Les glaciers de l’Himalaya ont perdu 10 fois plus de glace au cours des dernières décennies, menaçant l’approvisionnement en eau de l’Asie
Selon une nouvelle étude, deux milliards de personnes qui dépendent de l’eau des glaciers de l’Himalaya, de la consommation à l’agriculture, pourraient bientôt être gravement touchées par la fonte à un « rythme exceptionnel » des énormes blocs de glace de la chaîne de montagnes. La perte de glace est l’une des conséquences directes du réchauffement climatique causé par l’humain, et elle pourrait mettre en péril les ressources en eau de vastes pans de la planète.
Image d’entête : moraines de Lobuche. (Duncan Quincey/ Université de Leeds)
L’Himalaya est un système montagneux massif qui s’étend sur environ 2 500 kilomètres et abrite plus de 32 000 glaciers. Seuls l’Antarctique et l’Arctique ont davantage de glace et de neige que l’Himalaya. Mais contrairement aux glaciers de l’Antarctique, ceux de l’Himalaya alimentent en eau d’importants réseaux fluviaux et assurent directement et indirectement la subsistance de millions de personnes dans la région.
Comme dans d’autres régions du monde, les glaciers de l’Himalaya perdent de la glace à mesure que la température augmente. Mais il semble qu’ils soient plus sévèrement touchés que dans d’autres régions du monde. Dans leur nouvelle étude, des chercheurs d’universités britanniques ont constaté qu’ils ont perdu de la glace dix fois plus vite au cours des dernières décennies qu’en moyenne lors de la dernière expansion des glaciers, il y a 700 ans.
Langue du glacier Khumbu. (Duncan Quincey/ Université de Leeds)
Selon Jonathan Carrivick, auteur correspondant de l’étude :
Les glaciers de l’Himalaya perdent actuellement de la glace à un rythme au moins dix fois supérieur au rythme moyen des siècles passés. Cette accélération du taux de perte n’est apparue qu’au cours des dernières décennies et coïncide avec le changement climatique induit par l’homme.
Dans l’étude, les chercheurs ont reconstitué les surfaces de glace et la taille de 14 798 glaciers de l’Himalaya au cours de la dernière expansion des glaciers, également connue sous le nom de petit âge glaciaire. Ils ont estimé que les glaciers de l’Himalaya ont perdu environ 40 % de leur superficie, passant de 28 000 kilomètres carrés à l’époque à 19 600 kilomètres carrés de glace en 2021.
Au cours de cette période, les glaciers ont également perdu entre 390 et 586 kilomètres cubes de glace, soit l’équivalent de toute la glace contenue aujourd’hui en Scandinavie, dans les Alpes d’Europe centrale et dans le Caucase réunis. Toute cette glace fondue a fait monter le niveau des mers à l’échelle mondiale de 0,92 à 1,38 millimètre, selon les estimations des chercheurs.
Cela a d’importantes conséquences pour toutes les régions entourant l’Himalaya (qui représente une grande partie de l’Asie), notamment une augmentation des inondations en raison de la quantité d’eau plus importante dans les rivières alimentées par les glaciers, des phénomènes météorologiques plus extrêmes, des changements dans la mousson, qui fait vivre des millions de personnes, une baisse des rendements agricoles et des changements dans la production d’énergie en raison de la diminution de l’eau dans les barrages.
Chaîne de bassins du Khumbu. (Duncan Quincey/ Université de Leeds)
L’équipe a utilisé des modèles numériques d’élévation et des images satellite pour reconstituer la surface de glace des glaciers de l’Himalaya. Les images ont montré des crêtes qui marquent les anciennes limites des glaciers. Les chercheurs ont utilisé la géométrie des crêtes pour estimer l’étendue des anciens glaciers et l’élévation de la surface de glace, puis ils ont comparé ces données à celles des glaciers actuels, en notant les différences.
L’étude a également montré que les glaciers perdent leur masse plus rapidement dans la région orientale de l’Himalaya. Cela s’explique par les différences entre les caractéristiques géographiques de la chaîne de montagnes et leur interaction avec l’atmosphère. Les chercheurs ont également constaté que les glaciers diminuent plus rapidement là où ils se terminent dans des lacs que là où ils se terminent sur la terre ferme.
Pour le coauteur de l’étude, Simon Cook, maître de conférences à l’université de Dundee en Écosse :
Les habitants de la région constatent déjà des changements qui dépassent tout ce qui a été observé depuis des siècles. Cette recherche n’est que la dernière confirmation que ces changements s’accélèrent et qu’ils auront un impact significatif sur des nations et des régions entières.
L’étude publiée dans Scientific Reports : Accelerated mass loss of Himalayan glaciers since the Little Ice Age et présentée sur le site de l’Université de Leeds : Himalayan glaciers melting at ‘exceptional rate’.