Des bactéries modifiées pour produire dans l’intestin un médicament contre la maladie de Parkinson
De nouvelles recherches présentées lors de la réunion annuelle de l’American Society for Pharmacology and Experimental Therapeutics (lien plus bas) ont démontré que des bactéries génétiquement modifiées pouvaient constituer un traitement efficace de la maladie de Parkinson. Les chercheurs ont créé une bactérie capable de synthétiser une source constante de médicament à l’intérieur de l’intestin du patient, et des tests sur des animaux ont démontré que cette bactérie est sûre et efficace.
Image d’entête : au microscope, la bactérie intestinale Escherichia coli (E. coli) «Nissle 1917». (M.Thomas & T. Meylheuc/ INRAE)
L’idée de concevoir des bactéries pour qu’elles servent de traitements médicaux n’est pas nouvelle. Depuis des années, les scientifiques expérimentent des moyens de modifier les bactéries pour qu’elles répondent à nos besoins, qu’il s’agisse d’une bactérie capable d’absorber l’excès d’ammoniac dans le corps humain ou d’une bactérie capable de chasser les cellules cancéreuses colorectales.
Bien sûr, avant qu’une idée comme celle-ci ne soit prête à être utilisée en clinique, un certain nombre d’obstacles doivent être surmontés. C’est une chose d’offrir à un patient des doses contrôlées d’un médicament par le biais d’un comprimé, mais limiter la croissance de microbes vivants conçus pour synthétiser ces mêmes molécules thérapeutiques dans l’intestin humain est un tout autre défi.
De nouvelles recherches menées par une équipe de scientifiques ont permis de faire un pas en avant dans l’ingénierie d’une nouvelle souche du probiotique humain Escherichia coli Nissle 1917, qui a été développée pour synthétiser en continu un médicament contre la maladie de Parkinson, la L-DOPA.
La L-DOPA est une molécule qui agit comme un précurseur de la dopamine et qui est le traitement de référence des patients atteints de la maladie de Parkinson depuis des décennies. Les médecins ont constaté qu’après environ 5 ans de traitement par la L-DOPA, les patients développent souvent des effets secondaires appelés dyskinésies. On pense que ces effets secondaires sont liés à l’absence d’une source continue du médicament dans le cerveau.
Pour remédier à ce problème, les chercheurs ont cherché à savoir si les bactéries produisant de la L-DOPA dans l’intestin pouvaient assurer un apport constant du médicament au cerveau. Piyush Padhi, un chercheur travaillant sur le projet, explique que les bactéries modifiées absorbent une molécule appelée tyrosine et rejettent la L-DOPA.
Selon Padhi :
Après plusieurs itérations et l’amélioration de la technologie d’administration de médicaments basée sur le microbiome intestinal, nous avons mis au point une bactérie probiotique saine pour l’intestin qui peut produire des niveaux stables de L-DOPA d’une manière qui peut être hautement ajustée pour délivrer la dose requise pour chaque patient.
Plusieurs études sur des souris ont démontré que la bactérie modifiée permettait d’obtenir des concentrations sanguines stables et constantes de L-DOPA. Ensuite, des expériences menées sur des modèles animaux de la maladie de Parkinson ont montré que le traitement permettait d’améliorer les fonctions motrices et cognitives, ce qui indique que les bactéries modifiées produisaient des volumes thérapeutiquement efficaces du médicament.
Les chercheurs affirment également que les niveaux de L-DOPA produits par la bactérie peuvent être finement contrôlés. Cela peut se faire soit en limitant les doses quotidiennes de bactéries consommées en capsules, soit en modulant la consommation d’un sucre appelé rhamnose. Ce sucre rare est nécessaire à la bactérie pour continuer à produire de la L-DOPA.
Selon Anumantha Kanthasamy, un autre chercheur travaillant sur le projet, l’équipe s’efforce d’adapter l’approche pour traiter d’autres maladies qui nécessitent des doses mesurées et continues de médicaments. La prochaine étape consistera à optimiser les bactéries modifiées dans la perspective d’essais sur l’homme.
Selon Kanthasamy :
Nous espérons que notre méthode d’administration continue et non pulsatile de la L-DOPA par voie microbienne limitera le développement et la progression de la dyskinésie induite par la lévodopa. Nous explorons actuellement l’utilisation de cette approche pour délivrer des traitements pour d’autres conditions telles que la maladie d’Alzheimer et la dépression et sommes en train d’initier l’approbation de la FDA pour les tests cliniques de cette nouvelle technologie thérapeutique du microbiome intestinal.
Ces nouvelles recherches n’ont pas encore été publiées dans une revue à comité de lecture, mais elles ont été présentées récemment lors de la réunion annuelle de l’American Society for Pharmacology and Experimental Therapeutics : Emerging Microbiome Genetic Engineering Technology for Stable Levodopa Delivery in Parkinson’s Disease, dans le cadre de la réunion Experimental Biology (EB) 2022, à Philadelphie (Etats-Unis).