Un nouveau traitement redonne la vue à des souris adultes aveugles
La capacité du cerveau à s’adapter et à se remobiliser tout au long de la vie continue de surprendre les neuroscientifiques. Des chercheurs ont trouvé un moyen de rendre la vue à des souris adultes atteintes d’une forme de cécité congénitale, malgré la relative maturité des rongeurs.
Les souris étaient le modèle d’une maladie humaine rare de la rétine de l’œil, appelée amaurose congénitale de Leber (ACL), qui entraîne souvent la cécité ou une déficience visuelle grave à la naissance. Cette maladie héréditaire semble être causée par une mutation dans l’une des dizaines de gènes associés à la rétine et à ses capacités de détection de la lumière.
Depuis plusieurs décennies, des chercheurs travaillent sur des traitements qui pourraient restaurer les photorécepteurs endommagés ou dysfonctionnels dans cette partie de l’œil. Parmi ces stratégies figurent les implants rétiniens, les interventions de modification génétique et les traitements médicamenteux. Ces thérapies émergentes améliorent toutes la vision avec plus ou moins de succès, mais les composés synthétiques qui ciblent la rétine semblent particulièrement prometteurs pour les personnes présentant des mutations impliquant les photorécepteurs à bâtonnets.
Les bâtonnets sont donc des photorécepteurs situés à l’arrière de l’œil qui détectent la faible luminosité. Ces neurones spécialisés utilisent une série de réactions biochimiques pour convertir la lumière sensorielle en signaux électriques que le reste du cerveau peut décoder. Lorsque les pigments photosensibles des bâtonnets rétiniens absorbent de faibles niveaux de lumière, ils convertissent la molécule 11-cis rétinal en tout-trans-rétinal, ce qui génère une impulsion qui descend le long du nerf optique jusqu’au cerveau.
De précédentes études sur des enfants atteints d’ACL ont montré que les traitements à base de rétinoïdes synthétiques peuvent aider à compenser une certaine perte de vision lorsqu’ils sont injectés directement dans l’œil. Mais l’impact de ces traitements sur les adultes atteints de cette maladie n’est pas aussi bien compris.
Selon les chercheurs :
Bien que des progrès aient été réalisés, on ne sait toujours pas dans quelle mesure les circuits visuels des adultes peuvent être restaurés à un état pleinement fonctionnel au niveau du cortex visuel après correction du défaut rétinien.
On considère habituellement que le système visuel du cerveau se forme et se renforce au cours de certaines périodes de développement au début de la vie. Si l’œil n’est pas exercé pendant ces périodes critiques, les réseaux visuels du cerveau peuvent ne jamais être correctement reliés à la vue, ce qui entraîne des déficiences visuelles tout au long de la vie. Mais le potentiel visuel d’un mammifère n’est peut-être pas aussi rigidement structuré, il pourrait être beaucoup plus plastique que prévu.
Pour explorer cette idée, les chercheurs ont administré pendant sept jours un rétinoïde synthétique à des rongeurs adultes nés avec une dégénérescence rétinienne. Le traitement a finalement réussi à rétablir partiellement la sensibilité des animaux à la lumière et leurs comportements typiques d’orientation vers la lumière pendant 27 jours. Neuf jours après le traitement, le nombre de neurones du cortex visuel activés par le nerf optique était beaucoup plus élevé.
Cela suggère que la voie visuelle centrale qui transporte les informations de l’œil au cortex visuel peut être restaurée de manière significative par un traitement aux rétinoïdes, même chez les souris adultes.
Selon le neurobiologiste Sunil Gandhi, de l’université de Californie à Irvine (Etats-Unis) :
Franchement, nous avons été stupéfaits de voir à quel point le traitement a sauvé les circuits cérébraux impliqués dans la vision. Voir implique plus que des rétines intactes et fonctionnelles. Elle commence dans l’œil, qui envoie des signaux au cerveau. C’est dans les circuits centraux du cerveau que la perception visuelle prend réellement naissance.
L’étude n’a été menée que sur des souris, mais cette découverte laisse à penser aux neuroscientifiques que la période critique pour le système visuel humain pourrait également être plus large qu’on ne le pensait. En d’autres termes, un manque de vision dans l’enfance ne signifie pas nécessairement que la vue ne pourra jamais être recouvrée à l’âge adulte.
Toujours selon Ghandi :
Immédiatement après le traitement, les signaux provenant de l’œil opposé, qui est la voie dominante chez la souris, ont activé deux fois plus de neurones dans le cerveau. Ce qui était encore plus époustouflant, c’est que les signaux provenant de la voie de l’œil du même côté activaient cinq fois plus de neurones dans le cerveau après le traitement et cet impressionnant effet était durable.
D’autres recherches sur des modèles animaux sont nécessaires. Mais peut-être qu’un jour, les neuroscientifiques pourront tester si des bénéfices similaires pourraient être provoqués chez les humains plus âgés affectés par certaines versions de l’ACL.
Le fait que ce traitement fonctionne si bien dans la voie visuelle centrale à l’âge adulte soutient un nouveau concept, à savoir qu’il existe un potentiel latent pour la vision qui ne demande qu’à être déclenché.
L’étude publiée dans Current Biology : Retinoid therapy restores eye-specific cortical responses in adult mice with retinal degeneration et présentée sur le site de l’Université de Californie à Irvine : Eye-opening discovery about adult brain’s ability to recover vision.