Des physiciens ont créé un minuscule trou de verre en laboratoire afin de mieux les repérer dans l’Univers
Les trous de ver sont un élément essentiel de la science-fiction, et il est possible qu’ils existent dans notre véritable univers. Mais comment fonctionneraient-ils ? Des physiciens ont utilisé un processeur quantique pour simuler un trou de ver traversable et téléporter des informations entre deux systèmes quantiques.
Image d’entête : des simulations sur un ordinateur quantique montrent comment l’information peut voyager à travers un trou de ver. (inqnet/A. Mueller (Caltech))
Dans la fiction, les trous de ver sont généralement représentés comme des tunnels reliant deux points distants dans l’espace, permettant un voyage instantané à travers le cosmos. Bien qu’ils puissent sembler n’être qu’un artifice pratique, les trous de ver sont étonnamment plausibles dans la réalité. Einstein lui-même a proposé leur existence comme une caractéristique de sa théorie de la relativité générale et, depuis, les scientifiques ont étudié où et comment nous pourrions les trouver.
Mais leurs propriétés restent incomprises, plusieurs modèles contradictoires pouvant être envisagés. Cela crée un paradoxe : pour en savoir plus, nous devons observer de véritables trous de ver, mais pour les observer, nous devons savoir quoi chercher. Les simulations informatiques peuvent contribuer à briser ce dilemme, en permettant aux physiciens de tester différents modèles de trous de ver et de voir comment ils pourraient se comporter.
Dernière recherche sur le sujet, novembre 2022 :
Dans cette nouvelle étude, les scientifiques y sont parvenus pour la première fois. Ce type de simulation ne peut pas être exécuté sur n’importe quel ordinateur, il a fallu faire appel à la puissance des ordinateurs quantiques, qui puisent dans le domaine étrange de la physique quantique, les lois qui régissent l’infiniment petit, pour effectuer des calculs hors de portée des ordinateurs traditionnels.
L’équipe étudiait ainsi une corrélation intrigante entre les trous de ver et la physique quantique. L’idée d’un trou de ver qui envoie des objets à travers l’univers en un clin d’œil ressemble étrangement à la téléportation quantique, où des informations peuvent être envoyées instantanément entre deux particules intriquées (intrication quantique), quelle que soit la distance qui les sépare.
À l’aide du processeur quantique Sycamore de Google, des scientifiques du California Institute of Technology (Caltech), de l’Université Harvard, du Fermilab et Google (Etats-Unis) ont réalisé la première simulation d’un trou de ver.
Photo du processeur quantique Sycamore de Google. (Google)
La méthode utilisée était un modèle établi, appelé SYK pour modèle Sachdev–Ye–Kitaev, capable de simuler les effets de la gravité quantique. Dans ce cas, l’équipe a intriqué deux systèmes SYK simplifiés, puis elle a envoyé un bit quantique (qubit) d’information dans l’un d’eux.
Et comme de juste, l’information est sortie du second système. Cette expérience a non seulement démontré la téléportation quantique, mais comme les deux modèles SYK simulent également la gravité quantique, il s’agissait d’une simulation réaliste du fonctionnement d’un trou de ver traversable dans le monde réel.
Selon les chercheurs, à propos de l’image ci-dessous :
Représentation graphique du trou de ver traversable dans un processeur quantique. Un qubit est transmis en utilisant le même mécanisme microscopique de téléportation quantique que celui qui apparaît dans un trou de ver traversable. Le qubit est visualisé ici sous la forme d’une fonction d’onde : il possède des propriétés ondulatoires et s’étend dans l’espace-temps, ce qui représente le maculage complexe de l’information du qubit lorsqu’il traverse le trou de ver. Notre expérience a codé toutes les informations spatio-temporelles dans un circuit quantique d’un ordinateur quantique. Nous représentons donc l’espace-temps comme étant tissé à partir d’un diagramme de circuit quantique. Les boîtes et les connexions enchevêtrées entre les fils des qubits dans le diagramme de circuit montrent les portes quantiques. Certaines portes sont mises en évidence, car nous avons manipulé des portes particulières pour extraire différentes propriétés de l’espace-temps à différents moments.
(inqnet/A. Mueller/ Caltech)
On a longtemps prédit que pour qu’un trou de ver reste ouvert suffisamment longtemps pour que quelque chose puisse le traverser, il faudrait qu’il soit frappé par une explosion d’énergie négative. Dans les simulations, l’équipe a testé cette idée et a constaté que les signatures du trou de ver ne fonctionnaient que si elles étaient frappées par une impulsion d’énergie négative simulée, mais pas d’énergie positive. Selon l’équipe, cela confirme que le modèle représente plus qu’un simple événement de téléportation quantique standard.
Bien sûr, on est loin d’un véritable tunnel à travers l’espace-temps, mais l’équipe affirme que ce modèle pourrait aider les physiciens à sonder les propriétés des trous de ver du monde réel, s’ils existent. Cela pourrait améliorer nos connaissances à leur sujet, au point que nous finirions par savoir comment les rechercher dans le cosmos.
Selon Maria Spiropulu de Catltech et coauteure de l’étude :
Nous avons trouvé un système quantique qui présente les propriétés fondamentales d’un trou de ver gravitationnel tout en étant suffisamment petit pour être mis en œuvre avec le matériel quantique actuel. Ce travail constitue une étape vers un programme plus vaste visant à tester la physique de la gravité quantique à l’aide d’un ordinateur quantique. Il ne remplace pas les sondes directes de la gravité quantique de la même manière que d’autres expériences prévues qui pourraient sonder les effets de la gravité quantique à l’avenir en utilisant la détection quantique, mais il offre un banc d’essai puissant pour exercer les idées de la gravité quantique.
L’étude publiée dans Nature : Traversable wormhole dynamics on a quantum processor, présentée sur le site du California Institute of Technology : Physicists observe wormhole dynamics using a quantum computer et sur le blog de Google : Making a Traversable Wormhole with a Quantum Computer.