La toute première analyse de la poussière d’étoile extraite de l’astéroïde Ryugu
Cela fait plus d’un an que la sonde Hayabusa 2 a livré sa précieuse cargaison de poussière provenant d’un lointain rocher spatial, et nous avons enfin un aperçu plus détaillé de ce qui compose l’astéroïde Ryugu.
Image d’entête : échantillons de Ryugu retournés par la sonde Hayabusa 2. (Yada et col./ Nature Astronomy)
Dans deux études publiées cette semaine, des équipes internationales de scientifiques ont révélé que, conformément aux analyses effectuées par la sonde lors de son passage sur l’astéroïde, Ryugu est très sombre, très poreux et fait partie des matériaux du système solaire les plus primitifs auxquels nous ayons jamais eu accès sur Terre.
Représentation artistique de la sonde Hayabusa 2 réalisant un “Touchdown” de la surface de l’astéroïde Ryugu. (JAXA)
Bien qu’ils ne soient pas inattendus, ces résultats sont très intéressants. Comme l’astéroïde est resté plus ou moins inchangé depuis la formation du système solaire il y a 4,5 milliards d’années, l’échantillon est l’un de nos meilleurs outils pour comprendre la composition de la poussière à partir de laquelle les objets du système solaire interne se sont formés.
Selon les chercheurs :
Les échantillons renvoyés par Hayabusa 2 semblent être parmi les matériaux les plus primordiaux disponibles dans nos laboratoires. Les échantillons constituent une collection précieuse unique, qui pourrait contribuer à revisiter les paradigmes de l’origine et de l’évolution du système solaire.
L’astéroïde Ryugu, anciennement connu sous le nom de 1999 JU3, est seulement le deuxième astéroïde à partir duquel une mission de retour d’échantillons a été menée. Le premier était Itokawa, dont le mécanisme de retour d’échantillons a échoué, si bien que seule une infime quantité de poussière a finalement atteint la Terre en 2010.
L’astéroïde Ryugu, tel qu’imaginé par la sonde Hayabusa2. La flèche rouge marque l’emplacement de l’échantillonnage. (JAXA/ Hayabusa2)
Ryugu mesure environ un kilomètre de diamètre, avec une crête autour de son équateur. Il suit une orbite elliptique qui le porte juste à l’intérieur de la trajectoire orbitale de la Terre autour du Soleil, puis presque aussi loin que l’orbite de Mars. La mission consistant à se rendre jusqu’à l’astéroïde, à s’y poser deux fois, puis à ramener sur Terre les poussières récupérées, a nécessité un niveau de compétence et de planification tout à fait impressionnant.
Mais elle a porté ses fruits, et 5,4 grammes de précieuse poussière d’astéroïde ont été ramenés et dûment analysés, tandis que Hayabusa 2 a repris sa route pour une série de rendez-vous avec d’autres astéroïdes au cours des prochaines années.
La capsule d’échantillon récupérée. (JAXA)
Grâce à la télédétection et aux mesures effectuées sur l’astéroïde, nous savons déjà que Ryugu est ce que nous appelons un astéroïde de type C, le type d’astéroïde le plus courant dans le système solaire. Ces roches sont riches en carbone, ce qui les rend très sombres, et contiennent également beaucoup d’éléments volatils.
Dans la première étude, dirigée par l’astronome Toru Yada de l’Agence d’exploration aérospatiale japonaise (JAXA), l’analyse d’un échantillon de Ryugu révèle que l’astéroïde est extrêmement sombre. En général, les astéroïdes de type C ont un albédo (mesure de la quantité de rayonnement solaire réfléchi par un corps) de 0,03 à 0,09. L’asphalte a un albédo de 0,04. L’albédo de Ryugu est de 0,02. Cela signifie qu’il ne reflète que 2 % du rayonnement solaire qui le frappe.
Les chercheurs ont également déterminé que l’astéroïde est extrêmement poreux. D’après leurs mesures, Ryugu a une porosité de 46 %. C’est plus poreux que n’importe quelle météorite carbonée étudié jusqu’à maintenant, même si nous avons vu des astéroïdes plus poreux. Ces résultats correspondent à la porosité de l’astéroïde mesurée par imagerie thermique à distance et aux mesures effectuées sur l’astéroïde lui-même.
Dans la seconde étude, une équipe dirigée par l’astronome Cédric Pilorget de l’Université Paris-Saclay en France a analysé la composition de la poussière. Ils ont détecté que l’astéroïde semble être constitué d’une matrice extrêmement sombre, probablement dominée par des phyllosilicates, ou des minéraux de type argileux, bien qu’il y ait une absence de signature d’hydratation claire.
Dans cette matrice, ils ont identifié des inclusions d’autres minéraux, tels que des carbonates, du fer et des composés volatils.
Ces deux études s’accordent à dire qu’en termes de porosité et de composition, Ryugu ressemble le plus à un type de météorite classé dans la catégorie des « chondrites CI« . Cela signifie que la météorite est carbonée, et similaire à la météorite d’Ivuna. Ces météorites ont, par rapport aux autres météorites, une composition très proche de celle de la photosphère solaire, ce qui suggère qu’elles sont les plus primitives de toutes les roches spatiales connues.
Des analyses plus approfondies seront sans doute effectuées pour tenter d’en découvrir davantage, non seulement sur Ryugu, mais aussi sur ce qu’était notre système solaire lorsqu’il s’est formé à partir des restes de poussière du Soleil.
Selon l’équipe de Yada dans son étude :
Nos premières observations en laboratoire pour l’ensemble des échantillons retournés démontrent que Hayabusa 2 a récupéré un échantillon représentatif et non traité (bien que légèrement fragmenté) de Ryugu.
Nos données confirment et étendent les observations de télédétection qui suggéraient que Ryugu est dominé par des matériaux carbonés hydratés de type chondrite, similaires aux CI chondrites, mais de nature plus sombre, plus poreuse et plus fragile. Cette inférence devrait être corroborée par des enquêtes approfondies menées ultérieurement à l’aide de méthodes analytiques de pointe, avec une résolution et une précision plus élevées.
Les deux études publiées dans Nature Astronomy :