisé Homo naledi, l’hominidé présentait une combinaison étonnante de caractéristiques modernes et archaïques, ce qui le rendait difficile à situer dans l’arbre de l’évolution.
Les restes fossiles d’un Homo naledi. (Robert Clark/ National Geographic)
À présent, l’équipe à l’origine de la découverte initiale fait de nouvelles affirmations audacieuses sur l’espèce et le site. Des dépressions dans des chambres profondes de la grotte contenaient les corps de plusieurs adultes et de jeunes enfants Homo naledi qui semblent avoir été intentionnellement enterrés après leur mort.
Les chercheurs citent plusieurs détails qui les ont amenés à cette conclusion. Tout d’abord, la profondeur de la grotte suggère à elle seule un enterrement délibéré. Les corps ont été retrouvés en position fœtale, l’un d’entre eux tenant un outil en pierre. De plus, les dépressions semblaient présenter des lignes « coupées » sur leur pourtour, ce qui suggère que le trou a été creusé artificiellement puis comblé, plutôt que de constituer une dépression naturelle.
Les preuves suggèrent que le bord des fosses est délimité avec le corps placé en position recroquevillée au milieu. (Berger et col./ BioRxiv)
Les implications de cette découverte sont considérables. D’une part, elle précède de plus de 100 000 ans les premières sépultures connues d’Homo sapiens et, d’autre part, elle suggère un comportement beaucoup plus complexe que ce que l’on pensait pour l’Homo naledi, compte tenu de la taille beaucoup plus réduite de son cerveau.
Crâne de l’Homo naledi. (Luca Sola/ AFP)
Selon le professeur Chris Stringer, spécialiste de l’évolution humaine au Musée d’histoire naturelle de Londres :
Si l’on accorde à l’Homo naledi le comportement spécialisé des enterrements, ce n’est pas quelque chose qu’un seul individu pourrait faire. Il aurait fallu qu’ils soient un groupe à descendre, à traîner ces corps avec eux et à les enterrer. Ils auraient dû apporter quelque chose pour creuser les trous. Quelqu’un fabrique des torches et les maintient allumées pendant le temps qu’ils passent en bas. Il s’agit vraiment d’un comportement complexe et planifié. Ensuite, on se demande si une créature dépourvue de langage peut faire cela, et c’est une autre question à résoudre.
Fait encore plus frappant, les murs de la chambre étaient marqués par des sculptures qui semblaient véhiculer un sens. Il s’agissait notamment de formes géométriques telles que des triangles, des carrés et des hachures, qui, si elles avaient été réalisées par l’Homo naledi, auraient pu faire partie de rituels funéraires. Des traces de feu ont également été trouvées, ce qui aurait été nécessaire pour s’aventurer aussi profondément dans les grottes.
Les gravures trouvées dans la paroi de la grotte près du site funéraire montrent des formes géométriques qui suggèrent une signification. (Berger et col./ BioRxiv)
Le problème, c’est qu’il a été difficile jusqu’à présent de dater avec précision les gravures ou le feu, de sorte qu’il est tout à fait possible qu’elles aient été réalisées par d’autres hominidés qui se sont aventurés dans la grotte, peut-être des dizaines de milliers d’années plus tard. La taille du cerveau de l’Homo naledi est également un sujet de discorde pour certains scientifiques.
Toujours selon Stringer :
Avoir un comportement aussi complexe avec un cerveau de la taille d’un singe est un véritable défi. Pour moi, la taille du cerveau est une question et un problème essentiels dans tout cela. Les cerveaux sont énergétiquement très coûteux. L’hypothèse est que, en gros, l’augmentation de la taille du cerveau suit l’augmentation de la complexité comportementale, en particulier chez les Néandertaliens et chez nous. Donc, si l’H. naledi pouvait faire tout cela avec un cerveau deux fois plus petit, pourquoi n’y parvenons-nous pas ? À quoi sert toute notre puissance cérébrale supplémentaire si H. naledi est capable de faire tout cela avec un cerveau de la taille d’un singe ?
D’autres scientifiques ont également fait preuve de retenue dans leurs conclusions.
Pour Paul Pettitt, de l’université de Durham :
Il s’agit d’une tentative admirable de démontrer que les cadavres d’au moins deux individus ont été délibérément enterrés dans des fosses peu profondes, et on ne peut certainement pas exclure cette hypothèse. Je ne suis pas convaincu que l’équipe ait démontré qu’il s’agissait d’un enterrement délibéré. Marchons avant de courir.
Le fait que cette étude n’ait pas encore fait l’objet d’un examen par les pairs et que le chercheur principal fasse la promotion d’un livre à paraître et d’une émission spéciale sur Netflix, incite à un peu plus de retenue. D’autres recherches devront être menées dans le réseau de grottes pour trouver d’autres preuves.
L’étude disponible en prépublication dans BioRxiv (PDF) : Evidence for deliberate burial of the dead by Homo naledi et présentée sur le site du Natural History Museum : Claims that Homo naledi buried their dead could alter our understanding of human evolution.