Une intelligence artificielle entrainée à prédire votre risque de maladie cardiaque à partir d’un scan de votre rétine
Les maladies cardiaques sont la première cause de mortalité dans le monde, la deuxième en France après les cancers. Des problèmes de santé comme l’obésité ou le diabète augmentent le risque de développer une maladie cardiaque, et les analyses de sang ou les mesures de la pression artérielle peuvent fournir une meilleure estimation de la probabilité qu’une personne ait des problèmes cardiaques. Il pourrait bientôt y avoir un moyen encore plus facile de prédire le risque de maladie cardiaque : en scannant votre œil.
Une étude publiée ce mois-ci (lien plus bas) décrit une méthode de dépistage cardiovasculaire rapide et abordable utilisant l’imagerie de la vascularisation rétinienne, c’est-à-dire une photo des vaisseaux sanguins à l’arrière de l’œil. Un instantané de l’œil est analysé par un logiciel à intelligence artificielle développé à cet effet. Les patients n’auraient même pas besoin de se rendre au cabinet de leur médecin pour se faire dépister, il leur suffirait d’envoyer une image de leur œil.
L’équipe composée de plusieurs chercheurs d’université anglaise, notamment de la St George’s, Université de Londres, qui a développé le logiciel a souligné sa commodité et son caractère abordable par rapport aux méthodes existantes.
Selon les chercheurs, dans leur étude :
La prédiction du risque vasculométrique par l’IA est entièrement automatisée, peu coûteuse, non invasive et peut potentiellement toucher une plus grande partie de la population dans la communauté, car elle est disponible dans la rue et qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer des prélèvements sanguins ou de mesurer la pression artérielle.
La rétine est le tissu situé au fond de l’œil qui convertit la lumière en impulsions électriques, qu’il envoie au cerveau par le nerf optique. Elle contient des millions de cellules appelées bâtonnets (pour la vision nocturne) et cônes (pour la vision des couleurs), qui dépendent d’un réseau de vaisseaux sanguins pour les alimenter en permanence en nutriments et en oxygène.
Outre le fait qu’ils assurent le fonctionnement de la rétine, ces vaisseaux sanguins peuvent également servir de “fenêtre” sur d’autres parties du corps, et même sur le cœur. Les scientifiques ont découvert un lien entre des caractéristiques telles que l’étroitesse des artères rétiniennes et la sinuosité/ tortuosité des vaisseaux (leur courbure), d’une part, et la pression artérielle élevée, l’hypertension et les maladies cardiovasculaires, d’autre part.
Les médecins savent depuis plus de cent ans que l’on peut regarder dans l’œil et voir des signes de diabète et d’hypertension. Mais le problème était l’évaluation manuelle : la délimitation manuelle des vaisseaux par des experts humains. Un algorithme d’apprentissage automatique n’a cependant pas autant de mal à le faire.
L’équipe a nommé son logiciel QUARTZ, abréviation de « QUantitative Analysis of Retinal vessels Topology and siZe« . Ils ont entraîné l’IA à l’aide d’images des yeux de plus de 88 000 personnes (âgées de 40 à 69 ans) provenant de la UK Biobank. L’équipe a analysé la largeur et la torsion des artères et des veines de la rétine pour élaborer des modèles de prédiction des accidents vasculaires cérébraux, des crises cardiaques et des décès dus à des maladies circulatoires.
Ils ont ensuite utilisé QUARTZ pour analyser les images rétiniennes de 7 411 autres personnes, âgées de 48 à 92 ans, et ils ont combiné ces données avec des informations sur leurs antécédents de santé (comme le tabagisme, l’utilisation de statines et les crises cardiaques précédentes) pour prédire leur risque de maladie cardiaque. La santé des participants a été suivie pendant 7 à 9 ans, et leurs résultats ont été comparés aux prédictions du score de risque de Framingham (facteur de risque cardiovasculaire).
Outil courant d’estimation du risque de maladie cardiaque, ce score de risque prend en compte l’âge, le sexe, le cholestérol total, le cholestérol à lipoprotéines de haute densité, les habitudes tabagiques et la pression artérielle systolique pour estimer la probabilité qu’une personne développe une maladie cardiaque dans un laps de temps donné, généralement de 10 à 30 ans.
L’équipe du QUARTZ a comparé ses données aux prédictions du score de risque de Framingham sur 10 ans et elle a indiqué que la précision de l’algorithme était équivalente à celle de l’outil conventionnel.
Il faudra un certain temps avant que l’IA ne devienne un outil de diagnostic, d’autres essais cliniques et autorisations réglementaires seront nécessaires, ainsi qu’une méthodologie plus claire pour traduire ses données en pratique clinique.
En attendant, il est prometteur de savoir que des outils comme celui-ci sont en cours de développement. À l’instar des évaluations du risque de Framingham, QUARTZ pourrait être utilisé à titre préventif en aidant à déterminer quand une personne devrait suivre un traitement médicamenteux pour réduire sa tension artérielle ou son taux de cholestérol.
Un éditorial lié à l’étude, rédigé par un médecin et un professeur de l’Université de Dundee (Royaume-Uni) n’ayant pas participé à l’étude, est optimiste.
Ils écrivent :
La rétine est le seul endroit qui permet une visualisation directe non invasive de la vascularisation, fournissant potentiellement une riche source d’informations. Les résultats renforcent les preuves de plusieurs études similaires que la rétine peut être une source d’information utile et potentiellement perturbatrice pour le risque de maladie cardiovasculaire en médecine personnalisée.
L’étude publiée dans le British Journal of Ophthalmology : Artificial intelligence-enabled retinal vasculometry for prediction of circulatory mortality, myocardial infarction and stroke et l’éditorial lié : The eyes as a window to the heart: looking beyond the horizon.