Les abeilles mellifères fournissent un aperçu du paysage et de la santé des villes
Des chercheurs ont fait appel à un nouveau type d’auxiliaire pour surveiller le microbiome des villes du monde entier : l’abeille mellifère. Une analyse publiée récemment montre que les déchets qui s’accumulent au fond de leurs ruches révèlent beaucoup de choses sur ce qui se passe dans leur environnement urbain.
À l’instar de nos intestins, les villes possèdent elles aussi un microbiome, composé de divers types de micro-organismes qui se développent dans l’environnement. Et, tout comme l’analyse du microbiome de nos intestins peut révéler des détails importants sur notre état physique, l’analyse de celui d’une ville peut révéler des données sur le type de champignons, de bactéries et d’autres petites formes de vie qui cohabitent avec les habitants de la ville.
S’il est possible de faire appel à des chercheurs humains pour collecter des données sur le microbiome d’une ville, ce type de recherche sur le terrain peut s’avérer coûteux, laborieux et chronophage. Des chercheurs de l’université de New York, du MIT, du Pratt Institute et de la Weill Cornell Medicine ont donc décidé de faire appel à un insecte qui passe déjà ses journées à sillonner les villes du monde entier : l’abeille domestique.
Comme les abeilles mellifères peuvent butiner dans un rayon de 3 km autour de leur ruche chaque jour, les chercheurs ont estimé qu’elles pouvaient être d’excellents substituts aux chercheurs humains sur le terrain. Lorsque les abeilles reviennent de leur journée de travail dans les rues de la ville, elles déposent des microdébris au fond de la ruche. En analysant ces débris, les chercheurs ont découvert quelques détails intéressants.
Dans le cadre d’une étude pilote portant sur trois ruches installées sur des toits dans le quartier de Brooklyn, à New York, les chercheurs ont prélevé des échantillons de ruche et examiné le miel, les corps d’abeilles et les débris de la ruche afin de déterminer lesquels fourniraient la source de données la plus riche. Les débris ayant fourni l’ensemble de données le plus riche, l’étape suivante consistait à les analyser à partir de ruches situées dans le monde entier.
L’équipe a constaté que les débris de ruches présentaient des signatures génétiques différentes dans chacune des villes étudiées. À Sydney, par exemple, les échantillons contenaient du matériel génétique provenant de bactéries dégradant le caoutchouc, tandis que Melbourne était un peu plus verte, avec une quantité importante de matériel génétique provenant d’eucalyptus apparaissant au fond des ruches. Une analyse des ruches de Venise a révélé que l’ADN de champignons associés à la pourriture du bois et aux palmiers dattiers dominait les déchets.
L’analyse des ruches de Tokyo a non seulement permis de trouver l’ADN de la levure utilisée pour fermenter la sauce soja, mais elle a également révélé la présence de Rickettsia felis, un agent pathogène transmis à l’humain par les chats, à l’origine d’une maladie connue sous le nom de maladie des griffes du chat. Cette découverte a conduit l’équipe à penser que l’utilisation des abeilles pour surveiller les environnements urbains pourrait être un moyen prometteur de suivre la propagation des maladies humaines, bien qu’elle précise que les résultats actuels sont trop préliminaires pour tirer une conclusion définitive à ce sujet.
Selon Elizabeth Hénaff, de l’Université de New York, et auteure principale de l’étude :
Ce qui nous a le plus surpris, c’est que les abeilles recueillent des informations microbiennes non seulement à partir des plantes avec lesquelles elles sont en contact, mais aussi à partir des nuages microbiens qu’elles traversent et qui sont liés à d’autres environnements ou organismes. Cette étude a des implications pour comprendre comment concevoir notre environnement bâti pour accueillir des villes multi-espèces.
L’analyse complémentaire des débris de ruches a également fourni des informations sur les microbes susceptibles d’affecter la santé des abeilles. Dans certaines ruches, les scientifiques ont trouvé plusieurs micro-organismes dont la présence indique que la ruche est en bonne santé, mais dans d’autres, ils ont trouvé des agents pathogènes qui indiquent le contraire, ce qui montre que l’analyse des déchets des abeilles pourrait être un bon moyen d’évaluer l’état des ruches.
L’étude publiée dans Environmental Microbiome : Holobiont Urbanism: sampling urban beehives reveals cities’ metagenomes et présentée sur le site de l’Université de New York : Honeybee hives may reveal the microbial signatures of urban aerobiomes, researchers at NYU Tandon find.