Le télescope spatial James Webb repère de très jeunes étoiles nichées dans la nébuleuse d’Orion
La nébuleuse d’Orion est l’une des régions les plus étudiées de notre ciel. Elle se trouve dans la constellation d’Orion entre les étoiles, et elle est si grande, si proche et si brillante qu’on peut la voir à l’œil nu : un vaste complexe de nuages donnant naissance et nourrissants des étoiles.
Image d’entête, clic pour agrandir : ma région intérieure de la nébuleuse d’Orion vue par l’instrument NIRCam du télescope spatial James Webb. Il s’agit d’une image composite obtenue à partir de plusieurs filtres qui représentent l’émission de gaz ionisé, d’hydrocarbures, de gaz moléculaire, de poussière et de lumière stellaire diffuse. (NASA, ESA, CSA, PDRs4All ERS Team/ Salomé Fuenmayor)
Parce qu’elle est relativement proche, à 1 344 années-lumière, c’est l’une des cibles d’observation les plus importantes dans le ciel pour comprendre la formation des étoiles. Bien que nous observions la nébuleuse depuis sa découverte officielle en 1610, tous ses secrets n’ont pas encore été élucidés.
Récemment, le plus puissant télescope spatial actuellement offre un nouveau regard sur le cœur de la nébuleuse d’Orion.
Les nouvelles images obtenues par la NIRCam du télescope spatial James Webb (Webb/ JWST) sont, selon les astronomes, les plus détaillées et les plus nettes que nous ayons vues jusqu’à présent. L’analyse est en cours et nous devrions apprendre de nouveaux éléments fascinants sur cette incroyable partie de la galaxie.
Selon l’astrophysicienne Els Peeters de l’Université Western au Canada :
Nous sommes époustouflés par les images à couper le souffle de la nébuleuse d’Orion. Nous avons commencé ce projet en 2017, cela fait donc plus de 5 ans que nous attendons ces données.
Ces nouvelles observations nous permettent de mieux comprendre comment les étoiles massives transforment le nuage de gaz et de poussière dans lequel elles sont nées. Les jeunes étoiles massives émettent de grandes quantités de rayonnement ultraviolet directement dans le nuage natal qui les entoure encore, ce qui modifie la forme physique du nuage ainsi que sa composition chimique.
On ne sait pas encore très bien comment cela fonctionne précisément, ni comment cela affecte la formation ultérieure d’étoiles et de planètes.
La formation des étoiles est un processus très gazeux et poussiéreux. Les jeunes étoiles naissent à partir d’amas denses dans des nuages de poussière et de gaz qui s’effondrent sous l’effet de la gravité et commencent à accumuler de la matière du nuage qui les entoure, formant un disque au fur et à mesure que l’étoile tourne. La nature même de ce processus fait qu’il est difficile de le voir : toute cette poussière et ce gaz empêchent la lumière de s’échapper pour nous montrer ce qu’il y a à l’intérieur.
Cependant, les grandes longueurs d’onde de la lumière infrarouge, la gamme à travers laquelle le JWST voit l’Univers, sont capables de pénétrer la poussière, ce qui nous donne une vue de régions impossibles à voir dans les longueurs d’onde plus courtes, comme le spectre visible. Les scientifiques sont donc très enthousiastes à l’idée d’utiliser le télescope pour étudier la formation des étoiles et découvrir de nouveaux détails sur ce processus, jusqu’à présent difficile à observer.
La nouvelle image se concentre sur une structure appelée la “barre d’Orion” (Orion Bar) , qui s’étend en diagonale du haut à gauche au bas à droite. La lumière d’un amas d’étoiles jeunes et chaudes, appelé l’amas du Trapèze, illumine la scène depuis le coin supérieur droit. Cette intense lumière ultraviolette ionisante érode lentement la barre.
Clic pour agrandir. Version annotée en français de la nébuleuse d’Orion. (NASA, ESA, CSA, PDRs4All ERS Team/ Salomé Fuenmayor)
C’est l’un des processus impliqués dans ce que les astronomes appellent la rétroaction (feedback) lorsque le vent ou le rayonnement d’un objet stellaire repousse la matière, réduisant ou éteignant la formation d’étoiles. Ils produisent également des formes et des structures complexes dans un nuage moléculaire, notamment des filaments et des cavités, qui ont tous deux été capturés dans la nouvelle image.
Parmi les autres objets, on trouve dans cette image des globules de Bok (des amas denses de matière contenant de nouvelles étoiles) et une jeune étoile en pleine croissance entourée d’un disque de matière. Ce disque est évaporé de l’extérieur par le rayonnement des étoiles du Trapèze. Près de 180 de ces objets, appelés proplyds en anglais pour désigner les disques protoplanétaires ionisés, ont été trouvés dans la nébuleuse d’Orion.
L’étoile la plus brillante que vous voyez sur l’image est appelée θ2 Orionis A, et c’est l’un des membres d’un système multi-étoiles à côté de l’amas du Trapèze, qui est également connu sous le nom de θ1 Orionis. Il est intéressant de noter que θ2 Orionis A est aussi, en soi, un système à trois étoiles.
Bien qu’elle apparaisse très brillante sur l’image du JWST, θ2 Orionis A ne peut être vue à l’œil nu depuis la Terre que dans les régions peu affectées par la pollution lumineuse. Néanmoins, elle est très chaude, plus de 100 000 fois plus brillante intrinsèquement que le Soleil. Sa lumière se réfléchit sur la poussière qui l’entoure, créant une jolie lueur rouge.
Selon l’astronome Olivier Berné de l’Institut d’astrophysique spatiale en France
Nous voyons clairement plusieurs filaments denses. Ces structures filamentaires pourraient favoriser une nouvelle génération d’étoiles dans les régions plus profondes du nuage de poussière et de gaz. Des systèmes stellaires déjà en formation apparaissent également.
A l’intérieur de son cocon, de jeunes étoiles avec un disque de poussière et de gaz dans lequel se forment des planètes sont observées dans la nébuleuse. De petites cavités creusées par les nouvelles étoiles soufflées par le rayonnement intense et les vents stellaires des étoiles naissantes sont également clairement visibles.
L’image à découvrir dans sa pleine résolution sur le site du Early Release Science program Photodissociation Regions for All (PDRs4All ERS Team) : The inner Orion Nebula seen with JWST, présentée sur le site de l’Institut d’Astrophysique Spatiale : Télescope James Webb : premières images de la nébuleuse d’Orion et sur le site de l’Université Western : Western researchers among first to capture James Webb Space Telescope images.