Parmi 16 points de non-retour, la Terre est à moins d’un demi-degré Celsius du dégel rapide du permafrost et d’une rapide élévation du niveau de la mer
Selon une nouvelle évaluation, le dépérissement des récifs coralliens, l’effondrement de la calotte glaciaire et le dégel du pergélisol figurent parmi les processus qui risquent de s’emballer plus tôt que prévu.
L’effondrement de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental et le dégel brutal du pergélisol font partie des six points de basculement du climat de la Terre qui sont désormais susceptibles d’être atteints si le réchauffement de la planète dépasse 1,5 °C, l’objectif fixé par l’accord de Paris en 2015.
Les chercheurs ont identifié 16 points de basculement majeurs qui contribuent à réguler le climat de la Terre. Parmi eux, neuf points du “cœur” de la planète qui contribuent à ses fonctions régulières, comme la fonte du pergélisol dans l’Arctique ou le bouleversement des courants océaniques.
Image d’entête, à partir de l’étude : l’emplacement des 16 points de basculement climatique majeurs dans la cryosphère (bleu), la biosphère (vert) et l’océan/ atmosphère (orange), et les niveaux de réchauffement planétaire auxquels leurs points de basculement seront probablement déclenchés. Les marqueurs sont colorés en fonction des estimations du seuil de réchauffement planétaire, qui est inférieur à 2°C, c’est-à-dire dans la fourchette de l’accord de Paris (rouge, cercles), entre 2 et 4°C, c’est-à-dire accessible avec les politiques actuelles (rose, diamants), et 4°C et plus (violet, triangles). (Globaia/ Earth Commission, PIK, SRC/ Université d’Exeter)
Si le seuil est franchi pour ces points de basculement, il n’y a pas grand-chose que nous puissions faire pour les empêcher de se produire. En analysant différents modèles climatiques et en passant en revue plus de 200 études sur le climat publiées depuis 2008, les chercheurs ont découvert qu’avec le réchauffement actuel d’environ 1 °C au-dessus des niveaux préindustriels, nous sommes déjà très près de franchir plusieurs points de basculement. Si le monde parvient à rester dans la fourchette de 1,5 à 2 degrés de réchauffement planétaire définie dans l’accord de Paris, six points de basculement climatique sont susceptibles de se produire.
Selon à Earther Tim Lenton, coauteur de l’étude et directeur du Global Systems Institute de l’université d’Exeter :
Cela inclut l’effondrement de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental. La disparition à grande échelle des récifs coralliens tropicaux, que nous avons bien sûr déjà commencé à observer. Et un dégel abrupt de très grandes régions de pergélisol.
Dans un scénario où le monde ne s’efforce pas rapidement de réduire les émissions, et où nous atteignons un réchauffement d’environ 2,6 °C, dix autres points de basculement se produiront. Ces derniers comprennent l’effondrement de la circulation méridienne de retournement, également connue sous le nom de tapis roulant de l’océan Atlantique. Cette circulation régule les conditions climatiques dans l’hémisphère nord et, si elle s’effondre, le rythme des précipitations dans le monde entier changera. Les communautés agricoles qui dépendent de la prévisibilité des précipitations pour planter leurs cultures auront du mal à faire face à ces nouveaux changements. L’effondrement de cette « ceinture » entraînerait également des conditions météorologiques encore plus extrêmes en Europe. Un autre point de basculement important est l’effondrement de la forêt amazonienne, qui était autrefois un puits de carbone, abritant un grand nombre d’espèces menacées, mais qui pourrait désormais devenir émettrice de carbone.
A partir de l’étude : cartes présentant les éléments de basculement climatique mondiaux (a) et régionaux (b) identifiés dans cette étude. Les zones bleues représentent les éléments de la cryosphère, les zones vertes ceux de la biosphère et les zones orange ceux de l’océan et de l’atmosphère. (Earth Commission, PIK, SRC/ Université d’Exeter)
Selon Lenton, les points de basculement ne se produisent pas tous en même temps si le monde atteint certains seuils, comme un réchauffement de 1,5 ou 2,6 °C. Mais les effets s’accumuleront au fil du temps et contribueront à des événements extrêmes et au déplacement de personnes dans le monde entier. Cela inclut l’élévation de plusieurs dizaines de centimètres du niveau de la mer qui se produira pendant plusieurs siècles une fois que les points de basculement auront été atteints.
David Armstrong McKay, auteur principal du rapport, explique que, bien que cette étude ne porte pas sur des événements météorologiques extrêmes spécifiques, la fréquence accrue des catastrophes est parallèle à la raison pour laquelle il est si important d’étudier les points de basculement.
Pour Johan Rockström, coauteur de l’étude et coprésident de la Earth Commission, le monde va probablement continuer à se diriger vers un réchauffement climatique de 2 à 3 degrés Celsius et pour lui : « Chaque dixième de degré compte ».
Cependant, les chercheurs restent persuadés que, quel que soit le scénario de réchauffement, la décarbonisation doit rester une priorité pour éviter autant de points de basculement que possible.
Pour Armstrong McKay :
Nous avons encore la capacité de limiter autant que possible la poursuite du réchauffement. Même si nous dépassons 1,5 et même si nous déclenchons certains points de basculement en cours de route.
L’étude publiée dans Science : Exceeding 1.5°C global warming could trigger multiple climate tipping points et présentée sur le site de l’Université d’Exeter : Risk of passing multiple climate tipping points escalates above 1.5°C global warming et par l’Université de Stockholm via Eurekalert : Risk of multiple climate tipping points escalates above 1.5°C global warming.
L’étude a été publiée en avance d’une grande conférence sur le sujet, à l’Université d’Exeter: “Tipping Points: from climate crisis to positive transformation”.