Un essaim de robots nageurs pourrait rechercher la vie dans notre système solaire
Ethan Schaler, ingénieur mécanicien en robotique au Jet Propulsion Laboratory de la NASA en Californie du Sud, aime l’idée d’explorer de nouveaux mondes. Il aime aussi les acronymes, en raison de son projet intitulé Sensing With Independent Micro-Swimmers (SWIM). SWIM a récemment obtenu un financement de 600 000 dollars pour la phase II du programme NIAC (Innovative Advanced Concepts) de la NASA, dans le but de prouver la faisabilité de la mission et d’imprimer en 3D des modèles exploitables.
Ensuite, si tout se passe comme prévu, la NASA pourrait commencer à préparer l’intégration de l’essaim dans ses futures missions de recherche de la vie sur des mondes océaniques.
Image d’entête : cette illustration montre le concept de cryobot de la NASA appelé Probe using Radioisotopes for Icy Moons Exploration (PRIME) déployant de minuscules robots cunéiformes (collectivement appelés SWIM) dans l’océan à des kilomètres sous un atterrisseur sur la surface gelée d’un monde océanique. (NASA/ JPL-Caltech)
Les prochaines décennies d’exploration spatiale dans notre système solaire se concentreront donc sur ses « mondes océaniques », des satellites recouverts de glace comme Europe ou Encelade, dont on pense qu’ils abritent de l’eau liquide sous leur croûte gelée.
Il y a quelques dizaines d’années, les astronomes n’auraient pas considéré ces mondes comme une priorité, mais de plus en plus, des recherches récentes montrent qu’ils sont plus intéressants qu’il n’y paraît.
Bien qu’ils ne soient pas des planètes (ce sont des satellites), les mondes océaniques de notre système solaire sont considérés comme les endroits les plus susceptibles d’abriter la vie. Ils sont peut-être très éloignés du Soleil, ce qui explique pourquoi leur surface est gelée, mais la friction des marées garantit que sous la surface, il y a suffisamment de chaleur pour de l’eau liquide. En fait, les interactions de marée causées par leurs planètes géantes font fléchir l’intérieur de ces satellites, ce qui génère suffisamment de chaleur pour faire fondre la glace et la garder liquide.
Représentation de l’océan qui se cache sous la surface d’Europe, s’infiltrant à travers certaines de ses fissures en surface. (NASA)
C’est plus qu’une simple hypothèse, les chercheurs ont effectivement observé des indices de la présence d’eau liquide sur ces mondes et là où il y a de l’eau liquide, il pourrait y avoir de la vie. Mais comment la chercher ?
La perspective d’une mission vers un monde comme Europe est intimidante à plusieurs égards. Ce serait de loin la mission la plus complexe que la NASA ait entreprise, et pas seulement parce qu’Europe est beaucoup plus éloignée de la Terre. Contrairement à Mars, vous ne pouvez pas simplement poser votre astromobile (rover) à la surface et la laisser explorer. Bien sûr, vous pouvez obtenir des informations précieuses de la surface d’Europe, mais le véritable objectif est l’eau qui se trouve sous la glace. C’est là que les mini-robots de Schaler entrent en jeu.
La première innovation de cette proposition est la forme et la taille des robots : ils sont beaucoup plus petits et cunéiformes, ce qui signifie que plusieurs d’entre eux pourraient être équipés d’un atterrisseur, ce qui augmente encore la zone à explorer et les chances de trouver des signes de vie (si de tels signes existent).
Selon Schaler :
Mon idée est la suivante : où pouvons-nous prendre la robotique miniaturisée et l’appliquer de nouvelles manières intéressantes pour explorer notre système solaire ?. Avec un essaim de petits robots nageurs, nous sommes en mesure d’explorer un volume beaucoup plus important d’eau océanique et d’améliorer nos mesures en ayant plusieurs robots collectant des données dans la même zone.
Chaque robot disposera de son propre système de propulsion et de capteurs de base pour la température, la salinité, l’acidité et la pression, ainsi que de capteurs chimiques pour la recherche de marqueurs biologiques. Les robots seraient également équipés d’un système de communication par ultrasons, grâce auquel ils pourraient communiquer avec l’atterrisseur de surface, qui communiquerait à son tour avec la NASA.
Dans SWIM, des dizaines de petits robots descendent à travers la coquille glacée d’une lune lointaine, via un cryobot, représenté à gauche, jusqu’à l’océan situé en dessous. Le projet a été financé par le programme Innovative Advanced Concepts de la NASA. (NASA/ JPL-Caltech)
Les robots, qui ne mesureraient que quelques centimètres de long, seraient déployés soit individuellement, soit en essaim à partir d’un vaisseau mère unique. Cette flexibilité de l’essaim permettrait à la NASA d’explorer plusieurs endroits autour du point d’entrée, ce qui est très utile. Après tout, il n’y a pas beaucoup d’informations sur les endroits où l’on a le plus de chances de trouver des signes de vie. Et si vous envoyez votre robot quelque part et qu’il y a quelque chose de vraiment intéressant et important à proximité, mais pas tout à fait là ? Et bien, l’essaim de robots sera capable d’explorer cette zone et de donner une vue d’ensemble.
Selon le scientifique de l’équipe SWIM, Samuel Howell, du JPL, qui travaille également sur la mission Europa Clipper :
Et si, après toutes ces années passées à pénétrer dans un océan, vous traversez la coquille de glace au mauvais endroit ? Et s’il y avait des signes de vie là-bas, mais pas là où vous avez pénétré dans l’océan ?. En emmenant ces essaims de robots avec nous, nous serions en mesure de regarder « là-bas » pour explorer une plus grande partie de notre environnement que ne le permettrait un seul cryobot.
C’est un peu comme la façon dont l’hélicoptère Ingenuity aide à explorer Mars en offrant une vue beaucoup plus large de ce qui se passe autour l’astromobile.
Toujours selon Samuel Howell :
L’hélicoptère étend la portée du rover, et les images qu’il renvoie constituent un contexte qui aide le rover à comprendre comment explorer son environnement. Si au lieu d’un hélicoptère, vous en aviez plusieurs, vous en sauriez beaucoup plus sur votre environnement. C’est l’idée derrière SWIM.
Maintenant, il est temps pour Schaler de prouver que ce concept peut fonctionner et de produire un design fonctionnel qui peut être testé. Si cela fonctionne, des essaims de robots pourraient bientôt être envoyés sur un autre monde à la recherche de vie.
Sur le site du Jet Propulsion Laboratory de la NASA : Swarm of Tiny Swimming Robots Could Look for Life on Distant Worlds.