Le plus ancien os de chien qui redéfinit la chronologie de la domestication canine
Des scientifiques viennent de dater à 17 000 ans un ancien os de chien découvert dans une grotte du nord de l’Espagne. Il s’agit des plus anciens restes de chien découverts jusqu’à présent en Europe, ce qui a d’importantes conséquences sur l’histoire des origines du meilleur ami de l’humain.
Image d’entête : le plus ancien os (humérus) de chien découvert dans une grotte en Espagne et décrit dans cette nouvelle étude. (Zestoa, Gipuzkoa/ UPV/EHU)
Les chiens (Canis lupus familiaris) sont présents parmi les humains depuis très longtemps. C’est en fait la première espèce que nous avons domestiquée, il y a environ 15 000 à 20 000 ans, bien avant que nous apprenions à apprivoiser et à élever des bovins, des moutons, des poulets ou des cochons d’Inde… Mais malgré le lien fort qui unit l’humain et le chien, la domestication canine est entourée d’un nombre surprenant de mystères.
Contrairement aux idées reçues, les chiens ne sont pas les descendants directs des loups gris (Canis lupus) qui subsistent aujourd’hui dans l’hémisphère nord, mais descendent plutôt d’un loup inconnu et éteint. Quand et où exactement les chiens ont été domestiqués sont autant de questions encore non résolues. Et personne ne sait exactement comment les deux espèces ont commencé leur relation, car les loups sont très indépendants et peuvent être assez agressifs. L’hypothèse la plus répandue est que certains loups amicaux de l’ère glaciaire se sont habitués à des humains qui leur donnaient des restes ou les laissaient fouiller dans les poubelles. Au fil du temps, ces individus plus dociles ont été sélectionnés, donnant naissance à des individus de moins en moins agressifs qui se déplaçaient avec les communautés de chasseurs-cueilleurs.
Auparavant, des études sur l’ADN canin ont permis de situer l’origine géographique de la domestication des chiens dans des lieux très différents, de la Chine au Moyen-Orient. Cependant, les restes incontestables des plus anciens chiens ont été trouvés en Eurasie, le plus vieux étant identifié à l’abri Morin, en France, datant d’environ 15 000 ans, associé au Magdalénien, l’une des plus anciennes cultures du Paléolithique supérieur.
Toutefois, outre les restes de chiens, les paléontologues ont également découvert des restes beaucoup plus anciens de loups ressemblant à des chiens, dont certains remontent à 40 000 ans. Ces “proto-chiens”, qui n’étaient ni des loups ni des chiens, semblent représenté une étape intermédiaire dans la domestication canine, bien que cela soit discuté, certains chercheurs proposant que ces anciens canidés aient pu n’être qu’un autre écotype (sous-espèce) de loups au Paléolithique supérieur plutôt que le résultat d’une tentative précoce de domestication.
Un ancien os d’humérus fissuré, découvert pour la première fois en 1977 dans la grotte d’Erralla, au Pays basque espagnol, complique encore l’histoire de la domestication des canidés, en apportant des réponses partielles à d’anciennes questions tout en suscitant de nouveaux mystères.
A partir de l’étude : L’os du chien de la grotte d’Eralla sous différents angles. (Hervella et col./ Journal of Archaeological Science – Reports)
Au départ, les chercheurs n’ont pas pu déterminer si l’os appartenait à un chien ou à un dhole (un chien sauvage asiatique apparenté aux chiens et aux renards). Récemment, une équipe de généticiens et d’anthropologues de l’Université du Pays basque en Espagne a utilisé une combinaison de datation au radiocarbone et d’analyses génétiques et morphologiques qui ont confirmé l’identification de ce spécimen comme étant le Canis lupus familiaris, le chien domestique.
La datation de l’os par le carbone 14 et la spectrométrie de masse par accélérateur montre que les restes datent de 17 000 à 17 500 ans, ce qui situe le chien d’Erralla dans la période magdalénienne et en fait peut-être les plus anciens restes de chien jamais découverts en Europe ou même ailleurs.
Les minutieuses analyses de la forme de l’os suggèrent que le chien d’Erralla n’est ni un loup ni un « chien », mais plutôt un chien domestiqué qui n’est pas si différent des animaux de compagnie actuels. Parallèlement, l’analyse génétique montre que le chien d’Erralla partageait la même lignée mitochondriale que d’autres chiens magdaléniens trouvés en France ou en Espagne. Sur la base de ces informations mitochondriales, en remontant l’horloge moléculaire, on peut supposer que les chiens sont apparus il y a environ 22 000 ans, au plus fort de la dernière période glaciaire. Cela signifie que des restes de chiens beaucoup plus anciens attendent d’être découverts.
Au cours du dernier maximum glaciaire, une grande partie de l’Eurasie était recouverte de couches de glace et des calottes glaciaires recouvraient les Alpes et les Pyrénées. Mais alors que cet hiver sans fin s’étendait sur une grande partie de l’Europe du Nord, la péninsule ibérique, avec son climat plus chaud, bien que relativement glacial, a servi de refuge à de nombreuses espèces d’oiseaux et d’animaux qui s’étaient éteints ailleurs, ainsi qu’à des chasseurs-cueilleurs comme ceux de la culture magdalénienne. Et cela incluait aussi leurs nouveaux compagnons : les chiens de l’ère glaciaire.
Selon les chercheurs dans leur étude :
En conclusion, les données analysées à ce jour indiquent que, durant le Magdalénien, le chien domestique faisait partie des groupes de chasseurs-cueilleurs d’Europe occidentale. Le chien d’Erralla (17 410-17 096 cal. BP) est l’un des plus anciens spécimens identifiés comme Canis lupus familiaris, et il partage l’haplogroupe mitochondrial C avec les chiens magdaléniens analysés à ce jour. Ces résultats prouvent que cet haplogroupe existait en Europe au moins depuis le Magdalénien inférieur, pendant le Dryas, et nous amènent à envisager une possible domestication du loup plus ancienne que ce qui a été proposé jusqu’à présent, au moins en Europe occidentale.
L’étude publiée dans le Journal of Archaeological Science – Reports : The domestic dog that lived ∼17,000 years ago in the Lower Magdalenian of Erralla site (Basque Country): A radiometric and genetic analysis et présentée sur le site de l’Université du Pays basque : One of Europe’s most ancient domestic dogs lived in the Basque Country.