Le fait que certains primates portent le cadavre de leur bébé suggère qu’il pourrait s’agir d’une forme de deuil
Des scientifiques ont déjà documenté des centaines de comportements de » port de cadavres de bébés » chez les primates. Parfois, ceux-ci portent et toilettent le cadavre de leur progéniture pendant des semaines ou des mois, tandis que les corps se décomposent lentement ou se momifient. Une nouvelle étude suggère que ce comportement étrange est plus répandu parmi les espèces qu’on ne le pensait auparavant.
Plus encore, ce comportement pourrait être une forme de gestion par les primates du chagrin associé à la perte de leur progéniture. Les scientifiques impliqués dans l’étude ont créé la plus grande base de données sur les réactions des mères primates face à la mort de leur petit, afin de décrire ce comportement étrange et de trouver des indices sur l’évolution des émotions.
Pour leur étude, l’équipe a compilé des données provenant d’anecdotes rapportées dans plus de 120 publications sur le comportement des primates.
Ils ont procédé à l’analyse quantitative la plus rigoureuse des 406 cas recensés dans 50 espèces afin de comprendre le comportement des primates en matière de portage de cadavres de nourrissons. Bien que certains scientifiques se demandent si les primates sont conscients de la mort ou non, la nouvelle étude suggère qu’ils en prennent conscience après un certain temps.
Une femelle babouin portant le cadavre de son petit. (Alecia Carter / Tsaobis Baboon Project)
Alecia Carter, coauteure de l’étude au département d’anthropologie de l’University College de Londres, a déclaré que l’étude montrait que les primates appréhendaient la mort de la même manière que les humains, même s’il leur fallait du temps pour en comprendre les conséquences, un peu comme les humains. Mais ce dont ils ne sont pas sûrs, c’est que les primates comprennent que la mort est universelle.
Les chercheurs ont déclaré que l’étude montre comment le deuil est traité chez les primates et s’ils connaîtraient également une profonde dépression après la mort de leur progéniture, comme les humains. Mais Carter a noté que certains primates pourraient avoir besoin du lien pour faire face à la perte d’un petit, ce qui montre les liens maternels forts chez les primates, les humains et, de manière générale, chez les mammifères.
Environ 80 % des singes de l’étude ont été documentés en train de porter le cadavre de leur petit. L’équipe a constaté que ce comportement est plus courant chez les grands singes et les singes de l’Ancien Monde.
Les espèces des primates sont également un facteur déterminant du comportement. Ceux qui ont divergé il y a longtemps, comme les lémuriens, ne portent pas les cadavres de leur progéniture, mais font leur deuil à leur manière en restituant le cadavre ou en effectuant des « appels de contact mère-enfant ».
Elisa Fernández Fueyo, coauteure de l’étude à l’University College de Londres, note qu’ils avaient été surpris de découvrir que trois facteurs pouvaient influencer le comportement des primates en matière de portage de cadavres de bébés. Ils ont souligné que le temps passé par la mère à porter le cadavre dépendrait de la force du lien mère-enfant.
Le premier facteur est l’âge de la mère. Les jeunes primates étaient plus susceptibles de porter le cadavre de leur petit que les femelles primates plus âgées. Ensuite, la façon dont le bébé est mort peut également déterminer si la mère récupère le cadavre ou non. Les primates étaient moins susceptibles de porter le cadavre de leur progéniture si celle-ci était morte lors d’un événement traumatique, comme l’attaque d’un prédateur ou un accident.
Enfin, l’âge des petits au moment de leur mort est également un facteur dans ce comportement. Plus le nourrisson est mort jeune, plus sa mère le portera longtemps.
L’étude publiée dans The Proceedings of the Royal Society B : Why Do Some Primate Mothers Carry Their Infant’s Corpse? A Cross-Species Comparative Study et présentée sur le site de l’University College de Londres : Primate mothers may carry infants after death as a way of grieving, study finds.