Comment les plantes survivent-elles à l’hostile désert d’Atacama ?
Dans le désert chilien d’Atacama, le désert non polaire le plus sec de la planète, seules les plantes les plus résistantes se cramponnent aux roches et au sable privés d’eau.
Image d’entête : le désert d’Atacama, dans le nord du Chili, l’un des environnements les plus secs et les plus rudes de la planète. (Melissa Aguilar)
La façon dont elles ont réussi à prospérer dans un endroit aussi hostile présente un intérêt particulier pour les scientifiques qui espèrent comprendre comment la vie végétale peut s’adapter à l’évolution des écosystèmes dans un monde en réchauffement. Dans une nouvelle étude publiée cette semaine (lien plus bas), une équipe internationale de chercheurs a identifié l’arme fatale : des gènes déterminants qui ont aidé les arbustes rustiques de l’Atacama à s’adapter à leur terre natale desséchée.
L’étude est le fruit d’une collaboration internationale entre botanistes, microbiologistes, écologistes, biologistes de l’évolution et génomistes, dirigée par une équipe de chercheurs chiliens qui ont fondé un « laboratoire naturel » novateur dans l’Atacama, dans lequel ils ont mené des expériences pendant une décennie afin de comprendre comment ce paysage inhospitalier était capable de nourrir la vie. Ils ont étudié le climat, le sol et la vie végétale sur 22 sites à des altitudes et des types de végétation différents.
La zone de recherche abrite une surprenante variété d’espèces végétales, notamment des herbes, des plantes annuelles et des arbustes vivaces, toutes adaptées à l’aridité de la région, à son altitude, à son sol pauvre en nutriments et aux puissants rayonnements du soleil.
L’équipe a transporté des échantillons sur 1 600 km jusqu’à son laboratoire, où elle a séquencé les gènes exprimés par les 32 espèces végétales dominantes de la région, ainsi que les génomes des microbes vivant dans le sol d’Atacama et qui coexistent avec les plantes.
Ils ont découvert que certaines espèces végétales développaient des bactéries favorisant la croissance près de leurs racines afin d’optimiser l’absorption de l’azote, un nutriment dont elles ont besoin pour se développer, mais qui est notoirement rare dans l’Atacama.
Les chercheurs de l’université de New York (NYU) ont ensuite utilisé une approche appelée phylogénomique pour identifier les gènes dont les séquences protéiques étaient adaptées, en comparant les 32 espèces de l’Atacama à 32 espèces « sœurs » génétiquement similaires.
La chercheuse Gabriela Carrasco identifie, étiquette, collecte et congèle des échantillons de plantes dans le désert d’Atacama. Ces échantillons ont ensuite parcouru 1 600 km, conservés sous glace sèche, pour être traités pour des extractions d’ARN dans le laboratoire de Rodrigo Gutiérrez à Santiago du Chili. (Melissa Aguilar)
Selon Gloria Coruzzi, coauteure de l’étude et professeure au département de biologie et au Center for Genomics and Systems Biology de l’Université de New York :
L’objectif était d’utiliser cet arbre évolutif basé sur les séquences du génome pour identifier les changements dans les séquences d’acides aminés codées dans les gènes qui sous-tendent l’évolution de l’adaptation de la plante Atacama aux conditions désertiques.
Et selon Gil Eshel, qui a effectué l’analyse à l’aide du High Performance Computing Cluster de l’Université de New York :
Cette analyse génomique intensive sur le plan informatique a nécessité la comparaison de 1 686 950 séquences de protéines dans plus de 70 espèces. Nous avons utilisé la super-matrice résultante de 8 599 764 acides aminés pour la reconstruction phylogénomique de l’histoire évolutive des espèces d’Atacama.
L’étude a permis de trouver 265 gènes potentiels dont les séquences protéiques se retrouvaient dans plusieurs espèces d’Atacama. Certains de ces gènes adaptaient la capacité des plantes à réagir à la lumière et à gérer la photosynthèse, ce qui a pu les aider à s’adapter à l’irradiation extrême de ces hautes plaines désertiques. D’autres gènes découverts sont impliqués dans la régulation des réponses au stress et la gestion de l’apport en sel et de la détoxification, ce qui pourrait avoir adapté les plantes à l’environnement très stressant et pauvre en nutriments de l’Atacama.
Ces recherches arrivent à point nommé, alors que les dirigeants du monde entier tentent cette semaine de négocier une approche globale du changement climatique lors de la COP26.
Selon Rodrigo Gutiérrez, coauteur de l’étude et professeur au département de génétique moléculaire et de microbiologie de la Pontificia Universidad Católica de Chile :
Notre étude des plantes du désert d’Atacama est directement pertinente pour les régions du monde entier qui deviennent de plus en plus arides, avec des facteurs tels que la sécheresse, les températures extrêmes et la présence de sel dans l’eau et le sol, qui constituent une menace importante pour la production alimentaire mondiale.
La plupart des espèces végétales que nous avons caractérisées dans le cadre de cette recherche n’avaient jamais été étudiées auparavant. Comme certaines plantes de l’Atacama sont étroitement liées aux cultures de base, notamment les céréales, les légumineuses et les pommes de terre, les gènes candidats que nous avons identifiés représentent une mine d’or génétique pour concevoir des cultures plus résistantes, une nécessité compte tenu de la désertification croissante de notre planète.
L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : Plant ecological genomics at the limits of life in the Atacama Desert et présentée sur le site de l’Université de New York : Researchers Uncover “Genetic Goldmine” Underlying Plant Resilience in Extreme Desert Environment.