Deux équipes de scientifiques ont déterminé quels animaux se trouvaient dans leur zoo en prélevant de l’ADN dans l’air
Notre planète regorge de vie, et celle-ci laisse des traces partout où elle passe. Il s’agit de marques visibles, comme les empreintes de pattes ou des nids abandonnés, mais aussi d’autres traces invisibles à l’œil nu, comme l’ADN. Au cours de la dernière décennie, les biologistes ont remporté un franc succès dans l’identification d’espèces animales et de leur abondance grâce à l’ADN environnemental (ADNe) recueilli dans le milieu aquatique.
Par exemple, récemment une équipe de l’université de Lund en Suède a pu ainsi identifier 85 espèces d’insectes à partir d’ADNe dans des échantillons d’air prélevés sur trois sites en Suède :
Aujourd’hui, deux groupes de recherche, de l’Université de Copenhague au Danemark et de la Queen Mary University of London au Royaume-Uni, utilisant deux méthodes différentes ont montré indépendamment qu’il était possible de faire de même avec de l’ADNe prélevé dans l’air.
image d’entête : plan du zoo de Copenhague. (Mads Berg/ Behance)
Les chercheurs ont pu identifier 74 espèces d’animaux en recherchant de l’ADN dans des échantillons d’air prélevés dans deux zoos. Cette expérience montre que l’ADN en suspension dans l’air pourrait être utilisé pour pister les animaux sauvages, y compris les espèces menacées ou envahissantes, sans avoir besoin de les observer directement.
L’ADN environnemental (ADNe) a bouleversé la façon dont les populations animales peuvent être surveillées, gérées et conservées. Au lieu de devoir trouver des preuves physiques de la présence des animaux (écailles, fourrure, excréments ou observations), les chercheurs peuvent se fier aux morceaux microscopiques de matériel génétique qui se détachent des créatures lorsqu’elles se déplacent dans leur environnement. Le simple fait de prélever un échantillon de sol ou d’eau peut donner aux chercheurs une idée de l’ensemble d’un écosystème.
Mais ils se sont demandé si l’air pouvait fournir le même niveau d’information que le sol et l’eau. L’année dernière, une équipe basée au Royaume-Uni a détecté de l’ADN de rat-taupe nu en échantillonnant l’air des terriers des rongeurs dans un laboratoire. (Ils ont également détecté de l’ADN humain, vraisemblablement celui des chercheurs qui travaillaient dans le laboratoire).
Mais prouver de l’efficacité de la méthode en plein air était une autre paire de manches. Pour tester la technique plus avant, deux équipes de chercheurs ont donc utilisé un cadre comprenant des sujets indiscutables : des zoos en Angleterre et au Danemark. Leurs deux études ont été publiées cette semaine (lien plus bas).
Pour mener leur expérience, les scientifiques ont utilisé un ventilateur avec un filtre, aspirant l’air à l’intérieur et autour du zoo.
Des dingos du zoo de Hamerton, au Royaume-Uni, qui regardent avec curiosité les équipements d’échantillonnage de l’air. (Elizabeth Clare)
Elizabeth Clare de la Queen Mary University of London prélève des échantillons d’air pour collecter de l’ADN en suspension dans l’air. (Elizabeth Clare)
Sur cette photo, Christina Lynggaard et Kristine Bohmann collectent des échantillons d’air au zoo de Copenhague. (Christian Bendix)
L’équipe a ensuite utilisé la réaction en chaîne par polymérase (PCR), la même technique que celle utilisée dans de nombreux tests de dépistage de la COVID 19, pour amplifier l’information génétique sur le filtre, créant ainsi de nombreuses copies du matériel génétique trouvé. Ils ont pu identifier 25 espèces au Royaume-Uni et 49 espèces au Danemark. Dans l’étude britannique, huit des espèces identifiées étaient des animaux indigènes à la région plutôt que des habitants de zoos, tandis que six animaux ne provenant pas de zoos ont été détectés dans l’étude danoise.
A partir des deux études : plans présentant la récolte d’échantillon d’air dans le zoo de Copenhague au Danemark et du zoo de Hamerton, au Royaume-Uni :
(A) Les trois endroits où des échantillons d’ADNe en suspension dans l’air ont été collectés au zoo de Copenhague, au Danemark. B) Prélèvement d’ADNe en plein air dans la partie sud du zoo. Les espèces de vertébrés détectées par l’ADNe en suspension dans l’air sont surlignées en jaune. La direction du vent pendant l’échantillonnage est représentée par des flèches. (Christina Lynggaard et col./ Current Biology)
Les espèces identifiées dans 7 zones du zoo de Londres grâce à l’ADN prélevé sur des échantillons d’air. Les identifications sont codées par couleur pour indiquer l’affectation taxonomique de l’ADN, et les cercles sont mis à l’échelle pour représenter l’abondance approximative des relevés (nombre de répétitions faible, moyen et élevé). Les anneaux orange indiquent le lieu d’échantillonnage. Les identifications avec <100 copies ont été exclues de la figure. Une échelle de distance de 50 m est indiquée par une ligne bleue. (Elizabeth L. Clare et col./ Current Biology)
Selon Elizabeth Clare, écologiste moléculaire à l’université Queen Mary de Londres et auteur principal de l’étude britannique :
Ce que nous montrons ici, c’est que nous pouvons détecter une grande variété de vie animale dans des conditions effectivement naturelles. Nous avons détecté de nombreuses espèces du zoo, mais aussi plusieurs espèces indigènes de la région, notamment des écureuils et des hérissons. Nous avons également détecté certains des aliments fournis aux animaux du zoo.
L’équipe de Clare a également mené les précédentes recherches sur le rat-taupe nu, précisant que :
Ce que nous avons fait différemment, c’est que nous avons quitté la configuration soigneusement contrôlée d’un laboratoire pour nous aventurer dans le cadre incontrôlé de la campagne britannique. C’était l’hiver, nous étions donc soumis aux fluctuations de température, à la neige, à la pluie et au vent… toutes les situations normales que nous pourrions rencontrer si nous voulions faire cela dans le cadre d’une étude écologique complète.
Plus une espèce s’approche de l’extinction, plus il est difficile de la surveiller. Les méthodes à base d’ADNe facilitent ce travail de protection.
L’ADN aéroporté nécessite encore des recherches, mais Clare a noté la rapidité avec laquelle l’ADN aquatique est devenu une méthode largement utilisée dans le domaine de la conservation.
Les deux études publiées dans Current Biology :
- Christina Lynggaard et col./ Université de Copenhague : Airborne environmental DNA for terrestrial vertebrate community monitoring
- Elizabeth L. Clare et col./ Queen Mary University of London : Measuring biodiversity from DNA in the air.
… et présentées sur le site de la Queen Mary University of London : DNA from air could revolutionize the way we measure animal biodiversity, say scientists.