Découverte d’une rare paire de quasars sur le point de fusionner en une nouvelle galaxie
Une équipe d’astronomes a découvert une paire de quasars, nichés dans deux galaxies en collision, qui remontent à l’enfance de l’univers, trois milliards d’années seulement après le Big Bang. Les quasars étaient si proches qu’ils se trouvaient à une distance inférieure à celle qui sépare deux galaxies.
Image d’entête : représentation artistique présentant l’éclat brillant de deux quasars situés au cœur de deux galaxies qui sont en train de fusionner de façon chaotique. La lutte gravitationnelle entre les deux galaxies déclenche une explosion de naissance d’étoiles. (NASA/ ESA/ Joseph Olmsted du STScI)
Les quasars sont alimentés par des trous noirs supermassifs qui consomment du gaz, de la poussière et tout ce qui se trouve à leur portée gravitationnelle, en émettant une quantité considérable d’énergie au passage. En fusionnant, ces trous noirs forment des trous noirs supermassifs encore plus grands qui se trouvent au centre des galaxies.
L’observatoire spatial Gaia de l’Agence spatiale européenne fut le premier à détecter des quasars binaires, et d’autres preuves ont été recueillies grâce à la puissance combinée de plusieurs observatoires, notamment le télescope spatial Hubble de la NASA, l’observatoire W.M. Keck, l’observatoire Gemini, le Karl G. Jansky Very Large Array et l’observatoire de rayons X Chandra de la NASA.
Cette découverte est particulièrement intéressante, car les quasars doubles sont extrêmement rares à ce stade précoce de l’évolution de l’univers. En comprenant la population des trous noirs précurseurs, cette découverte peut fournir de précieuses informations sur l’émergence des trous noirs supermassifs et sur la fréquence de leurs fusions.
Selon Yu-Ching Chen, étudiant diplômé de l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign (États-Unis), auteur principal de cette étude (lien plus bas) :
Nous ne voyons pas beaucoup de quasars doubles à ce stade précoce. C’est pourquoi cette découverte est si passionnante. La connaissance de la population de trous noirs progéniteurs nous renseignera sur l’émergence des trous noirs supermassifs dans l’Univers primitif et sur la fréquence de ces fusions.
L’émergence de quasars binaires proches est un domaine de recherche relativement nouveau, rendu possible par les derniers et puissants observatoires qui permettent aux astronomes d’identifier la coexistence simultanée de deux quasars, suffisamment proches pour finir par fusionner et créer de nouvelles galaxies beaucoup plus grandes.
Les chercheurs ont utilisé une nouvelle technique faisant appel à l’observatoire Gaia pour localiser les quasars binaires potentiels. Gaia mesure la position, la distance et le mouvement précis des objets célestes proches, mais cette technique lui a permis d’explorer l’univers lointain. La base de données colossale de Gaia permet de rechercher des quasars qui semblent imiter le mouvement d’étoiles proches.
Une photo prise par le télescope spatial Hubble d’une paire de quasars qui existaient lorsque l’univers n’avait que 3 milliards d’années. (NASA/ ESA/ Yu-Ching Chen/ Hsiang-Chih Hwang/ Nadia Zakamska/ Yue Shen)
Bien que les quasars apparaissent comme des objets isolés dans les données de Gaia, ils sont si proches qu’ils créent une « agitation » subtile et inattendue qui imite un déplacement de la position des quasars. Toutefois, cette oscillation peut être le signe de fluctuations aléatoires de la lumière, car la luminosité de chaque membre de la paire de quasars varie sur une échelle de temps allant de quelques jours à quelques mois, en fonction du programme d’alimentation de leur trou noir.
Une des difficultés majeures dans la détection des quasars binaires réside dans le fait que la gravité courbe l’espace, un peu comme un miroir déformant. Par conséquent, une galaxie au premier plan pourrait diviser l’image d’un quasar lointain en deux, créant ainsi l’illusion qu’il s’agit d’une paire binaire. Pour écarter cette possibilité, le télescope Keck a été utilisé pour s’assurer qu’il n’y avait pas de galaxies faisant office de lentille gravitationnelle entre nous et le double quasar suspecté.
Le futur télescope spatial Nancy Grace Roman de la NASA, doté de la même acuité visuelle que le télescope Hubble, est idéal pour la chasse aux quasars binaires. Alors que Hubble a été utilisé pour collecter des données sur des cibles individuelles, la vue infrarouge grand-angle de Roman sur l’univers est 200 fois plus grande que celle de Hubble.
Selon Xin Liu, professeur d’astronomie à l’université de l’Illinois :
Nous commençons à découvrir la partie émergée de l’iceberg de la population des premiers quasars binaires. C’est la particularité de cette étude. Elle nous apprend que cette population existe et nous disposons désormais d’une méthode pour identifier les quasars doubles séparés par une distance inférieure à la taille d’une seule galaxie.
L’étude publiée dans Nature : A close quasar pair in a disk–disk galaxy merger at z = 2.17 et présentée sur le site de l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign : Hubble unexpectedly finds double quasar in distant universe.