Mimétisme : des chauves-souris bourdonnent comme des abeilles et des frelons pour effrayer les chouettes affamées
Certaines espèces ont évolué pour imiter des créatures plus dangereuses afin que les prédateurs les évitent : des serpents inoffensifs arborent les couleurs de serpents venimeux, et certaines mouches ressemblent à des abeilles.
Image d’entête : Grand Murin (Myotis myotis). (Marco Scalisi)
Cette astuce s’appelle le mimétisme batésien et, si la plupart des exemples que nous connaissons sont visuels, il peut également être réalisé avec des sons, des odeurs et d’autres sens.
Une équipe internationale de chercheurs a découvert un cas rare de mimétisme sonore chez les chauves-souris. Celles-ci bourdonnent comme des frelons pour faire fuir les hiboux qui les attaquent.
Selon les chercheurs, qui ont décrit leurs découvertes dans une étude (lien plus bas), il s’agit du premier exemple connu de mimétisme acoustique chez un mammifère. C’est aussi la première fois que l’on découvre qu’un mammifère imite un insecte.
La recherche est centrée sur le Grand Murin (Myotis myotis), qui est originaire d’une grande partie de l’Europe du Sud et du Moyen-Orient, du Portugal à la Turquie et à Israël. Ces chauves-souris sont victimes de la prédation d’une variété de chouettes.
Le coauteur de l’étude, Danilo Russo, chercheur à l’université de Naples – Frédéric II, en Italie, explique qu’il y a plusieurs années, il a remarqué le mimétisme des chauves-souris alors qu’il effectuait des recherches sur le terrain à l’aide de filets.
Selon Russo :
Lorsque nous manipulions les chauves-souris pour les sortir du filet ou les examiner, elles bourdonnaient invariablement comme des guêpes.
Les chercheurs ont pensé qu’il s’agissait d’un étrange appel de détresse et n’ont décidé que récemment de l’étudier en profondeur.
Ils ont d’abord comparé les enregistrements sonores des chauves-souris à ceux de quatre guêpes, abeilles et frelons (insectes hyménoptères) locaux, et ils ont constaté plusieurs similitudes. Ces similitudes sont devenues plus prononcées lorsque les chercheurs ont pris en compte les sons qui ne sont détectés que dans le champ d’audition des chouettes.
Frelon européen (Vespa crabro). (Michelina Puddescu)
Ils ont ensuite fait entendre les bourdonnements des chauves-souris à 16 chouettes captives (8 chouettes effraies et 8 chouettes hulottes) pour observer leurs réactions. Huit des rapaces, quatre de chaque espèce, avaient été élevés en captivité, tandis que l’autre moitié était des animaux sauvages, et avait donc probablement une « expérience » des hyménoptères.
Chouette effraie (Tyto alba). (Maurizio Fraissinet)
Chaque chouette s’est comportée différemment, mais toutes se sont systématiquement éloignées du haut-parleur émettant les bruits de chauve-souris, et les chouettes expérimentées se sont légèrement éloignées. À l’inverse, lorsqu’on leur a fait entendre un bruit de contrôle qui n’imitait pas les hyménoptères, elles se sont approchées du haut-parleur pour l’étudier.
Selon Russo, bien qu’il ne dispose pas de données prouvant que les insectes piqueurs attaquent les chouettes, il est probable qu’ils le fassent. En général, ajoute-t-il, les oiseaux évitent de nicher dans des arbres déjà occupés par des abeilles, des guêpes ou des frelons.
Dans leur étude, les chercheurs soulignent également que d’autres espèces de chauves-souris bourdonnent également, de sorte qu’il ne s’agit peut-être pas d’une tactique unique.
Selon Russo :
Il est quelque peu surprenant que les chouettes représentent la pression évolutive qui façonne le comportement acoustique des chauves-souris en réponse aux expériences désagréables que les hiboux ont avec les insectes piqueurs. Ce n’est qu’un des innombrables exemples de la beauté des processus évolutifs !
L’étude publiée dans Current Biology : Bats mimic hymenopteran insect sounds to deter predators.