Des guêpes mâles utilisent leurs organes génitaux à pointes pour se défendre contre les prédateurs
Une espèce de guêpe vivant au Japon semble avoir développé une méthode peu conventionnelle pour se protéger des attaques.
Des chercheurs ont observé le mâle de l’espèce de guêpe maçonne Anterhynchium gibbifrons utiliser les pointes qui flanquent le pénis comme une arme, avec une efficacité variable, contre des grenouilles affamées qui pensent que l’insecte pourrait faire un savoureux encas.
Image d’entête : une grenouille D. japonica recrache une guêpe mâle A. gibbifrons après avoir été piquée par les aiguillons de ses organes génitaux. (Shinji Sugiura)
Selon les écologistes Shinji Sugiura et Misaki Tsujii de l’Université de Kobe au Japon :
Cette étude met en évidence l’importance des organes génitaux mâles comme moyen de défense contre les prédateurs et offre une nouvelle perspective pour comprendre les rôles écologiques des organes génitaux mâles chez les animaux.
Certains insectes de l’ordre des hyménoptères, guêpes et abeilles, peuvent délivrer des piqûres venimeuses comme mécanisme d’attaque ou de défense contre des proies et des prédateurs. Cependant, seules les femelles de ces espèces ont un aiguillon venimeux. Lorsque vous êtes piqué par une guêpe femelle, elle vous pique avec son ovipositeur, qui peut délivrer du venin ou des œufs selon la situation.
On pense que les guêpes mâles sont inoffensives, et dans certains cas, c’est vrai : elles n’ont pas l’appareil nécessaire pour délivrer une piqûre. Mais en étudiant l’A. gibbifrons, une espèce découverte en 2015, Sugiura et Tsuji ont remarqué quelque chose d’étrange. Lorsqu’ils ont manipulé un mâle de l’espèce, celui-ci a infligé à Tsuji une piqûre assez douloureuse à l’aide de pointes dépassant près du pénis de l’insecte. Ce genre de pointes sont observées chez certaines espèces de guêpes et sont connues sous le nom de « pseudo-dard » (pseudo-stinger). Intrigués après en avoir fait l’expérience, les chercheurs ont décidé d’étudier sa fonction en détail.
Le pseudo-dard qui borde l’organe reproducteur d’une A. gibbifrons mâle. (Shinji Sugiura)
Chez certains insectes, les crochets et les barbes peuvent empêcher la femelle de s’éloigner pendant l’accouplement. Cependant, en laboratoire, le pseudo-dard de l’A. gibbifrons n’a joué aucun rôle dans la procédure amoureuse.
L’étape suivante consistait à vérifier si les guêpes utilisaient couramment cet équipement à des fins défensives. Des grenouilles d’étang de l’espèce Pelophylax nigromaculatus et des grenouilles arboricoles de l’espèce Dryophytes japonicus ont été recrutées, et Sugiura et Tsuji ont entrepris d’observer comment les amphibiens et les insectes interagissaient dans diverses conditions.
Dix-sept grenouilles arboricoles ont reçu chacune une guêpe mâle. Toutes les grenouilles arboricoles ont ouvert la bouche pour manger les guêpes, qui se sont défendues à l’aide de leurs mandibules et de leurs pseudo-dard. Finalement, 35,3 % des grenouilles ont abandonné et la guêpe s’est échappée.
Vidéo tirée des essais réalisés en laboratoire dans le cadre de cette étude. (Sugiura S, Tsujii M)
À titre de contrôle, 17 grenouilles arboricoles différentes ont reçu une guêpe mâle dont les organes génitaux avaient été retirés. Ces 17 guêpes ont toutes été dévorées sans difficulté. Dix-sept autres grenouilles arboricoles ont été pourvues de guêpes femelles. Seulement 47,1 % de ces grenouilles ont fait un geste pour manger les guêpes femelles, et la plupart d’entre elles ont abandonné après avoir été attaquées. Les grenouilles d’étang, par contre, s’en fichaient complètement. Elles ont mangé toutes les guêpes dans toutes les conditions. Il semble que les grenouilles d’étang se moquent des dards et des pseudo-dards.
Cependant, le fait que les guêpes mâles aient réussi à se libérer des grenouilles arboricoles un pourcentage significatif du temps suggère que leurs pseudo-dards constituent effectivement une défense importante pour certaines espèces de guêpes mâles.
Les chercheurs écrivent dans leur étude :
Bien que l’on pense que les guêpes mâles imitent la morphologie et le comportement des guêpes femelles qui piquent, nous avons démontré que les épines génitales des A. gibbifrons mâles peuvent fonctionner pour contre-attaquer les prédateurs.
Les rôles défensifs des organes génitaux mâles comme dispositifs de contre-attaque se retrouveront chez de nombreuses espèces de guêpes, dont les mâles possèdent des pseudo-épines dans leurs organes génitaux.
L’étude publiée dans Current Biology : Male wasp genitalia as an anti-predator defense.