L’émail des dents des Néandertaliens indique qu’ils étaient peut-être carnivores
Le régime alimentaire de l’un de nos plus proches parents humains, l’homme de Neandertal (Homo neanderthalensis), continue de faire l’objet de débats scientifiques.
Certaines études du tartre dentaire des Néandertaliens, provenant de la péninsule ibérique dans le sud-ouest de l’Europe, semblent indiquer que les individus de cette région étaient de grands consommateurs de plantes, alors que d’autres recherches menées en dehors de l’Ibérie ont suggéré qu’ils se nourrissaient presque entièrement de viande.
Aujourd’hui, des chercheurs ont utilisé de nouvelles techniques d’analyse sur une molaire de Néandertal provenant du site de fouilles de Gabasa, en Espagne, et leurs conclusions suggèrent que les Néandertaliens qui vivaient là étaient carnivores.
Image d’entête : la première molaire d’un Néandertalien trouvé à Gabasa, en Espagne, analysée pour cette étude. (Lourdes Montes/ CNRS)
Pour déterminer le régime alimentaire des Néandertaliens, il fallait auparavant analyser le collagène des os et des dents au moyen d’une analyse des isotopes de l’azote. Tous les atomes d’un même élément ont le même nombre de protons, mais ils n’ont pas toujours le même nombre de neutrons. C’est ce qu’on appelle les isotopes. En étudiant les légères différences de concentration, les scientifiques peuvent obtenir des informations utiles.
Par exemple, l’analyse des concentrations d’isotopes d’azote dans un échantillon biologique peut déterminer le niveau trophique ou nutritionnel d’un organisme. En effet, les isotopes d’azote les plus lourds (avec plus de neutrons) ont tendance à s’accumuler plus haut dans la chaîne alimentaire. Mais le collagène se dégrade avec le temps, en fonction des conditions climatiques et environnementales, de sorte que cette méthode ne peut souvent être utilisée que dans des environnements tempérés et rarement sur des échantillons vieux de plus de 50 000 ans.
Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, l’analyse des isotopes de l’azote devient très complexe, voire impossible, ce qui était le cas pour la molaire analysée dans cette étude.
Les scientifiques du Centre national français de la recherche scientifique (CNRS) ont donc décidé d’analyser les rapports isotopiques du zinc présents dans l’émail des dents. L’émail dentaire est la fine couche minéralisée qui recouvre la dent et qui est beaucoup moins susceptible de se dégrader.
Le zinc possède cinq isotopes stables, mais c’est le rapport entre le 66Zn et le 64Zn (indiquant le nombre de neutrons) qui permet aux scientifiques de savoir si un animal est herbivore ou carnivore. Plus les proportions des isotopes du zinc sont faibles (plus de 64Zn par rapport à 66Zn), plus il est probable que les dents appartenaient à un carnivore.
En analysant également les os d’animaux de la même période et de la même zone géographique, comprenant des carnivores comme le lynx et le loup, et des herbivores comme le lapin et le cheval, les chercheurs ont pu montrer que ce Néandertalien était très probablement un carnivore.
Selon les chercheurs dans l’étude :
Nos résultats démontrent que l’individu néandertalien de Gabasa présente une empreinte isotopique Zn d’un carnivore de haut niveau, similaire à celle observée pour les isotopes de l’azote pour d’autres sites d’occupation néandertalienne. De tous les taxons animaux analysés à Gabasa, le spécimen néandertalien présente facilement le rapport isotopique Zn le plus bas.
Notre analyse réussie des isotopes de Zn d’une dent d’hominidé du Pléistocène ouvre la voie à une compréhension plus fine du régime alimentaire des Néandertaliens.
Pour confirmer leurs conclusions, les scientifiques espèrent répéter l’expérience sur des individus provenant d’autres sites, notamment celui de Payre, dans le sud-est de la France, où de nouvelles recherches sont en cours.
Les résultats ont été présentés dans une nouvelle étude publiée dans la revue PNAS : A Neandertal dietary conundrum: Insights provided by tooth enamel Zn isotopes from Gabasa, Spain et présentée sur le site du du Centre national de la recherche scientifique : Les Néandertaliens semblent avoir été des carnivores.