Découverte de trois nouvelles espèces de putois équilibristes
Un putois qui fait le poirier, aussi remarquable que soit le spectacle, est le signe qu’il est temps de faire marche arrière. C’est le dernier avertissement avant qu’ils ne commencent à pulvériser leur fameux liquide à l’odeur putride.
Image d’entête : une moufette tachetée réalisant son fameux équilibre sur les pattes. (Jerry W. Dragoo)
Toutes les moufettes ne font pas le poirier, seulement celles qui sont tachetées. La moufette la plus commune en Amérique du Nord est la moufette rayée, un animal trapu de la taille d’un chat domestique, noir avec des rayures blanches. La moufette tachetée, qui se dresse sur ses pattes, est plus petite, moins d’un kilo, et un peu plus mystérieuse que sa cousine rayée.
Les chercheurs ont même débattu du nombre d’espèces de mouffettes tachetées, allant de deux à quatorze, avant de se fixer sur quatre. Mais selon une nouvelle étude sur l’ADN de la moufette, il existe en fait sept espèces.
La page Wikipédia sur la moufette tachetée (et à peu près toutes les sources que vous pouvez trouver) énumère quatre espèces existantes de moufettes tachetées : Spilogale gracilis, Spilogale putorius, Spilogale pygmaea et Spilogale angustifrons, le « S. » désignant le genre Spilogale de la moufette tachetée.
Une moufette tachetée. (Robby Fleischman)
Mais une équipe de chercheurs a une idée différente sur ces espèces, et ils ont l’ADN pour le confirmer.
Selon Molly McDonough, professeur de biologie à l’université d’État de Chicago (Etats-Unis), chercheur associé au Field Museum et premier auteur de l’étude :
J’ai pu extraire l’ADN d’échantillons de musée vieux de plusieurs siècles et c’était vraiment passionnant de voir à qui ces individus étaient apparentés. Il s’est avéré que l’un d’entre eux était une espèce endémique du Yucatan, actuellement non reconnue.
Il est frappant de constater que même pour un animal aussi connu que la moufette, sur un continent relativement bien exploré, nous pouvons encore découvrir de nouvelles choses et réaligner l’arbre de vie des espèces.
Selon Adam Ferguson, l’un des auteurs de cette étude et le responsable des collections de mammifères de Negaunee au Field Museum de Chicago :
L’Amérique du Nord est l’un des continents les plus étudiés en ce qui concerne les mammifères, et les carnivores sont l’un des groupes les plus étudiés. Tout le monde pense que nous connaissons tout de la systématique des mammifères carnivores, alors le fait de pouvoir redessiner l’arbre généalogique des moufettes est vraiment passionnant.
Les moufettes ont un lointain lien de parenté avec les chiens, et bien qu’elles fassent partie de l’ordre des carnivores, ce sont des omnivores (capables de manger à la fois des plantes et d’autres animaux). Les mouffettes rayées sont plus familières à la plupart des habitants d’Amérique du Nord, car elles ont fait leur apparition dans certaines zones urbaines et suburbaines. Elles sont également plus grandes que les moufettes tachetées, qui sont généralement plus petites et qui aiment rester cachées quand elles le peuvent.
Toutes les moufettes peuvent répandre un liquide fétide, mais les moufettes tachetées, plus petites, ont un comportement plus spectaculaire : elles font le poirier sur leurs pattes avant.
Toujours selon Ferguson :
Les moufettes tachetées sont parfois appelées les acrobates du monde des moufettes.
Ferguson, McDonough et leurs collègues ont analysé des échantillons d’ADN provenant à la fois de spécimens sauvages et de spécimens de musée, et ils ont découvert que certaines moufettes que l’on croyait appartenir à la même espèce étaient en fait très différentes. Parfois, les différences génétiques ne se traduisent pas par des différences visibles.
Un avis de recherche sollicitant des spécimens de mouffettes tuées sur la route pour les utiliser dans cette recherche. (Adam Ferguson)
Sur la base de ces différences génétiques, ils ont pu regrouper le groupe des mouffettes tachetées. Ce faisant, ils ont fini par redonner à des espèces des noms qui n’avaient pas été utilisés depuis des siècles.
La diversification des espèces de mouffettes tachetées semble avoir commencé relativement récemment.
En analysant le génome des moufettes tachetées, nous avons pu apprendre que leur évolution et leur scission en différentes espèces étaient dues aux changements climatiques survenus pendant la période glaciaire.
Cependant, il est important de connaître les espèces d’un groupe non seulement pour construire un arbre de leur évolution, mais aussi pour savoir quelles espèces sont menacées d’extinction. Par exemple, si ce que nous pensions être une seule espèce s’avère être deux espèces, et que l’une d’entre elles se porte très bien et l’autre pas, nous pourrions adapter les efforts de conservation afin de protéger celle qui est en danger.
C’est également le cas pour certaines nouvelles espèces issues de cette étude. Par exemple, on sait que la mouffette tachetée des plaines est en déclin depuis un siècle. Mais les défenseurs de l’environnement pensaient qu’il s’agissait d’une sous-espèce, et non d’une espèce à part entière.
Selon Ferguson :
Si une sous-espèce est en difficulté, on accorde parfois moins d’importance à sa protection, car sa lignée évolutive n’est pas aussi distincte que celle d’une espèce. Nous avons montré que les moufettes tachetées des plaines sont distinctes au niveau de l’espèce, ce qui signifie qu’elles évoluent indépendamment des autres moufettes depuis longtemps. Une fois que quelque chose a un nom d’espèce, il est plus facile de le conserver et de le protéger.
L’étude offre également aux chercheurs une nouvelle occasion de comprendre les moufettes tachetées. D’après les chercheurs, leurs acrobaties ne sont pas la seule chose inhabituelle chez eux.
Outre le fait qu’elles font le poirier, la chose la plus intéressante à propos des moufettes tachetées est que certaines d’entre elles pratiquent l’implantation différée des ovules. Elles retardent l’implantation de l’œuf dans l’utérus, qui reste en suspension pendant un certain temps. Nous voulons savoir pourquoi certaines espèces ont une implantation retardée et d’autres non, et comprendre comment ces différentes espèces de mouffettes ont évolué peut nous y aider.
L’étude publiée dans la revue Molecular Phylogenetics and Evolution : Phylogenomic systematics of the spotted skunks (Carnivora, Mephitidae, Spilogale): Additional species diversity and Pleistocene climate change as a major driver of diversification et présentée sur le site du Field Museum : Doubling the number of species of hand-standing spotted skunks.